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Capet ». C'est sans doute pour cette « bonne contenance >> que M. Guibal appelle ce bataillon le bataillon du 21 janvier. On leur offrit d'aller à la frontière. Ils refusèrent. Ils parurent faire cause commune avec les Girondins contre les Montagnards. Aussi les Parisiens ne les retinrent-ils pas, quand le mal du pays leur donna envie de s'en retourner chez eux, et, le 11 février 1793, ils repartirent pour Aix, où ils arrivèrent le 28 mars. Leur insistance à réclamer une indemnité à laquelle ils croyaient avoir droit, causa à la municipalité d'Aix de cruels embarras, que M. Guibal raconte en détail. A. A.

Nous répétons souvent que les études sur l'histoire de la Révolution ont conquis le droit de cité à peu près partout, et notamment dans les Universités. Cependant un fait qui vient de se passer en province semble indiquer que ces études se heurtent encore parfois à des malveillances sourdes, à des pusillanimités, aux résistances de l'esprit conservateur. A la Faculté des lettres de l'Université de Lille, deux professeurs d'histoire avaient eu l'excellente idée d'entreprendre une publication des cahiers rédigés en 1789 dans la Flandre maritime. Ayant besoin d'une somme de 500 à 600 francs pour faire faire les copies utiles, ils les demandèrent au Conseil de l'Université. Celui-ci vient, paraît-il, de repousser leur demande. Pourquoi? Faute d'argent? Non : le Conseil en a pour les mémoires et travaux de l'Université. Alors??

ERRATUM

Dans le dernier numéro juin 1902), p. 531, ligne 18, au lieu de : Député de l'Eure, lire : Député d'Eure-et-Loir.

Le Gérant: NOEL CHARAVAY.

Paris. L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.

LE DUC D'ORLÉANS

SEIGNEUR DE HONFLEUR

Depuis 1693 jusqu'au commencement de la Révolution, le duc d'Orléans posséda le vicomté d'Auge et la baronnie de Roncheville (1). De ces deux domaines dépendait directement la riche vallée de la Touques, de Lisieux à la mer, la colline de Beaumont-en-Auge, et la plus grande partie du plateau couronné par la forêt de Touques et qui se termine brusquement au bord de la Seine, de Trouville à Honfleur.

Honfleur, fief de la baronnie de Roncheville, était donc vassale du duc d'Orléans. Son port, abrité des vents d'Ouest par la pittoresque et verdoyante côte de Grâce n'était plus comme au moyen âge et jusqu'au XVI siècle un nid de corsaires; mais il faisait un commerce très étendu avec les pays d'outre-mer, en même temps que ses marins se livraient à la grande pêche. Avec plus de huit mille habitants, cette ville était d'une grande importance pour son seigneur.

Il n'est pas inutile pour l'intelligence de cette étude de rappeler sommairement par quelles circonstances le duc d'Orléans était devenu baron de Roncheville.

La baronnie de Roncheville et la vicomté d'Auge eurent

(1) Roncheville est situé à quelques kilomètres de Pont-l'Évêque.

T. XLIII, 1902.

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une

vie indépendante jusqu'au

commencement du xvo siècle. La première appartenait, à la fin du xvi siècle, à Marie de Bourbon, la plus riche héritière de France, dit-on, qui épousa Léonard d'Orléans, duc de Longueville, mais conserva l'administration de son domaine patrimonial. Peu de temps après sa mort la baronnie de Roncheville fut vendue, moyennant cent mille écus, à la marquise de Rothelin, qui l'abandonna presque aussitôt au duc de Montpensier (1606). Celui-ci possédait déjà la vicomté d'Auge, que le roi François Ier avait donnée à sa famille en 1527, en échange d'autres terres situées en Flandre. L'acte royal de cession, entre autres conditions, stipulait principalement :

1° Que le roi accordait la vicomté d'Auge à charge de foi et d'hommage-lige;

2° Que la justice ordinaire, sceaux, tabellionage et greffe seraient exercés sous le nom du roi et demeureraient de qualité royale;

3° Que les profits en appartiendraient au vicomte d'Auge, et que, lors de la vacance de ces offices, la nomination des officiers se ferait par le vicomte d'Auge, mais que, dans tous les cas, cette nomination serait ratifiée par le roi;

4° Que les taillables des terres concédées seraient contraints au paiement des droits comme des propres deniers royaux;

5 Et qu'enfin le vicomte d'Auge jouirait de cette seigneurie comme de son propre héritage, sans que cette vicomté pût être sujette à réversion (1).

Des différends s'élevèrent bientôt entre le vicomte d'Auge et le baron de Roncheville à propos des droits seigneuriaux; puis, au grand mécontentement de la duchesse de

1 Catherine, Histoire de Honfleur.

Longueville, le duc de Montpensier, appelé par les habitants de Honfleur, s'établit dans cette ville comme lieutenant de Henri IV; enfin, comme nous l'avons vu, il se rendit acquéreur de la baronnie de Roncheville.

Ainsi, à partir de 1606, les droits attachés à la possession des deux fiefs se trouvèrent réunis au profit du duc de Montpensier. Les deux seigneuries passèrent ensuite à différents princes de cette maison, notamment à la

Grande mademoiselle », qui par testament les donna au duc d'Orléans frère de Louis XIV. Et, depuis 1693, la baronnie de Roncheville et la vicomté d'Auge furent la propriété des ducs d'Orléans, jusqu'à la Révolution du moins (1).

Nous ne rechercherons pas quelle fut leur administration pour l'un et l'autre de ces domaines. Dans ce mémoire nous essaierons seulement d'établir leurs rapports avec la municipalité et les bourgeois de Honfleur; plus tard nous montrerons la rigueur extraordinaire, sinon inexplicable, que le vicomte d'Auge, à la veille de la Révolution, tentera d'apporter dans la perception de ses droits seigneuriaux sur la ville et le port de Honfleur, d'un côté; de l'autre, la résistance des habitants à ces prétentions, qu'ils parvinrent à faire tomber par leur persévérance et leur énergie.

Le duc d'Orléans jouissait d'une grande influence dans sa seigneurie de Honfleur et exerçait une autorité considérable. Déjà Me de Montpensier était intervenue fréquemment dans les affaires de la ville; mais, quand le vicomte d'Auge fut le régent, il fut plus que jamais consulté par les bourgeois, qui lui portèrent une vénération

(1) Louis-Philippe-Joseph d'Orléans (Philippe-Égalité) avait aliéné, peu de temps avant la Révolution, une partie des terres de ses domaines d'Auge et de Roncheville, en particulier la forêt de Touques (d'après Catherine).

presque égale à celle qu'ils portaient au roi. Comment ne pas trembler devant un maître qui tenait en ses mains, non seulement les destinées de quelques milliers de Normands, mais encore celles de la France tout entière! Aussi quelles ne sont pas leurs prévenances pour lui et même pour ses successeurs, bien qu'ils ne jouissent plus du même pouvoir!

Dès que Louis-Philippe d'Orléans monte au pouvoir (1715), la municipalité députe deux citoyens pour le saluer à propos de son élévation. Plus tard, le rétablissement de la santé de la duchesse d'Orléans est l'objet de réjouissances publiques, car il n'y a point de ville « dont les habitants soient plus étroitement obligés à la reconnaissance envers Son Altesse Seigneuriale ». A cette occasion, grande messe à la chapelle de Grâce, Te Deum, feu de joie « le plus élevé que faire se pourra », le tout accompagné de décharges de canons et de sonneries de cloches des quatre églises. La municipalité et les bourgeois se rendent à la chapelle précédés de fifres, tambours et corps musical, des volontaires rouges et bleus; enfin un banquet termine la journée. Rien n'avait été épargné pour cette fête, et jamais de telles réjouissances n'avaient même été données pour le roi (1).

Le duc annonce-t-il son passage à Honfleur? la municipalité donne l'ordre « de réunir les bourgeois aux lieux qui leur seront indiqués pour travailler à réparer et aplanir le grand chemin... pour faciliter le passage aux carosses et équipages de leurs Altesses seigneuriales ».

Une grande voie est percée, qui reliera Honfleur et Pont-l'Évêque le représentant du duc en plante luimême le premier arbre. « A ce moment, dit le compte rendu officiel, il a été fait une décharge de la batterie de

(1) M. Charles Bréard a fait des registres de délibérations du corps municipal une analyse qui m'a été d'une grande utilité dans mes recherches.

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