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été commis, et qui, par des routes obscures et profondes, correspondait avec une porte placée dans une grotte voisine de la ville de Lerici.

Lorédan ne douta pas qu'il ne se trouvât dans les mêmes lieux, surtout lorsqu'il vit ce tableau dont Ferdinand lui avait aussi parlé, et dans lequel il était représenté avec Luiggi et leur mère. Son cœur éprouva une espèce de joie à se trouver dans ce château. Hélas! lorsque Ferdinand l'entretenait de ses curiosités, ni l'un ni l'autre ne se doutaient que Francavilla viendrait un jour y chercher un asile contre la méchanceté de ce même Valvano.

«O passion funeste de l'amour, se disaitil à lui-même, faut-il que tu sépares deux êtres si bien faits pour s'aimer? Astu pu changer à ce point le noble caractère de Ferdinand, et lui prêter toutes les malices les plus odieuses du crime. »>

Ces réflexions le rejetérent dans un morne silence, dont s'aperçut également

le châtelain. «Allons, signor, lui dit ce dernier, il ne faut pas vous tourmenter sans relâche. Quels que soient vos chagrins, ils auront leur terme. Fiez-vous en l'amitié de mon prince, il ne songe qu'à faire des heureux; et puisque vous êtes placé si avant dans sa tendresse, pensezvous qu'il ne fasse rien pour vous? Il me -tarde de le voir; car peut-être viendrat-il vous visiter; il y a trois ans que ce manoir ne l'a vu, et tous ses vassaux sont impatiens dé lui rendre leurs homimages.nl i

- << Il ne les rendront jamais, dit le marquis, à un plus noble coeur, et puisset-il jouir de tout le bonheur qu'il mérite!»

«On dit cependant, reprit Altaverde, que le prince est d'un caractère naturellement sombre; qu'il a même renoncé au monde en se retirant dans je ne sais quel monastère; et je croyais qu'il avait institué son frère unique héritier de ses vastes propriétés. »

«Espérons, répliqua Lorédan, qu'il ne persistera pas dans cette idée, elle serait trop désespérante pour ceux qui le chérissent autant qu'il en est digne, et

que

la Sicile, par sa retraite, ne perdra pas son plus bel ornement. »>

Ici, la conversation toucha à sa fin; le souper était terminé: Lorédan, fatigué de sa navigation, témoigna le désir de se retirer dans sa chambre. Altaverde se leva soudain de table, et voulut, malgré ses instances, l'y mener. Lorédan y trouva un valet occupé à entretenir un feu énorme.

- «Que fait donc là cet homme, dit le marquis en souriant au châtelain? est-ce que dans cette saison un tel brasier est nécessaire ? »

«En tout autre lieu, il ne le serait pas, répondit Altaverde; mais cette pièce est demeurée vide durant tant d'années, que l'humidité dont-elle est remplie a besoin d'être chassée, et nous employons

avec succès contre elle le plus puissant de ses ennemis. >>

Lorédan ne répliqua pas. Il examinait avec attention sa chambre, et ses idées se rassemblant, lui rappelaient les descriptions que lui faisait autrefois Valvano, de l'appartement du meurtre, situé dans le château de Ferdonna, et qui se trouvaient conformes à tout ce qui frappait en ce moment ses regards. Il reconnut le lit de velours rouge, les fauteuils de la même étoffe, la tenture pareille, le grand crucifix de bronze placé dans la ruelle du lit, les deux tableaux représentant l'un le sacrifice d'Abraham, l'autre celui de Jephté, les meubles massifs, et enfin le plancher, tout à compartimens de bois de noyer, sous l'un desquels était un escalier descendant dans les souterrains.

Ce fut par lå que les assassins de la belle Rosamaure s'introduisirent, et ce fut dans le même lit qu'on la frappa. Depuis lors, disait Ferdinand, l'ombre de

la victime se plaît dans celte, chambre lugubre; elle s'y promène en silence, et souvent par des apparitions elle effraie celui qui ose l'habiter. On dit qu'on l'a vue poursuivie par ses meurtriers, répéter souvent avec eux les scènes de la sanglante tragédie par laquelle, elle trouva, la mort.

Ces sinistres souvenirs se présentèrent en foule à l'imagination de Francavilla. Hleût rougi de les faire connaître; mais il ne put s'empêcher de dire à son conducteur: « Je crois qu'un de mes amis m'a déjà parlé de cette chambre; il me l'a décrite du moins avec exactitude. >>

«Cela se peut, répondit Altaverde'; on a même fait à son sujet des contes dénués de tout fondement; peut-être qu'un de nos jeunes signors vous les aura répétés.

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Oui, dit Francavilla; il a prétendu que cette chambre se nommait la chambre du meurtre. »

«Bon, reprit le châtelain, c'est un

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