fe trouvant dans cet endroit, nous le confultâmes là-deffus, & il s'offrit de nous accompagner. Un corps de Trou pes Chinoifes, commandé par un Officier, fe chargea de la conduite de notre bagage. Nous emballâmes nos lits, nous prîmes quelques provifions avec nous, & nous partîmes.

Nous fatigâmes beaucoup tout le 14, & le fo'r nous campâmes dans la rente d'un Moungale avec toute fa famille. Il y avoit tout autour plufieurs morceaux de chair de cheval, qui fervirent au fouper de notre hôte & af fa femme, & il nous invita à le partager avec lui, ce que nous nous difpenfâmes de faire, d'autant plus que nous avions des provifions. L'odeur défagréable de ce fouper nous fit réfoudre à dormir dorénavant en plein champ, jufqu'à ce que nous fuffions arrivés à Selinginskoi ; car, quoique les nuits fuffent froides, le tems ne

laiffoit

pas que

d'être fec & agréable. Nous relayâmes le lendemain matin, & nous continuâmes notre route. Il ne nous arriva rien de remarquable jufqu'au premier Avril, que nous arrivâmes avant midi fur les bords de la rivière Tola. Il y avoit dix-neuf jours que nous avions laiffé notre bagage; & durant tout ce tems-là, nous effuyâmes beaucoup de fatigue, changeant de chevaux trois ou quatre fois par jour, & c'étoit la premiere eau couranté que nous euffions rencontrée. On ne fçauroit exprimer le plaifir qu'elle nous fit, ni l'avidité avec laquelle nous en bûmes. Quant à moi, je la préférai aux plus délicieux vins d'Ifpahan & de Thiras, & ils ne me parurent rien au prix de cet élément, que l'on méprife lorfqu'on eft dans l'abondance. Il y avoit déjà quelques jours que nous avions confommé notre pain, mais il nous reftoit encore

quelques moutons qu'on nous avoit fournis de tems à autre fur la route. Nous n'en avions point de fixe, & la plupart du tems nous nous avancions quelquefois deux journées au nord de celle que nous avions d'abord prife: Le danger que l'on court en voya→ geant de cette maniere, vient des arcs que les Moungales tendent fous le fable pour tuer les gazelles. Un de nos chevaux mit malheureusement le pied dans un, la flèche partit & ving donner heureufement contre l'étrier; fans cela le cheval ou le cavalier auroit été tué fur la place. Nous avions » il est vrai, des guides pour nous conduire d'un lieu à un autre mais ils ne connoiffoient point ces fortes de piéges.

Ce jour-là même, vers le midi. quelques Moungales ayant mis feu par hazard au foin que nous avions devant nous, il fe répandit auffitôt à

une diftance confidérable. Nous nous retirâmes à l'instant sur le sommet d'une montagne (car le terrein commence ici à s'élever,& il cft moins bon qu'auprès de la rivière, ) & mettant feu au foin qui nous entouroit, nous voya― geâmes environ un mille dans un nua

ge affreux de fumée. Quelques uns de nos gens, qui étoient restés derrière, n'ayant point de fufil, eurent leurs habits & leurs cheveux brûlés. Nous paffames la Tola à gué dans un endroit très-profond, & continuâmes notre route à travers des vallées agréables & des côteaux dont le fommet étoit couvert de petit bois, qui paroiffoit avoir été planté de main

d'hommes.

Il ne nous arriva rien de remarquable jusqu'au matin du 6 Avril, que nous arrivâmes fur les bords de la rivière Iro, mais le gué étoit fi glacé, que nous ne pûmes le traverser, Com

me toutes nos provifions étoient con. fommées, & que nous étions las de coucher en plein champ, nous refolûmes de la paffer à quelque prix que ce fût. Après avoir longtems cherché un gué, nous en trouvâmes un où il n'y avoit point de glace, mais qui étoit extrêmement profond.Nous quit tâmes auffitôt nos habits, nous montâmes à cheval, & nous nous mîmes à paffer la rivière à la nage, quoiqu'elle eût dans cet endroit environ cent vingt pieds de large. Après être arrivés de l'autre côté, nous allumâmes du feu pour faire fecher nos habits, & nous pouffâmes jufqu'au petit ruiffeau de Saratzyn', qui fert de borne entre la Ruffie & la Chine: nous y arri vâmes le foir. Nous ne trouvâmes at cun Habitant depuis Tola jufqu'à cet endroit, mais nous rencontrâines ici quelques Moungales Sujets de la Ruffie, qui nous reçurent avec beau C