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déterminé à l'examen des affaires criminelles. Quand la nuit était venue, ils réglaient les occupations et le salaire des ouvriers et autres hommes de journée. Quant aux grands de l'empire, dès le matin ils s'appliquaient aux affaires de leur ressort, et lorsque le jour était un peu avancé, ils délibéraient ensemble sur le gouvernement de l'état. Le soir, ils dressaient un mémoire des affaires qui devaient se décider le lendemain. Tant d'occupations les obligeaient de prendre sur la nuit le temps nécessaire pour vaquer à ce qui concernait l'intérieur de leur maison.

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Passons, mon fils, des hommes aux femmes. Est-ce que vous ignorez que les reines travaillaient de leurs propres mains à ces ornemens violets qui pendaient au bonnet de l'empereur; que les bordures rouges qui distinguaient les princes et les ducs étaient l'ouvrage de leurs femmes ; que les belles et larges ceintures que portaient les grands, et leurs habits de cérémonies étaient fabriqués par leurs épouses? Le travail de ces femmes ne se bornait pas là. Elles fabriquaient encore de riches

étoffes et de précieux ouvrages pour les offrir aux princes, ou comme une rede. vance, si elles demeuraient dans leurs domaines, ou comme un présent, si elles n'y demeuraient pas. En un mot, c'était, pour les femmes comme pour les hommes, un crime que de vivre dans l'oisiveté. Telles étaient les coutumes de nos ancêtres. Cette maxime de nos anciens rois, suivant la quelle les grands doivent travailler d'esprit et de corps, se pratiquait alors, sans que personne osât s'en dispenser. Il n'est pas permis d'oublier ces loyales coutumes, ces sages maximes.

» Faites réflexion, mon fils, que je suis veuve, et qu'il y a bien peu de temps que vous êtes en place. La paresse et l'oisiveté nous conviennent-elles à l'un et à l'autre ? Pour moi, je tâche de n'avoir rien à me reprocher à ce sujet, et vous paraissez le trouver mauvais! Que peut espérer le prince d'un homme qui est dans de telles dispositions? Je crains fort que mon mari ne m'ait laissé en vous un fils peu digne de lui, et que sa postérité ne finisse en votre

personne. >>

Cette femme respectable ne se trompa pas dans sa conjecture; peu de temps après, Ouen-Pé mourut sans enfans, et sa mère, plongée dans la douleur, pleurait le matin son mari, et le soir, son fils.

Après la mort d'Ouen-Pé, son oncle Ki-Gang se trouva chef de la famille; sa belle-soeur devait, selon la coutume, se retirer chez lui. Il se rendit à son logis, et l'invita à le suivre, en lui parlant avec beaucoup de respect. Cette veuve le suivit en silence. Lorsqu'elle fut arrivée à la maison de son beau-frère, elle entra sans prononcer une seule parole dans l'appartement qu'on lui avait destiné. Dès ce moment, quoique Ki- Gang la traitât comme si elle eût été sa mère, elle ne lui parla que très rarement, et toujours de son appartement. Confucius, informé de la conduite de cette dame, la loua beaucoup de ce qu'elle était si attentive à observer les usages..

Sévérité d'une Dame chinoise à l'égard de son fils, général de l'armée.

Les rois de Tsin et de Tson (1) étant en guerre l'un contre l'autre, celui-ci mit en campagne une armée dont il donna le commandement à un seigneur, nommé Tsé-Fa. Ce général manquant de vivres, dépêcha un courrier au roi pour lui en donner avis ; et profita de cette occasion pour faire saluer sa mère. Le courrier s'étant donc rendu chez cette dame : « Comment va l'armée ? lui demanda-t-elle; les pauvres soldats sont-ils bien? - Madame, répondit le courrier, les vivres commencent à leur manquer. Chaque soldat a cependant eu jusqu'ici sa ration de pois, mais bien petite, car on les compte. -Et votre général, reprit la dame, comment vit-il ?

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Madame, il se sent aussi de la disette.. Il n'a soir et matin que des herbes, un peu de mauvaise viande et du riz fort. noir. » L'entretien finit là..

(1) Anciennement plusieurs provinces de la Chine formaient autant de royaumes dont les noms ne subsistent. plus que dans les anuales de cet empire.

Quelque temps après, Tsé-Fa revenant vainqueur, sa mère lui ferma la porte de sa maison. Fort surpris de ce mauvais accueil, il pria des personnes de sa connaissance d'en demander la raison à sa mère. « Mon fils ignore-t-il, dit cette dame, ce que fit autrefois dans une guerre un de nos anciens rois? Ne sait-il pas que ce prince ayant reçu sur sa route un présent de vin, il le fit boire à ses soldats; que dans une autre circonstance, il leur fit distribuer un sac de riz sec et rôti, qu'on lui avait donné, et que de ce vin et de ce riz, il ne se réserva rien pour lui-même ? Comment mon fils a-t-il eu le cœur de manger soir et matin ce qui lui était servi, sans le partager avec ses soldats réduits à quelques pois par jour? Tout vainqueur qu'il soit, il n'est à mes yeux qu'un mauvais général; je ne le reconnais point pour mon fils. » Tsé-Fa, à qui ces paroles furent rapportées, reconnut qu'il avait tort. Il demanda pardon à sa mère, et la remercia de cette leçon. Alors la porte lui fut ouverte.

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