Images de page
PDF
ePub

bitent appartiennent à l'empereur, et que ces officiers peuvent être, ou destitués pour quelque faute, ou transférés à un autre gouvernement, ils sont ordinairement meublés avec assez de simplicité.

Cet éloignement des Chinois pour le luxe domestique, éloigne le peuple de bien des fautes que commettent ceux qui, en Europe, sacrifient tout aux apparences, et qui, pour briller, ne se font pas scrupule de contracter des engagemens ruineux pour eux et pour les autres.

CHAPITRE VI.

Cérémonies des Chinois dans leurs festins; sortes de mets et de boissons dont ils font usage.

AINSI que les autres nations, les Chinois

s'invitent souvent les uns les autres à des festins, où ils se donnent des marques réciproques d'estime et d'amitié. Ces repas

sont ordinaires ou solennels : les premiers sont de douze ou de seize plats, et les seconds de vingt-quatre. On y observe un grand nombre de cérémonies. Un festin doit toujours être précédé de trois invitations qui se font par billets : la première a lieu la veille, ou tout au plus l'avantveille; la seconde se fait le matin du jour même destiné au repas; la troisième a lieu lorsque tout est prêt. Le maître de la maison fait alors porter, par un de ses gens, à chaque invité, un billet par lequel il lui témoigne l'impatience extrême où il est de le

recevoir.

La salle du festin est ordinairement parée de vases de fleurs, de peintures, de porcelaines, et autres ornemens semblables. Il y a autant de tables que de personnes invitées, à moins que le grand nombre des convives n'oblige d'en mettre deux à chaque table. Ces tables sont toutes sur la même ligne le long des deux côtés de la salle. Les convives sont assis sur des fauteuils, et placés les uns en face des autres. Le devant des tables a des ornemens de soie, faits à l'aiguille, et qui ressemblent

assez à nos ornemens d'autel: comme elles sont parfaitement vern ies, on n'y place ni ni serviettes.

nappes,

Quand le maître du logis introduit ses hôtes dans la salle du festin, il les salue tous les uns après les autres; ensuite il se fait verser du vin dans une petite coupe, ou d'argent ou de porcelaine, posée sur une petite soucoupe de vernis. La tenant des deux mains, et faisant la révérence à tous les convives, il se tourne vers la grande cour de la maison, s'avance sur le devant de la salle, et lève vers le ciel les yeux; et la coupe, dont il répand aussitôt le vin à terre, comme pour reconnaître que c'est du ciel qu'il a reçu les biens qu'il possède. Après cette cérémonie, il fait verser du vin dans une autre coupe semblable à la première, fait la révérence au plus considérable des convives, et va poser la tasse sur la table où celui-ci doit se placer. Lorsque l'un et l'autre ont fait, pour ainsi dire, assaut de politesse, on se met à table. Alors entrent dans la salle quatre ou cinq comédiens richement vêtus. L'un d'eux présente au premier convive un livre en forme de

longues tablettes, sur lesquelles sont écrits, en caractères d'or, les titres de cinquante ou soixante comédies qu'ils sont prêts à représenter sur-le-champ, et parmi lesquelles ils l'invitent à choisir celle qui lui plaira. Lorsque le choix est fait, le comédien montre à tous les convives la comédie qui doit être représentée. La représentation commence au bruit d'instrumens, dont l'harmonie ne peut guère flatter que les oreilles chinoises.

Il n'y a nulle décoration pour les comédies, qui se représentent pendant un repas. On se contente de couvrir d'un tapis le pavé de la salle, et c'est de quelques chambres, voisines du balcon, que sortent les acteurs pour jouer leur rôle en présence des convives, et d'un grand nombre de personnes connues, que la curiosité attire, et qui de la cour, où on les a laissé entrer, jouissent du spectacle. Les dames qui veulent y assister sont hors de la salle. Placées vis-à-vis les acteurs, elles voient et entendent tout à travers une jalousie faite de bambous entrelassés, et de fils de soie à rézeau. Les meurtres apparens, les pleurs, les soupirs,

et quelquefois les hurlemens de ces comédiens, font juger à un Européen qui ne sait pas la langue chinoise, que leurs pièces sont pleines d'événemens tragiques.

On commence toujours le repas par boire du vin. Le maître-d'hôtel, un genou en terre, y exhorte à haute voix tous les convives. On leur sert du vin deux ou trois fois : pendant qu'ils boivent, on place au milieu de chaque table un grand plat de porcelaine, rempli de viandes en ragoût. Le maître-d'hôtel les invite à manger comme il les a invités à boire. Aussitôt chacun prend avec un petit bâton d'ivoire, ani tient lieu de fourchette, un morceau de viande dans le plat qu'on a servi. On sert vingt ou vingt-quatre de ces plats avec les mêmes cérémonies qui ont été pratiquées au premier ; ce qui engage à boire autant de fois; mais alors les tasses sont trèspetites. Lorsqu'on a mangé de tous les plats, les domestiques présentent du vin, du riz, du thé; après quoi les convives se lèvent de table, et vont au bas de la salle complimenter le maître du festin, qui alors les conduit, ou dans le jardin, ou dans une

« PrécédentContinuer »