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foûtiens que Mr. Leti eft aujourdhui le plus grand Partifan de la France, & qu'il tâche de lui rendre le plus fignalé fervice,dont un homme peut être capable, ce que j'en ai déja dit, peut fervir de fortes indices; mais la fuite fera la preuve & la conviction.

Mr.Leti voyant que tous les Ecrits,qui font venus de France depuis 7 ou 8 mois, quoi que fous des titres fort differens, qui fembloient en cacher la fource, ont été régardez d'un chacun comme des Satires & des Libelles fansjugement, depourvûs même de fens commun, aufquels le mépris d'y répondre auroit fait la juftice, aufquels cependant par une furabon-· dance de droit on a bien voulu répondre avec tant de folidité, capable de couvrir de confufion les Auteurs & ceux aufquels ils ont loüé leurs plumes. Je n'aporterai que le titre de deux réponses: Le premier, les véritables interets des Princes de l'Europe dans les affaires préfentes, ou réflexions fur un Ecrit ve... nu de France, intitulé Lettre de Mr. à Mr.. Le fecond, L'Apologie pour leurs Séréniffimes Majeftez Britanniques &c. aufquels je ren-voye le Lecteur. Mr. Leti voyant, dis-je, que tous ces Ecrits ne pouvant produire qu'un effet contraire à l'intention des Auteurs, prend une route toute oppofée, fe met en campagne avec deux Tomes d'une groffeur raifonnable, avec des provifions en Magazin encore plus

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grandes, puifqu'il a de referve trois Ouvrages de deux Tomes chacun, avec celui des affaires d'Angleterre; & après qu'il aura alloüé fes provifions, il fe remettra à un ordinaire réglé pour ne donner au public qu'un Tome tous les fix mois. Voilà affûrément de bonnes provifions pour un homme feul. Il n'a pas lieu de craindre la famine.. Voilà un homme. bien armé, & qui porte avec lui un bon Arcenal. Enfin voilà un homme le plus neceffaire. du monde pour le parti, auquel il fe range: il n'y a pas de difficulté. Il ne s'agit que de favoir fous quelles enfeignes cet homme fe ran ge: car s'il eft contre la France, elle n'a pas de plus grand ennemi : mais s'il en eft autrement, elle n'en a pas qui lui foit plus favora ble. Il n'y a pas de coups plus favorables. pour la France, que les coups, qui font portez en fa faveur dans le camp de fon ennemi: il n'y en a point qui ne portent, & l'avantage n'eft point douteux. Voici donc Mr. Leti en campagne, armé de pied en cap, habillé à la Proteftante, quoi que tiré du fein de la Catholicité, en qualité d'Hiftoriographe & Bourgeois d'Amfterdam à la tête de tous les Ouvrages portans le nom de Mr. Leti, qui fe dechaine cruellement contre la France, qui ne lui tient conte de rien, qui met entre le nom-bre de fes ufurpations des Places,qui ne le font. pas, comme Dunkerke & Cafal, qui lui réproche

proche toute fa vie paffée, qui ne lui fait aucun quartier, qui ne veut pas que l'on lui en fafle, au moins à ce qu'il appelle la Monarchie de Louis XIV, qui crie point de paix avec elle, mais une guerre éternelle. Voilà de grands dehors qui n'en feroit ébloüi? qui n'y feroit trompé? mais voyons cependant, avec quelles armes il combat la France, cette puiffance tant fiere de fes profperitez, voyons. les armes, dont il-fe fert préfentement, voyons celles, qu'il prépare comme un corps de réferve. Voici les préfentes, les deux Tomes de la Monarchie Univerfelle de Louis XIV avec les moyens de la detruire. Voilà les plus belles armes du monde, les plus polies, & les. plus dorcés, triées de tous les Magazins du monde. Elles ne peuvent que porter des coups mortels à ceux fur lefquels elles tomberont, on n'en peut difconvenir. Voilà les armes préfentes. Voici celles qu'il réferve: mais comme j'ai dit qu'elles étoient encore en idée & en étre de raifons chez Mr. Leti, il femble qu'on ne peut rien dire là-deffus, il eft vrai ! mais ne peut-on pas prendre droit & tirer quelque induction des titres feulement? on le peut affûrément! Dans tout le nombre de fesprovifions je n'en choifirai que deux, favoir L'Europe Morte, & les Funerailles de l'Europe. Que fignifie l'Europe Morte? & que fignifient les Funerailles de l'Europe? je ne:

m'arrê

m'arrêterai pas fur la fignification de celle-ci, par ce qu'elle ne fait que fuppofer la premiere, & n'en eft qu'une confequence néceffaire. Je dirai feulement qu'elle ne fuppofe pas feulement la mort de l'Europe, mais elle la confirme. Pour ce qui eft de l'Europe Morte, elle renferme plus de myftéres que l'on ne le peut croire; par ce que fuppofant la mort, on fuppofe l'extréme & le dernier de tous les maux or régarder l'Europe morte, c'est la combler fans réfource, c'eft la combler fans réfource, que de lui faire voir un Prince fon ennemi capital fous l'idée d'Invincible; car quand on croit avoir affaire à un ennemi invincible, on eft déja vaincu : c'eft faire ce Prince invincible, que de le conclure tel par fes victoires paffées, & du paffé conclure pour l'avenir: conclufion qui n'eft pas fort jufte. C'est le faire invincible, que de le faire paffer pour plus. puiffant, que tous les autres Etats de l'Europe enfemble, compris même l'Angleterre,qui est un monde féparé du nôtre. A quoi tendent toutes les defcriptions des forcés de la France, aufquelles l'Auteur employe la feüille 199 jufques à la 223,qui marquent bien avoir été écrites fur des Memoires, qui lui ont été envoyez de France, mais qui n'en font pas plus juftes pour cela. Je m'arrêterai feulement à un point, lequel pour l'importance fera juger du reste, & ce que j'en dirai, ne fera fur aucun Memoire. Mais

Mais ce que je fai, je le dis, & ce que je dis, eft d'origine. Je pourrois dire encore de plus, mais il fuffit.

Je veux donc répondre à un point pour tous des forces de la France felon la defcription avantageufe, que Mr.Leti en fait, qui eft que le Roi de France fe trouve aujourdhui maitre abfolu de 13 millions de perfonnes, & entre ceuxlà de plus d'un million & demi de perfonnes capables de porter les armes, & entre ce million & demi de plus de cinq cent mille bons Soldats, & entre ceux-là de plus de 40 mille bons Offciers, & entre ceux-ci de plus de trois mille Commandans de quelque expérience. Voilà l'échantillon: on peut juger de la piece. Ce n'eft point ici où il faut faire des exclamations inutiles & crier à l'exaggeration! il faut répondre catégoriquement & premierement.

Je ne fai fi le calcul de 13 millions de perfonnes eft bon, avec qui il a ét: fait, & quand, & s'il eft verifié & enregîtré à la Chambre des Comptes, je fai bien qu'il y a des chofes de moindre confequence que celles-là,qui le font; mais fuppofé. Il faut defcendre à la repartition d'un million & demi de gens capables de porter les armes, de cinq cent mille bons Soldats, de 40 mille bons Officiers, & enfin de trois mille Commandans d'expérience. S'il eft inutile de demander raifon du premier calcul, par qui & quand il a été fait, parce que je l'ai

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