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et les étrangers opulens, amateurs de la musique et de la danse, et encore plus des jeunes danseuses..

Arriva le fameux 14 juillet 1789: ce spectacle fut presque entièrement abandonné. Les auteurs de la révolution et les ministres avaient bien d'autres dépenses à faire que de prodiguer, pour le soutenir, cinq ou six cent mille francs. Lorsqu'il fut tranféré à la salle de Louvois, à peine y comptait-on deux cents speclateurs, malgré le zèle et le talent de Laïs, d'Adrien, de Chéron, de Laine, de Dufresne, des deux Vestris, de Branchu, de Gardel, et des dames Maillard, Henri, Chameroy, Clotilde, Saulnier, Gardel, Chevigny, etc..

Le Théâtre-Français, transféré de la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, en 1782, dans l'édifice qui a pris le nom d'Odéon, attirait constamment la foule, malgré son éloignement des quartiers les plus populeux de la capitale, soit par le choix des pièces qu'on y jouait,' soit par la supériorité de la plupart des acteurs et des actrices. Comment les amateurs de l'art dramatique ne se seraient-ils pas empressés d'aller admirer les Lekain, les Larive, les SaintPhal, les Préville, les Désessart, les Mole,

les Fleury, les Dugazon, les Duménil, les Clairon, les Raucourt, les Contat, etc.; tous acteurs ou actrices de la première force, les uns dans la tragédie, les autres dans la comédie. Cette réunion de talens supérieurs était cause que la distance qu'on était obligé de parcourir pour les admirer, était comptée pour rien, et que tel amateur, après avoir traversé tout Paris, se trouvait bien dédommagé de la fatigue qu'il avait éprouvée de sa longue course, s'il arrivait assez tôt pour occuper une des dernières places.

Le Théâtre-Français gagna à la révolution proportionnellement à ce que l'Opéra y perdit. Déjà le Barbier de Séville, le Figaro de Beaumarchais, qui peignaient l'immoralité des hautes classes, lui avaient attiré à chaque représentation, pendant six mois, une affluence prodigieuse, lorsque, en 1789, Chénier le rendit possesseur de la plus brillante fortune, par sa tragédie de Charles IX, dans laquelle Talma sę fit admirer dès son début. Il est impossible de dire l'effet que produisait, sur l'âme des nombreux spectateurs de cette pièce fameuse, le tocsin qui donnait le signal du massacre de la Saint-Barthélemy, et le costume éclatant du

cardinal de Lorraine. Plusieurs des pièces qui ne sortaient que rarement du répertoire, telles que la tragédie de Brutus, ou que la circonstance fit naître, continuèrent de pousser la foule révolutionnaire vers l'heureux théâtre. C'était un spectacle bien digné des réflexions de l'observateur, que de voir ces comédiens, comblés depuis si long-temps des faveurs de la cour et de la haute noblesse, employer tout ce qu'ils avaient de talens et d'ardeur, pour faire passer dans l'âme de ceux qui les écoutaient les sentimens des ennemis de la cour et de la ville. Ils se croyaient citoyens, et n'étaient que des ingrats.

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La tragédie de Charles IX fut comme un signal qui avertit les autres théâtres de la capitale et des provinces, de monter leur ton sur celui de la révolution. Dès lors ils devinrent presque tous des écoles de politique, où l'histoire fut défigurée avec autant de mauvais goût que d'audace, pour enflammer les esprits et nourrir en eux une funeste effervescence. Dès lors les anciennes pièces, qui présentaient le clergé et la noblesse sous un jour trop favorable, furent mises au rebut, et les nouvelles n'offrirent plus que des nobles, des prê

tres et des religieux dont les actions mauvaises et supposées devaient attirer sur ces deux ordres le mépris et la haine du peuple. Des traits louables, attribués à des gens d'église, furent, il est vrai, exposés sur la scène ; mais ce n'était que pour en faire honneur, non à leur piété, mais à leurs sentimens philosophiques. Ce fut ainsi que l'illustre archevêque de Cambrai fut traduit sur la scène, comme un philosophe protecteur de l'innocence et vengeur de l'humanité opprimée.

A la révolution, le nombre des théâtres augmenta peu à peu, soit par des spéculations d'intérêt, soit par l'intention de propager rapidement et au loin les maximes exprimées dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Sur les boulevards s'élevèrent de nouveaux tréteaux, où le prix des places fut mis à la portée des petits commis, des ouvriers, des domestiques, des grisettes et des Vénus populaires. Une nuée de directeurs et d'acteurs s'éleva de la fange pour y retomber quelque temps après. Dumaniant se mit à la tête du théâtre des jeunes artistes, dans la rue de Bondi, et y attira tout Paris par sa pièce de Nicodéme dans la Lune. En général, les

acteurs étaient du dernier médiocre; c'étaient pour la plupart des courtauds de boutique, et les actrices, de jeunes modistes ou couturières qui avaient partagé leur journée entre un chapeau ou une robe et leur rôle.

Ea 1791, plusieurs comédiens français voyant leur salle devenir déserte de jour en jour, et débarrassés de l'autorité qu'exerçait sur eux le duc de Duras, se réunirent à un certain nombre d'acteurs qui avaient joué, les uns à Louvois, les autres à l'Opéra-Comique, dans une salle ouverte en 1790, sous le nom de Variétés amusantes, bâtie sur les dessins de Moreau, entre le Palais-Royal et la rue de Richelieu. Dès lors ils perdirent leur titre de comédiens ordinaires du roi, et leur théâtre prit ensuite le titre de Théâtre-Français de la répu blique. Ainsi recrutée par les premiers acteurs de la capitale, la troupe des Variétés devint la première, et obligea les amateurs du faubourg Saint-Germain de passer, à leur tour, la rivière pour jouir des plaisirs de la scène. Ce fut la que Talma commença à éclipser tous ses rivaux, et à ne laisser Larive qu'à la seconde place.

Presque toutes les pièces de l'ancien réper

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