que n'a atteint un ausfi haut degré de perfec

tion.

Si dans la condition actuelle de quelques nations européennes il y a encore urgence de mefu. res répresfives, ce fera à caufe que chez elles les esprits n'auront pas été dirigés peu à peu vers l'habitude de penfer et d'écrire librement. Or, comme la fermentation moderne, qui fera toujours époque dans l'histoire des peuples civilifés, a déjà rompu en partie les anciennes entraves, déformais, pourvu qu'on ne veuille pas rétablir intempestivement l'ancienne fervitude, les presfes ne feront plus des tifons d'anarchie.

Qu'on encourage par degrés et prudemment la libre circulation des penfées, et on verra fe disfiper la trop vive propenfion pour celles, qui font contraires aux maximes reçues du gouvernement: et, par une bonne législation, on préviendra les attaques dirigées contre les moeurs.

Envifagée comme point de droit, la liberté de la presfe peut tout aussi peu être contestée que la liberté de la parole, dès que l'exercice de ce droit ne trouble pas celui d'un tiers. Envifagée comme un moyen de perfectionnement indéfini pour l'a venir, la liberté de produire fes fentimens fur tous les points de fciences et d'arts est un droit esfentiel à nos fociétés. En limiter l'ufage fous prétexte d'empêcher les erreurs, c'est dans le fonds augmenter celles-ci. Aucune opinion, reconnue pour vraie dans ce moment, qui ne puisse être avec rai

fon

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fon un fujet de doute ou de pitié chez nos fuc cesfeurs. On arrête les progrès des lumières ; dès qu'on fupprime les discusfions contradictoi.

res.

Ceci est appuyé par une autre remarque. Il n'y a nulle erreur qui n'aît une face lumineufe. Point de paradoxe fi excentrique où la fcience ne décou vre une tendance favorable à fon développement. Par contre l'expérience prouve qu'une idée confacrée par une longue fuite de générations, pasfant par les mains de plufieurs panégyristes, s'altère et se corrompt. Des contradictions Des contradictions, quoi qu'injustes dans le fond, la ramènent dans fes bornes, en enlévent ce qu'il s'y trouvait d'exagéré; et, fi elle est réellement falutaire pour l'humanité, en font resfortir davantage le prix et les bienfaits.

L'affranchissement des nègres est une mefure con. feillée par la raison, par le Christianisme, comme par l'intérêt bien entendu des colonies; cependant, ordonnée brusquement et non par degrés, il n'est point de loi ausfi pernicieuse pour les esclaves comme pour jes maîtres. Gouvernemens de l'Europe! n'allez donc pas détruire, en une fois, le frein qui retenait la penfée chez les peuples foumis à votre au torité; mais, accoutumez les par une fage progresfion de mefures libérales à faire un digne ufage de cette libre publication de pensées; et elle établira chez eux une diffufion extenfive et intenfive de lumières. Ayez de bonnes lois pour asfurer à chacun, la propriété de fa réputation et de fon bonheur.

Pro

et

Prononcez des peines févères contre les calom. niateurs, comme ausfi contre chaque auteur qui proftituerait fes talens à outrager les moeurs; vous aurez atteint la ligne de démarcation entre la liberté et la licence de la presfe. Vous ferez jusque chez la postérité la plus reculée les Bienfaiteurs des fciences et la caufe de leur développement (1)!

§. 4.

L'aspect d'une bibliothèque nombreuse atteste la multiplicité des travaux auxquels le génie humain fe livre; il s'y mêle cependant un fentiment de frayeur et une forte de reproche contre la typographie.

Depuis les trois fiècles qu'elle est en activité, elle a porté le nombre des livres à une fi effrayante quantité qu'il devient de plus en plus impossible à la mémoire d'en connaître fimplement les titres,

et

(1) L'objet, auquel ce Mémoire doit se rapporter, ne m'obligeait nullement à un examen approfondi d'une question ausfi délicate que l'est celle de la liberté de la presse. Je me fuis feulement hafardé à envisager l'inAluence de cette liberté du côté littéraire: encore, je reconnais n'avoir prononcé là- desfus qu'une opinion individuelle, pour laquelle je réclame l'indulgence de ju ges plus éclairés. Cette grande question est traitée avec le foin qu'elle mérite dans les Mémoires de l'Acadé mie de Berlin, de 1816. (Abh. der Philofophifche Klas. fe) par F. Ancillon, de la législation de la Presfe

et à l'esprit d'en parcourir les plus importans due rant le cours d'une vie. L'histoire littéraire de chaque fcience acquiert journellement une étendue, qui nous fait craindre que les générations fuivantes ne fuccomberont fous le poids, et par l'imposfibilité d'y fuffire retomberont dans la barbarie. Une grande moitié de nos études fe pasfe à comprendre la hauteur, à laquelle une connaistance quelconque est parvenue; et peu à peu il restera moins de tems pour en pousfer enfuite la culture Ce fait est conftant; mais, ne l'imputons pas entièrement à l'imprimerie et ne défespérons pas pour l'avenir !

L'impression a accéléré un état de chofes, qui, fans elle, aurait également eu lieu en Europe, fuppofé que cette partie de notre globe fut restée le centre de la civilisation: Alors, plus lentement et avec plus d'obftacles, on aurait pourtant obtenu, en dernier réfultat, la même multiplication de faits, d'obfervations et de découvertes, dont l'étude exige aetuellement tant d'efforts.

D'ailleurs ce reproche concerne fimplement les fciences historiques. Quant aux autres, on le fait asfez, cette énorme masfe de productions litté raires est due plutôt à l'immenfe diverfité des formcs, qu'à la multiplicité des idées ou des découvertes nouvelles. On frappe monnoie avec l'or et l'argent, qui font en circulation; peu de perfonnes descendent dans la mine pour chercher de nouveaux filons. La redoutable collection, qu'une bibliothèque un peu nombreufe préfente, effraie

falt

rait donc beaucoup moins l'esprit, fl on réunisfait fcrupuleufement les véritables élémens qui compofent les fciences, et fi on retranchait ce qui n'est dû qu'au ton et à la couleur du fiècle ainfi qu'au ftyle et au tour d'esprit individuel des auteurs. On concentrerait aifément en peu de volumes le produit complet des labeurs scientifiques des fiècles qui nous précédèrent. Ainsi, pourquoi craindre qu'à caufe de l'imprimerie, l'esprit humain fera enfeveli fous les décombres de l'édifice qu'on continue d'élever? L'échafaudage qui fert à le conftruire est fans doute immenfe, et (chacun l'avouera) trop compliqué; mais le temple même des fciences n'a pas encore atteint une proportion, qui foit hors de la fphère de notre coup-d'oeil.

La grande difficulté qui retient le favant dans l'ordre actuel, c'est qu'il confond fouvent l'échaffaudage avec l'édifice : chacun veut lui faire accroire que fon livre porte une pierre nouvelle, tandis qu'il n'ajoute bien fouvent qu'une planche inutile aux nom. breux appuis, fur lesquels les bons ouvriers continuent leur travail.

Un reproche asfez fondé dont la typographie ne faurait être complettement exempte, c'est d'avoir trop disféminé les élémens esfentiels, enforte qu'il est pénible de les réunir, ou de les retrouver au milieu de l'Océan de mots, dans lequel on les a délayés. Je proposerais comme un autre moyen tendant à prévenir dans la fuite le découragement ou la perte de quelques vues vraiment intéresfantes, de