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du pouff qui arrondit sa croupe, comme il lui suffisait jadis de la crinoline et du vertugadin : « Femme sotte se connaît à la cotte. »>

C'est un puritain qui ne croit pas au porte-bonheur et qui repousse les séductions de la bijouterie : << Femme n'aime que le rubis Anneaux en mains, honneur vain. Ce qui reluist n'est pas or. »

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Qu'elles soient filles, épouses ou mères de famille, qu'elles soient honnêtes ou non, les femmes tiennent dans les vieux proverbes une place proportionnée à leur importance dans la vie réelle. Les appréciations sont tour à tour louangeuses ou dures, caressantes ou bestiales; il y a même un cruel coup de patte à la bellemère.

Malgré ses airs de matamore, on sent que le proverbe est fort embarrassé de son rôle, car après avoir pris tour à tour le pour et le contre, après avoir constaté que, même s'il s'agit d'une épouse médiocre, on est aussi ennuyé de la posséder que de la perdre, il finit par le plus humble des aveux : « On ne sauroit dire de la femme ce qui en est. >>

Par le fait, cette déclaration d'incertitude est très logique, car la femme, c'est l'amour. Or l'amour ne se juge pas; il se subit. Le vieux proverbe «n'est pas de bois », comme on dit aujourd'hui; il sent qu'il n'y a pas moyen de raisonner en cette délirante matière : « Il faut estre fol en amour. »

Et la faculté de raisonner ne reparaît que lorsque l'amour n'est plus là: «Quand entendement vient, amour vieillit. »

Notez que l'amour charnel n'est pas seulement visé ici. Le vieux proverbe comprend ce qu'il peut offrir d'éthéré, même aux pauvres êtres disgraciés, qui n'ont pas une enveloppe digne de leur cœur aimant. Il croit qu'«< il n'est nulle laide amour», parce que «< amour sur beauté n'a jugement. >>

On vous a dit, et vous avez cru, que Malthus avait inventé la stérilité systématique. Vous vous êtes indigné contre les progrès effrayants de notre dépopulation. Vous serez moins sévère pour vos contemporaines après avoir lu ceci : « Grands personnages ont par usage faute d'enfants. Les riches dames ayment mieux leurs plaisirs que leurs fruicts. - Enfants sont richesses de pauvres. >>

Il était cependant des exceptions. Certains grands d'autrefois faisaient souche. Par malheur, leurs éminentes qualités se retrouvaient rarement dans leur descendance: «De grands personnages, enfants peu sages ».

C'est une observation qu'on a toujours faite. Et autrefois comme aujourd'hui, la faute en était à la richesse du milieu où l'enfant était né. On le gâte en ne refusant rien à ses caprices; on ne songe pas à en

faire un homme: « Enfant par trop caressé, mal réglé ».

Il faut, en tel cas, que la tendresse mal entendue ne fasse pas oublier un plus grand devoir. Autrement, vous agiriez plus en ennemi qu'en ami de votre progéniture: « Qui ayme trop son enfant l'a en hayne. »>

Financièrement, le vieux proverbe craint toujours une débâcle. Il a prévu la crise actuelle de la propriété foncière: « Biens ne sont pas rentes ».

Il vous prévient également que: « Gains ne sont pas rentes », afin qu'un gros bénéfice ne vous donne point le vertige de la dépense.

Surtout, ne faites point bâtir: « Achète maison faite ». Ne recevez point de parasites: « Petite cuisine, grande maison ». Et s'ils vous empruntent, considérez la somme comme perdue: « Argent presté ne se doit redemander ».

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Le vieux proverbe n'aurait pas toléré les tripots de nos cercles: «< Jeu qui trop dure ne vaut rien. homme joueur, ne dure guère l'honneur ».

Il n'aime pas non plus les marchands de vin : « Taverne est mauvaise escole. Taverne est dangereuse

caverne ».

Que dirait-il dans le Paris de 1886 qui en compte tout près de vingt-six mille!

Je dois avouer que le vieux proverbe n'a pas non plus la clémence inépuisable de M. Grévy : « Qui pardonne aux méchants fait tort aux bons ».

Ce n'est pas un abolitionniste; il en est encore à la loi du talion, et il déclare que le meilleur pays du monde est celui où tous les coquins sont pendus.

Son mot d'ordre est: « Nul mal impuni ».

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Ah! c'est qu'il ne se fait guère illusion sur le train des choses de ce monde. On n'honore pas ceux qui font leur devoir: « De bien faire, peine perdue fluence des femmes et de l'argent fait commettre bien des injustices : « Argent fait tout. Ouverte est la porte à quiconque apporte. Qui a belle dame, il a

droit >>.

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Il sait combien est grande l'avidité humaine: « Contentement d'un apporte désir d'un autre. Nul n'est content de ce qu'il a, et chacun veut avoir ce qu'il n'a pas. Nul bien sans haine. Chose défendue est la plus désirée ».

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La haine du pauvre poursuivra toujours le riche
Oncques villain n'aima seigneur. »

Il sait aussi comment nous comprenons l'égalité, et l'exprime très finement: « Les grands ne veulent point de grands, et les petits voudraient tous petits ».

En fait de démarcations sociales, le vieux proverbe

F

ne connaît que l'élévation due au mérite personnel : << Noble est qui noblesse ne blesse. Vilain est qui

commet vilenie ».

Pour lui, la seule noblesse privilégiée se trouve à l'armée : « Camp est boutique de noblesse. La noblesse est au bout de l'épée ».

C'est le principe de l'avancement donné au plus brave, quelle que soit sa naissance : « Aujourd'hui vachier, demain chevalier. — Il est noble qui peut monter le premier à l'assaut ».

Et une fois la noblesse acquise, il n'entend pas qu'elle se repose sur ses lauriers : « Nulle noblesse de paresse ». C'est en travaillant sans relâche pour le bien de l'État que «< vraie noblesse personne ne blesse ».

Il raille naturellement les titres qu'on achète : « Qui a argent, il a noblesse. Qui a argent, il est gentil- Argent fait comte, marquis, duc... »

homme.

De son temps déjà, l'aristocratie ne se soutenait qu'en se mariant à la bourgeoisie: « Si la noblesse ne s'entretenait du Tiers Etat, elle ne serait plus ».

En politique, j'avoue que le vieux proverbe n'est pas pour les grandes assemblées délibérantes : (« autant de gens autant de sens >>) ni pour les discussions orageuses (« grandes disputations, de vérité perdition »). Sans concorde, le pays ne sera jamais fort: «< Union des cités vray bastion ».

Au parlement, le vieux proverbe serait de l'avis du

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