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Seroit ce point le marieux

Qui vient ici pour nous grefir?

Vie de S. Christophe.

Si ne peusmes nous, devant hyer,
De luy greffir ung harpelu.

Mir. des Enfans ingratz.

Greffir, qui s'est conservé en français sous la forme de griffer, mais avec un autre sens, reproduit directement l'allemand greifen, saisir; angl. to gripe.— Au xvi1° siècle, griffer conservait encore le sens de greffir, puisque Cotgrave traduit griffer: To seize, or catch at violently, greedily, and wrongfully.

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De saisir à voler il n'y a que la main; aussi greffir est-il devenu synonyme de dérober subtilement dans l'Argot réformé; mais, dans les exemples ci-dessus, il n'a pas d'autre signification que prendre, car les Gueux du Mirouer des Enfans ingratz ont essayé non pas de voler de l'argent, mais d'en obtenir par mendicité. Les cinq exemples tirés de Villon et de la Vie de saint Christophe n'offrent qu'un seul et même sens, celui de prendre par la main de justice, d'arrêter.

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Graffio, crochet; graffare, accrocher, ital. N. Duez. Griffare, de même. Cf. graphium, graffinus, grappin, et ci-après vo Grup.

*GREMES, subst. pl. Voyez Grumes.

Quidant au ront faire aux gremes la moue.

Ball. X.

Gremire, ital. Gripper, happer. Gremito, serré, happé. N. Duez.

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Grime et grimaldo, grimaud, grincheux. Ce dernier adjectif, pris aux sens du Jargon et de l'argot, amène grimaldellare, crocheter les serrures; grimaldellaio, grimaldelliere, crocheteur de serrures, grimaldellerie, tours de larrons, etc. N. Duez.

Gremlich, all. du moy. âge, terrible. Er duhte si so gremlich. Chriemhilden Rache und die Klage. In-4°. Zurich, 1757.

GRIFFER, v. a. Saisir, accrocher. V. Greffir.

Qui serre et griffe au gart le duc.

On disait aussi aggriffer.

Ball. II.

LE PREVOST. Ils ont mis au

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net un pauvre prestre;... si peu qu'il avoit, ils l'ont escamotté et aggriffé avec leurs argots de chappon. La Comédie des proverbes, p. 86.

GRIS, subst. m. Froid.

Et vous gardez bien de la roe
Qui aux sires plante du gris,
En leur faisant faire la moe.

:

Ball. VI.

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Gris, Jargon et gitano, froid. Ses habillements sont joyeulx, tant en façon comme en couleur; car il porte gris et froid rien davant, et rien darriere.» Rabelais, II, 372. A remarquer que Rabelais joue sur gris, qui se rattache à froid, et sur gris, qui signifie fourrure. Villon plaisante de la même manière; la roue du pilori donne du gris aux condamnés, en ce sens qu'elle les couvre de tristesse; telle est leur fourrure. - Il fait

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gris, on vend du gris, pour il fait grand froid. Oudin. Cur. fr. L'argot du xvr® siècle appelle le vent le gris », probablement par synonymie avec bise par l'intermédiaire de bis, qui est une couleur très voisine du gris.

Gris en zincaló signifie également froid. Borrow. • En hiver, quand le gris bouesse, c'est lorsque leur estat est le plus chenastre. Le gris bouffe ou bouzille, il fait froid. Jargon réformé.

«Faire grise mine et mauvais recueil auxdits masques. » Arr. Amor. p. 417.

Planter du gris aux sires, c'est les refroidir, c'est-à-dire les tuer.

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GRISSES, part. pl. pour griffes, c'est-à-dire grillés, enfermés sous des grilles.

Grisser.

Pour ce, gardez vous d'estre grisses

Dedans ces gros coffres massis.

Ball. IV.

Elles grissoient d'ardeur de le voir.» Cotgrave; qui explique grisser par to crackle; et to crackle par gresiller, grincer et grinsser. - Grisler, grislement.

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A crackling noyse, as of meat in the broyling.» Cotgrave. Griller et grisser pour plisser. Ibid.

On voit que ces formes griller, grisser, grincer se confondent dans Cotgrave; la lecture des mss. du xve siècle explique et prépare cette confusion; grille (de prison) s'y écrit fréquemment grisle et même grisse. La plus ancienne des éd. sans date de Villon imprime comme suit ces vers du Grant Testament:

Lieu n'est où ce marché ne tienne
Sinon en la grisse de Mehun.

Or, dans ce passage, il s'agit clairement de la grille de la prison de Mehun. Le ms. Coislin écrit la grisle.

Maintenant pourquoi grisses au lieu de grissés? Rien de plus simple. Le moyen âge employait une certaine quantité de participes passés sans accent sur la dernière syllabe, par exemple delivre pour delivré. Cette diction subsiste chez les populations méridionales; les Bordelais et les Poitevins disent encore: Je suis tout trempe et j'ai les pieds gonfles, pour je suis trempé et j'ai les pieds gonflés.

GRUIS, subst. f. Fille de joie, femme débauchée.

Luez la gruis s'elle est desmaquillie.

Ball. IX.

La mesure du vers y est, gruis étant monosyllabique comme simple variante de grus. Le ms. Stockholm porte, à ce que j'ai cru lire, gruice avec un e de trop; peut-être grince. En tout cas le mot est altéré. C'est Du Cange qui nous le restitue: Grus, femme débauchée, gl. grusGrus, ribaude. Lettre de rémission de 1415,

sus.

reg. 169, pièce 61. Alias gruis. » — Icellui Girart ap

D

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pella la suppliante deux ou trois fois grus, grus; et pour ce qu'elle n'entendoit pas que c'estoit à dire desdites parolles, demanda audit Girart que c'estoit à dire lequel Girart lui dist que c'estoit à dire ribaude, et l'appelant par pluseurs foiz grus, ribaude, grus, ribaude. ■ JJ, 169, p. 61, an. 1415.

Le mot est encore connu à Lyon, ainsi que le prouve la curieuse anecdote que voici.

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Au mois de septembre 1879, le régisseur de l'Odéon de Paris faisait répéter la Jeunesse de Louis XIV sur la scène du théâtre Bellecour, qui allait ouvrir. Les figurantes, qu'on avait engagées à Lyon même, ne paraissaient pas comprendre les indications qu'on leur donnait. Le régisseur saisit l'une d'elles par le bras et l'appela espèce de grue». La figurante se mit à pleurer et regardant le régisseur avec l'expression d'une indignation violente, lui dit : « Monsieur, vous aurez affaire à mon mari. » Le lendemain, en effet, le mari se présenta; c'était un honnête ouvrier, qui demanda, avec beaucoup de politesse et de sangfroid, s'il était vrai qu'on eût injurié sa femme. « J'avoue que je l'ai appelée grue, répondit le régisseur, mais je ne comprends pas qu'elle s'en soit fâchée; c'est un mot très usité au théâtre pour qualifier les femmes qui paraissent manquer d'intelligence. C'est comme qui dirait imbécile ou fichue bête. » — «Oh! très bien, monsieur », répondit le mari de la figurante tout rasséréné; « si vous n'avez voulu que l'appeler fichue bête, il n'y a pas de mal. » Et il se retira tranquillement. Le directeur, M. Duquesnel, me raconta la scène le lendemain, et je lui donnai le mot de l'énigme.

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