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de 7 heures, ils ne demandèrent qu'à se reposer en arrivant ?

Point !

Leurs premières paroles furent celles-ci, valises en mains:

Il y a une première ce soir, au Gymnase?

Moi. Hélas! oui !

Eux.

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Pourquoi hélas ? c'est une vraie veine, pour nous, au contraire et tu vas nous montrer Jeanne Granier dans une des plus belles créations de Déjazet. Moi. Soit!... mais je doute que nous trouvions encore une seule place aux bureaux et même chez les marchands de billets.

-

Eux. Nous payerons le prix qu'il faudra, mais nous irons au Gymnase et tu nous désigneras les journalistes, courriéristes et critiques influents répartis dans la salle.....

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Eux. Vas-tu prétexter que tu ne les connais pas? ce sont tous tes amis.

Moi.
EUX.

Oh! pas tous..... ainsi il

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y a...

chose... qui. Le temps de nous changer; nous t'emmenons

diner chez Marguery, et à huit heures et demie nous nous prélasserons dans les fauteuils qu'a fait recapitonner M. Koning.

Je dus me résigner à ce nouveau genre de supplice...

Huit heures, nous entrons :

Salle magnifique.

Mes provinciaux ont payé une loge de foyer 150 francs. Le rideau n'est pas levé, mais le supplice commence pour moi! Les quatre lorgnettes du département de la Mayenne ne quittent pas les quatre paires d'yeux de même provenance.

- Quel est ce gros monsieur à lunettes, à la tête puissante et non moins intelligente, à la barbe grise, au bon rire bonhomme et qui ne semble attendre que l'occasion d'applaudir et non de critiquer ?

Moi. C'est le prince du feuilleton dramatique, c'est Maître SARCEY (Francisque pour les dames); vous qui voulez être à même de juger sainement et littérairement les œuvres théâtrales, achetez le dimanche soir, le journal où écrit Sarcey, et en lisant le Temps, vous ne perdrez pas le vôtre.

L'UN DE MES PROVINCIAUX. petit et mince.

UN AUTRE.

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Tiens, il se lève et se cogne le nez dans une colonne qu'il salue, jusqu'à terre.... il est donc aveugle?

Non, il est très myope, et il a pris cette colonne. pour Sarah Bernhardt, et c'est pourquoi il lui adresse ses hommages.

Est-ce que ce monsieur à binocle, avec de grands cheveux noirs rejetés en arrière, n'est pas un acteur?

-Non, c'est HENRI DE LAPOMMERAYE, critique dramatique au Journal Paris, conférencier célèbre, chargé du cours de littérature dramatique au Conservatoire.

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Oui, depuis un an, et c'est un ruban bien mérité. On ne connaît pas un seul ennemi à de Lapommeraye, dit à juste titre : L'ami des jeunes.

-Savez-vous où se trouve la loge du Figaro?
Je l'indique à mon interlocuteur.

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Est-ce que ce monsieur qui a une tenue martiale et qui lorgne les avant-scènes n'est pas M. FRANCIS MAGNARD?

- Non, c'est AUGUSTE VITU, l'éminent et impartial critique. D'un trait il fait la réputation d'un artiste; rend célèbre un auteur; concourt à la fortune d'un directeur ou fait rentrer dans l'oubli les uns et les autres. C'est l'encyclopédie du Figaro; ses comptes-rendus, écrits de la façon la plus concise, à l'issue même des premières, sont lus avec avidité à l'apparition du journal. Il a une prédilection marquée pour l'Odéon et est toujours accompagné de son fils qui lui ressemble étonnamment et qui peut dire avec fierté : « je suis la photographie de рара »...

A ce moment, le critique de l'Évènement me fait un salut amical de la main et dans cet homme si parisien et si spirituel, à la figure imberbe, aux joues osseuses en saillies et aux cheveux collés sur les tempes, mes amis recon

naissent ALBERT WOLFF. Il raconte la Vente à Tata à son voisin, JULES CLARETIE, romancier, auteur dramatique et critique renommé et si vous entendiez la voix frèle de WOLFF, vous ne la confondriez pas avec l'organe de baryton de LÉONCE DÉTROYAT, ex-rédacteur en chef de l'Estafette, présentement de l'Indépendant. THÉODORE DE BANVILLE entre; un de mes provinciaux prend son crâne pour le genou classique de Siraudin. Le charmant poète des Odés funambulesques a justement pour voisin son successeur au feuilleton dramatique du National, M. STOULLIG, un jeune, qui est passé critique à la suite d'un incident qui peut être raconté : A la dernière reprise de Lucrèce Borgia, à la Gaîté, le secrétaire de ce Théâtre, suivant les ordres de MM. Larochelle et Debruyère, n'envoya que deux fauteuils aux directeurs du National. Ceux-ci, qui comptaient recevoir une loge, refusèrent les deux places et enjoignirent à l'éminent critique, M. DE BANVILLE, de passer sous silence la reprise de Lucrèce. DE BANVILLE, ami de Victor Hugo, se refusa à entrer dans cette combinaison et adressa immédiatement sa démission de Lundiste au journal. Elle fut acceptée au grand étonnement de toute la presse qui ne put qu'applaudir à l'impartialité digne du grand critique. ARMAND SILVESTRE. Le poète et sympathique critique de l'Estafette a de la peine à gagner son fauteuil qu'il a soin de choisir d'avance afin d'éviter les courants d'air; le courriériste théâtral du Triboulet,

-

MAXIME BOURCHERON, donne la main à son collaborateur PAUL BURANI (Strapontin) de l'Estafette. BURANI est très myope et c'est à peine s'il reconnaît son autre collaborateur ORDONNEAU et GASTON VASSY, le joyeux Punch de La Liberté. Non loin de là se trouve JULES PRÉVEL, le plus lu des courriéristes de théâtre au Figaro. A lui, Prével, lá primeur des nouvelles à sensation; c'est aussi un auteur à succès, demandez-le plutôt à ses Mousquetaires au couvent et à son Mari qui pleure à la Comédie Française ; il a pour voisin de fauteuil VICTORIN JONCIÈRES (Jennius), courriériste et critique musical à la Liberté.

Je satisfais à la curiosité de mes habitants de la Mayenne en leur désignant tour à tour : le spirituel MONsieur de l'ORCHESTRE (Arnold Mortier), innovateur de la soirée théâtrale que tous les journaux ont adoptée; RAOUL TOCHÉ qui, au Clairon, sous la signature de Frimousse rédige d'une façon très humoristique le même genre d'articles, et FRANÇOIS OSWALD, rédacteur des comptes rendus de premières au Clairon après être resté longtemps comme critique et courriériste au Gaulois. LOUIS BESSON (Panserose), dont l'embonpoint semble mal s'accommoder d'un fauteuil, prend place dans la loge de l'Évènement à côté d'AURÉLIEN SCHOLL et de GEORGES DUVAL qui médite sur le sort tragique de Faublas.

Dans la loge contiguë, celle du Gil Blas, LÉON CHAPRON, le mordant critique, devise gaîment avec son confrère, HUBERT, chargé de la soirée théâtrale au même

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