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Etienne Giraud en avait appelé, confirma la sentence du synode provincial, lui ordonna de cesser ses fonctions dans les Eglises de Gemozac et de Mirambeau, réunies alors sous la direction du même Pasteur. On laissa cependant la liberté à son Eglise, dans laquelle il pouvait séjourner comme simple particulier, de le recevoir à la sainte Cène si, par l'amendement de sa vie, il se rendait digne d'y être admis. L'Eglise fut alors desservie, pendant quelque temps, par un ministre du nom de Leslé. Celui-ci eut pour successeurs les sieurs Barbault, Jagault de Longchamp, de Geac, et François qui y fonctionna jusqu'au moment où Louis XIV se décida à révoquer l'édit de

Nantes.

Pendant les dix-neuf années qui précédèrent ce dernier événement, l'Eglise de Gemozac, alors une des plus considérables de la Saintonge, eut à subir tous les malheurs qui atteignirent celles de Pons et de Mortagne. Après avoir successivement recueilli dans son sein les débris des Eglises que le souffle de la persécution avait anéanties dans les localités voisines (Rioux, Beaumont, Berneuil et Saint-Germain) (1), elle partagea le sort com

(1) Le dernier Pasteur qui exerça le saint ministère à SaintGermain fut le sieur Boiveau. Nous lisons, au sujet de ce ministre, les lignes suivantes dans le registre du consistoire de Pons, que nous avons déjà eu occasion de mentionner ailleurs:

4 Février 1674.

« Le sieur Moré, député du Consistoire de Saint-Germain, « s'étant présenté à cette compagnie avecq lettre du consistoire, << demandant avis sur le choix qu'ils ont fait du sieur Boiveau, << proposant, pour le présenter au Synode prochain et l'affecter « à leur Eglise s'il est capable du saint ministère, Nous, répon<< dant à laditte lettre, déclarons ne sçavoir rien qui empesche «< cette présentation dudit sieur Boiveau au Synode par laditte «Eglise, souhaitant que tout réussisse selon leur désir ».

Signé PRIOLEAU, COLLINEAU, ARBOUIN.

mun, Une ordonnance royale du 1er décembre 1681 interdit l'exercice du culte Réformé à Gemozac et le temple de ce bourg fut abattu dans le courant de l'année 1685. L'emplacement en fut donné à l'hôpital de Saintes qui l'arrenta dans la suite. La personne qui le prit en rente y fit bâtir une maison avec une cour sur le devant.

CHAPITRE III.

1685-1758.

Mathieu Hognan, Prieur de Gemozac. - Assemblées secrètes.— Maison de prière à Gemozac. Ecole fondée dans le village de la Biziterie. Prise de la maison de prière. - Lettre de Louis Gibert. Les Protestants cessent de tendre le devant de leurs maisons.

L'émigration avait été grande à Gemozac et dans les environs, comme à Mortagne et à Pons. Cependant il restait encore un nombre considérable de Réformés, et ce fut dans l'espoir de les convertir que les missionnaires qui avaient été envoyés à Saintes vinrent s'établir dans ce bourg en 1718. Mais leur mission ne fut pas aussi fructueuse que celles que les dragons convertisseurs avaient entreprises avant eux. Ils furent, d'ailleurs, mal secondés par le prieur de Gemozac. Mathieu Hognan, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, avait un penchant décidé pour le jeu. Afin de réparer les pertes considérables qu'il faisait sans cesse avec des joueurs de profession, il se montrait très-indulgent vis-à-vis des Protestants de sa paroisse, et, au moyen de modiques sommes, il leur aecordait la bénédiction nuptiale, qui validait leurs mariages, sans les astreindre à passer par les épreuves préliminaires qu'il aurait dû exiger de leur part, pour s'assurer de la sincérité de leur conversion. Tant qu'il fut prieur de Gemozac il ferma les yeux sur les assemblées des Réformés qui connaissaient le secret de le mettre dans leurs intérêts. Mais cette conduite fut dénoncée à l'évêque par le chevalier d'Aubeterre, alors seigneur de Gemozac, et Mathieu Hognan fut obligé d'échanger son poste contre celui qu'oc

cupait le sieur Jordannet, curé de Saint-Vaize, à une lieue de Saintes.

Les Réformés ne trouvèrent plus alors les mêmes facilités. Un grand nombre d'entre eux, pour éviter la persécution qui avait pris une nouvelle force depuis l'édit de 1724, passèrent dans les pays étrangers. Les autres continuèrent à se rassembler secrètement, au milieu des bois ou dans la lande, et firent souvent de longues routes pour assister aux réunions du désert, qui eurent lien, à cette époque, dans le Poitou, l'Angoumois, ou dans les localités les plus retirées de la Saintonge.

En 1755, on n'observa plus le même mystère. On coinmença à se réunir en rase campagne et en plein jour. On s'enhardit davantage. On se rassembla d'abord dans les villages, puis, dans quelques maisons du bourg de Gemozac (1). Voyant que le gouvernement traitait les Réformés avec plus de douceur, Louis Gibert, qui, toujours à cheval, ne cessait de parcourir les églises pour y entretenir ou y réveiller le zèle, établit au village de la Biziterie, une école pour les malheureux enfants protestants, privés depuis si longtemps de cette précieuse instruction religieuse et morale dont ils jouissaient si abondamment avant la révocation de l'édit de Nantes. Il invita les Fidèles de Gemoza c à s'abstenir dorénavant, de tous les actes contraires à la foi qu'ils professaient et auxquels ils s'étaient vus forcés de se soumettre jusqu'à ce jour. Dès ce moment, ceux-ci cessèrent d'avertir les curés du décès de leurs frères et d'apporter leurs enfants baptiser à l'Eglise.

L'année suivante, 1756, les troupes qui passaient par

(1) C'était en 1755, la maison qui est vis-à-vis le puits, dans l'enfoncement qui se trouve derrière la buanderie de la cure et qui appartient au sieur Fraigne. La maison où se faisait l'assemblée se nommait la maison de la société. Quelques babitants de la campagne ont encore coutume de dire, se rendre à la société, pour dire se rendre au temple.

Pons et Gemozac (1) s'emparèrent des maisons de société qui se trouvaient en ces deux endroits. Monsieur Pouzaux, prieur de Gemozac, nous a conservé une copie d'une lettre que Gibert écrivit à cette occasion à ses diverses Eglises, et qui, nous ne savons comment, tomba entre ses mains. Elle est à la date du 3 mai 1756, et est conçue dans les termes suivants :

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« Messieurs mes très-chers Frères,

« Je viens d'apprendre que les troupes se sont empa<«<rées de vos maisons de société pour en faire des corps « de garde. Je ne doute pas que vous n'ayez ressenti << une vive douleur de vous en voir privés; mais quoique je ne puisse pas confier au papier ce qui pourrait soutenir << votrezèle, je crois pourtant pouvoir vous dire de ne pas << vous alarmer jusques à l'excès. Je ne crois pas que ces <«< maisons vous soient enlevées pour toujours; d'ailleurs, « vous êtes bons français. On vous dit que c'est pour le « service de votre bien-aimé Monarque, je crois que cette « explication peut vous suffire parce que vous ne possé<< dez rien que vous ne soyez prêts à sacrifier pour le ser« vice de votre prince.

« D'un autre côté, on vous permet d'en avoir d'autres. « Ainsi, tâchez de vous pourvoir de votre mieux jusqu'à « ce que je voie pour pouvoir vous dire de bouche ce que « je pense et ce qu'il convient que vous fassiez. Je vois << dans tout ceci un contraste de politesse et de rigueur « apparente qui me donne lieu de conjecturer qu'on dé«sirerait de me savoir dans un endroit à pouvoir répon<< dre de moi; mais Dieu est partout et on ne peut rien << sans sa permission.

« Assemblez-vous donc dans des maisons particulières «< comme quelques Eglises l'ont déja fait. Si vos sociétés

(1) La grande route de La Rochelle passait alors par cette dernière localité.

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