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peu d'eau de puits. Au bout de ce temps, il mourut dans d'atroces convulsions, sans vouloir recevoir les secours de la religion, malgré les prières instantes du prètre.

Le corps d'une organisation vigoureuse et d'une taille de cinq pieds un pouce, ne pesait plus que 52 livres.

Quant à son cràne, l'examen attentif qu'en fit l'habile médecin de la prison donna lieu aux constatations suivantes :

On a trouvé une saillie très-marquée immédiatement au-dessus et derrière le trou auditif, signe de l'instinct carnassier ou de la destructivité. Sur la partie moyenne et au sommet de la tète, Gall indique trois protubérances indicatives de la merveillosité et amour de Dieu, de la bienveillance et de la vénération. Chez Granié, dépression prononcée dans cette partie du crâne. Enfin, sur la même ligne, on a découvert une bosse énorme à l'endroit où Gall place le siége de la fermeté de l'opiniâtreté, de la persévérance.

Est-il rien de plus concluant? ou de plus propre, 'du moins, à fournir au problème phrénologique l'un de ses éléments de solution?...

VIDOCQ.

Un homme s'est rencontré, d'une audace d'esprit extraordinaire, d'une témérité de courage inouïe,

d'une fertilité d'inspiration incroyable, d'une force et d'une adresse de corps prodigieuses.

Cet homme, qui appartenait à la fois au monde des honnêtes gens et au monde des coquins, fut longtemps la sauve-garde de l'un et la bête noire de l'autre.

Ancien forçat (pour faux dans un passe-port), et chef de la police de sûreté, cet homme participant des deux natures de ce double monde, présentait des contrastes de caractère, de mœurs et de conduite étranges.

Non moins bavard que discret, non moins dissimulé que vantard, non moins brave que fanfaron, cet homme avait toutes les qualités de ses vices, et tous les vices de ses qualités.

D'ordinaire, son verbe était aussi énigmatique que son silence, et sa ruse aussi ambiguë que son aplomb. Peu sérieux en apparence, il ne faisait rien à l'étourdie. Quoique aussi prompt à exécuter qu'à concevoir, l'acte chez lui ne précédait jamais la pensée. Ses coups de hasard étaient presque toujours des coups de calcul, et ce qu'il semblait le plus faire ex abrupto était ce qu'il avait le plus médité.

Commun de langage et vulgaire d'aspect, il était fin d'esprit et distingué de sentiment. Son cœur était aussi bon que ses manières étaient brusques. On eût pu l'appeler le bourru bienfaisant.

Genéreux jusqu'à la prodigalité, dévoué jusqu'à l'abnégation, reconnaissant jusqu'au sacrifice, il se montrait parfois ménager jusqu'à la pingrerie, rancunier jusqu'à la haine, haineux jusqu'à la vengeance, vindicatif jusqu'à l'embûche et à la trahison. Utile qu'il était, et qu'on le proclamait partout, à la

police, il s'y croyait nécessaire, et cette croyance faisait qu'il s'enthousiasmait de lui-même au point que, pour peu qu'on doutat de son indispensabilité, il convertissait, pour vous en convaincre, l'apparence en réalité et la recherche en trouvaille.

Témoin le fameux vol, dit de la barrière Fontainebleau, que j'aurai occasion de raconter plus tard. Pour surfaire son habileté, il fallait bien qu'il surfit le danger. Aussi, des diverses figures de rhétorique, qu'il connaissait sans les avoir jamais apprises, celle qu'il affectionnait le plus était l'amplification et l'hyperbole. Ses rapports de police en étaient pleins. La vérité y était toujours brodée. J'en ai lu d'extravagants. Ce n'était pas que les filous qu'il aimait à mettre dedans. Il y mettait parfois aussi la police. Témoin encore le vol ou plutôt la fameuse mystification du vol de la barrière Fontainebleau, dont je parlais tout à l'heure.

Sa probité avait les même défauts. Elle était exagérée dans ses actes comme la vertu dont on doute. Son titre d'ancien forcat faisait qu'on doutait de la sienne; et cependant la supercherie, devenue faux, qui le conduisit au bagne dans sa jeunesse, n'avait rien en soi qui dût sérieusement le faire suspecter. Mais sa condamnation n'en fut pas moins le boulet qu'il traina toute sa vie, et la supercherie qui la motiva n'en fut pas moins le mot de l'énigme de son existence, la tromperie en ayant toujours formé le fond. Sa vie entière en fut tissée.

Le physique de cet homme extraordinaire répondait parfaitement à son moral.

D'une taille moyenne et bien prise, mais vigou

reusement charpentée, il portait fièrement sur un cou court et nerveux, une forte tête, légèrement penchée à gauche, ombragée d'une chevelure épaisse, de couleur fauve. Son front était large comme sa poitrine. Il avait le nez épaté, les narines ouvertes et velues, les oreilles séparées de la tète, la bouche grande et gaillarde, les lèvres contractées et gouailleuses, les joues pleines et fermes dans l'âge mûr, flasques et pendantes dans la vieillesse, les pommettes saillantes. Ses yeux étaient ronds, verts, petits, perçants. Ils brillaient parfois, comme des escarboucles, sous des sourcils fournis, arqués, proéminents. Son ventre était rondelet, sest épaules larges, son pied petit, ses bras courts et terminés par des mains nerveuses et poilues.

Sa physionomie mobile prenait l'expression et la teinte qu'il voulait lui donner. Il y régnait plus de ruse encore que d'intelligence.

Sa parole était enrouée. En colère, il rugissait. Son rire était moins un rire qu'un ricanement.

Il marchait vite, et, quoique infatigable, il transpirait facilement. L'odeur qu'il exhalait alors vous montait moins au nez qu'à la gorge. Le cabinet du chef de la 1re division, M. Le Crosnier, auquel ressortissait le service des prisons, et où, dès lors, j'ai eu souvent l'occasion de rencontrer le personnage, en 1832, avait besoin de fumigations guitoniennes chaque fois qu'il en sortait.

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ai-je besoin de le nommer,

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Un jour, en 1837, M. Fossati, l'un des premiers phrénologues de l'Europe, fut invité, par l'avocat Charles Ledru, à examiner le crâne d'une personne

qu'on lui amena et dont on lui demanda la permission de taire le nom.

Après l'avoir attentivement exploré et palpé, M. Fossati déclara que jamais il n'avait rencontré un cerveau pareil. Il fit remarquer, à tous ceux qui étaient là, le beau et large front qu'il avait sous la main, les admirables proportions de la tête, etc., et le résumé de son opinion fut textuellement cette parole, dite à Charles Ledru :

« Il y a, dans l'inconnu que vous me présentez, trois personnes distinctes en une :

» Un lion, un diplomate, et une sœur de charité. » Portrait parfait de ressemblance, mais qui eût encore été plus parfait de vérité si, à son triolet crânioscopique, le savant eût ajouté cet autre triolet physionomique :

Singe, renard, et vieux blagueur.

LACENAIRE.

L'individualité la plus saillante qu'ait produite la criminalité moderne, la criminalité de tous les temps peut-être, est, sans contredit, Lacenaire.

Qu'un jeune homme, né de parents vicieux, sans éducation, sans instruction, sans appui, déshérité de la nature comme de la fortune, faible de corps autant que d'esprit, dominé par de bas instincts, des goûts dépravés, des passions désordonnées, se livre

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