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Mais il y a quelque chose de si beau dans l'aveu d'une grande faute ! C'est quelquefois un effort plus qu'humain qui mérite toutes sortes de bénédictions.

Pourquoi faut-il, hélas ! que vous ne vous soyez jamais trouvé cette magnanimité, que dans les conjonctures où elle étoit plus brillante qu'efficace, plus hardie que salutaire ! Depuis l'époque de subversion où vous avez si indiscretement armé et déchaîné tous les fléaux qui nous désolent, vous n'avez pas montré un seul élan de courage auquel ce reproche ne puisse s'appliquer. Combien ces réflexions critiques s'adaptent plus naturel lement encore à l'opinion que vous avez manifestée dans le conseil, contre l'acceptation du décret ébauché, comme par gageure, le 19 juin?

Je suis sûr, dites-vous, de la pureté de mes intentions.

Il seroit trop rigoureux d'exiger que j'aye cette certitude au même degré; mais enfin j'y crois, à votre pureté d'intentions : c'est dans toute la sincérité de mon ame, que j'ai l'honneur de vous assurer que je suis intimement persuadé, qu'au total, vous êtes uu honnête homme; et j'ai besoin de ce senA 3

timent de confiance dans votre moralité, pour ne trouver qu'impolitique et dangereuse cette certaine opinion que vous faites publier par toutes les trompettes de la renommée, sans doute par un saint motif de résipiscence et d'expiation.

Le roi, solliciter humblement des modifications à un pareil décret!... Si c'est une gaîté, une espièglerie de nos législateurs, ne vaut-il pas mieux se divertir de la mystification du général MOTTIERS, que d'en partager le ridicule?si cette machination a un but plus sérieux, pourquoi le roi se rendroit-il leur complice ? Vous m'entendez assez, și vous voulez m'entendre. Voilà des idées qui me font mal, et je passe bien vîte à votre projet d'observations. Ah! monsieur, que votre ambition seroit amplement satisfaite, si vous ne prétendiez qu'à la gloire d'être un grand écrivain! car, dans ce sens-là, il vous est permis de répéter avec Montesquieu, et moi aussi je suis peintre.

Profondeur, et quelquefois création d'idées, en général, solidité, et toujours, séduction dans les raisonnemens; une magie de style dont l'enchantement se soutient jusques dans les détails les plus abstraits et les plus mé

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taphysiques; voilà des avantages qu'on ne peut vous contester, et qui vous assurent une place distinguée dans la republique des lettres. Je dis plus, c'est que vous n'avez pas votre pareil dans l'art de perpétuer le ravissement des lecteurs, en leur offrant à chaque pas le mérite de la difficulté adroitement vaincue. Vous seul possédez le secret de je ne sais quel patelinage effronté, où le protocole de l'adulation n'est qu'un passe-port à la sévérité des reprimandes. Comme vous dites bien à tous ces gens-là leur fait, en restant prudemment enveloppé dans quelques simagrées de respect! Je suis toujours émerveillé de cette politesse mielleuse qui leur fait doucement avaler, et l'aigreur de yos reproches, et l'amertume de vos leçons. Il faut rire, malgré qu'on en ait, de cet air benin et de ce geste d'aménité avec lesquels vous leur distribuez et d'estoc et de taille, de vigoureuses ferules: en un mot, après l'inflexibilité courageuse de celui qui appelle un chat, un chat, et Rolet un fripon, je ne connois rien de plus aimable, de plus charque votre genre de sournoiserie."

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J'ai rendu hommage à vos talens littéraires; j'ai toujours été (et plus d'une fois envers

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vos créatures), le garant de votre probité : quant aux bienfaits de votre administration, sans doute vous n'appellerez pas de ma décision, si je consens à ne les trouver que problématiques; mais ce n'est pas le lieu d'examiner votre influence active ou indirecte sur la révolution, ni jusqu'à quel point étoient irréfléchis les motifs qui vous ont pieusement égaré: tout cela trouvera sa place dans mon histoire du bouleversement de la monarchie française, dont je m'occupe de rassembler les matériaux; matériaux qui pendant six mois de caravanes dans les cachots, m'ont été pillés avec une effronterie vraiment municipale.

Deux mots sur votre projet pour la lettre du Roi; et j'ai fini la mienne.

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Comment! après avoir établi avec autant de solidité que délégance l'injustice et l'absurdité de leur décret, le Roi n'auroit pas honte de promettre piteusement à ces messieurs, son acceptation, s'il ne leur plaisoit pas d'avoir égard à ses observations ; et cela, parce qu'il attache un grand prix à maintenir entre eux et lui une parfaite har

monie!

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Elle est à peine possible, l'énumération des 'nconvéniens attachés à une pareille conduite!

Je vous fais grace de tous ceux qui ne sont relatifs qu'aux circonstances effrayantes qui, dans ce moment de crise, environnent le squelette de la monarchie: mais je vous demanderai si le Roi, ou, pour mieux dire son conseil, n'a pas déjà fait assez de sotises pour son compte particulier, sans chercher encore à couvrir celle de l'assemblée, en s'y associant par une contradiction officieuse ? Assurement les faiseurs ne demanderoient pas mieux qu'un prétexte honorable de corrigeailler et replâtrer d'un vernis de pudeur la plus dévergondée de toutes lenrs œuvres : mais de bonne foi, est-ce au Roi à provoquer des amendaillemens à un décret dérisoire qui étonne les simples qui l'ont machinalement adopté dans un accès de délire, et fait rougir jusqu'aux frénétiques qui ont eu l'intrépidité de le concevoir dans le transport de la

vengeance.

Le flot qui l'apporta recule épouvante.

Je ne vous parlerai pas de la dignité du roi; on ne s'arrête plus à ces niaiseries-là ; mais je suppose que votre philosophie républicaine ne va pas jusqu'à le dégager des liens de la bité, ni même des entraves de la délicatesse

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