Images de page
PDF
ePub

dans le dessein de prendre des informa tions sur sa famille; malheureusement il m'est toujours survenu quelque affaire qui m'a fait différer ce voyage. C'est un grand bonheur que vous m'ayez parlé de ce fils. Certains mots, jetés au hasard, ont réveillé mes idées; et c'est sur l'exacte conformité de ce que je savais avec ce que vous m'aviez dit, que j'ai fait venir cet enfant, pour voir si vous le reconnaîtriez. »

A ces mots, Hieul se met à pleurer de joie, et ses larmes en firent aussitôt couler d'abondantes des yeux de Liu. « Un indice assez singulier, dit celui-ci, me fera aisément reconnaître mon fils. Mon Hieul a, un peu au-dessus d'un geñou, une tache noire, qui est l'effet d'une envie qu’eut sa mère, pendant qu'elle le portait. Hieul aussitôt relève son haut-de-chausse, et montre cette marque au-dessus d'un de ses genoux. A ce spectacle, Liu se jette à son l'embrasse tendrement, et l'élève entre ses bras: « Mon fils! s'écrie-t-il, .mon cher fils! quel bonheur pour ton père de te retrouver après une si longue absence ! »

cou,

.

[ocr errors]

Après les plus tendres embrassemens Liu s'arrache des bras de son fils, et va se précipiter aux pieds de Tchin: « Ah! lui dit-il, quelle obligation je vous ai d'avoir reçu chez vous, et élevé avec tant de bonté cette chère portion de moimême! - Mon aimable bienfaiteur, lui répondit Tchin, en le relevant, c'est la bonne action que vous avez faite en me rendant les deux cents taëls, qui a touché le ciel. C'est le ciel qui vous a conduit chez moi, où vous avez retrouvé ce que vous aviez perdu, et que vous cherchiez vainement depuis tant d'années. Maintenant que je sais que ce joli enfant vous appartient, je regrette de ne lui avoir pas fait plus d'amitié. J'ai une fille âgée de treize ans, continua Tchin, lorsqu'on se fut remis à table, et que le jeune Hieut se fut placé sur un siége à côté de son père; mon dessein est de nous unir plus étroitement, en la donnant en mariage à votre fils. » Il fit cette proposition avec tant de sincérité, que Liu, passant par-dessus les excuses ordinaires prescrites par la politesse chinoise, y donna aussitôt son consentement.

Comme il se faisait tard, on se sépara, et le jeune Hieul alla se coucher dans la chambre de son père. Le lendemain, Liu, craignant d'être à charge à son hôte, songeait à prendre congé de lui; mais il ne put résister à ses sollicitations pour rester. Tchin avait fait préparer un second festin, où il n'épargna rien pour régaler le futur beau-père de sa fille, et son nouveau gendre. On but à longs traits, et l'on se livra à la joie qu'inspiraient les heureux événemens de la veille. Sur la fin du repas, Tchin tira un paquet de vingt taëls, et regardant Liu: « Mon aimable gendre, dit-il, pendant tout le temps qu'il a demeuré chez moi, aura eu, sans doute, quelque chose à souffrir contre mon intention et à mon insu. Voici un petit présent que je lui fais, jusqu'à ce que je puisse lui donner des témoignages plus réels de ma tendre affection. Je ne veux pas qu'il refuse ce que je lui offre. » Après quel ques difficultés pour recevoir ce présent, Liu vit bien que toute résistance serait inutile; ii accepta les vingt taëls, et faisant lever son fils de table, il lui ordonna d'aller

faire un profond salut à son bienfaiteur. Après s'être acquitté de cette politesse, Hieul se rendit dans l'intérieur de la maison pour remercier sa belle-mère. Tout le reste du jour se passa en bonne chère et en divertissemens.

Le lendemain, après avoir bien déjeuné, le père et le fils préparèrent leur bagage, prirent ensuite congé de leur hôte, seyrendirent au port, et y louèrent une barque. A peine avaient-ils fait une demi-lieue, qu'ils virent couler à fond une barque chargée de passagers, qui criaient: Au secours! sauvez-nous! A ces cris se joignaient ceux d'un grand nombre de personnes assemblées sur la rive voisine; mais les bateliers qui se trouvaient là avec leurs petites barques, ne voulaient aller au secours des infortunés qui périssaient, qu'après avoir reçu une bonne récompense. Liu, instruit de leur demande, se décide aussitôt à leur offrir les vingt taëls qu'il avait reçus de Tchin, s'ils veulent aller secourir les naufragés. A cette proposition, tous les bateliers couvrent la rivière dans un instant, quelques-uns mêmes des

spec

ateurs qui savaient nager, se précipitent dans la rivière, et tous les malheureux qui allaient périr, ont le bonheur d'être sauvés. Liu s'applaudit avec raison de cet heureux événement, et livra aussitôt l'argent qu'il avait promis.

Comme tous ceux qui venaient d'être arrachés à la mort, s'empressaient de remercier leur véritable libérateur, un d'eux, qui le considérait avec beaucoup d'attention, s'écria tout à coup : « Eh quoi! mon frère aîné! par quel bonheur vous trouvaije ici!» Liu se retourne, et reconnaît son troisième frère. Alors transporté de joie, et comme hors de lui-même : O merveille! s'écrie-t-il en joignant les deux mains; c'est le ciel qui m'a conduit ici, comme la main, et à point nommé, pour sauver la vie à mon frère ! » En même temps, il lui tend une main, l'embrasse, le fait passer sur sa barque, l'aide à se dépouiller de ses habits tout trempés, et lui en donne d'autres.

par

כל

Lorsque celui-ci fut remis de son émotion, Liu appela Hieul qui était enfermé dans une des chambres de la barque, pour

« PrécédentContinuer »