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ne fuffent veudes ennemis, fe retirera en Macedoidoine. Quintius aprés qu'il eut vendu vne partie des prifonniers & du butin, & donné l'autre aux foldats,s'en alla à Lariffe, n'ayant pas encores nouuelles affeurées, ny de quel cofté Philippe auoit tiré, ny quelle pouuoit estre son intention. La vint vn Heraut de la part de Philippe luy demandervne fufpenfion d'armes pour emporter les morts, mais en effect c'eftoit pour obtenir vn saufconduir aux Ambassadeurs qu'il luy vouloit enuoyer. Quintius luy accorda l'vn & l'autre, & chargea le Heraut de luy dire qu'il euft bon courage.

Cette ciuilité ne fut pas au gouft des Etoliens, qui déja commençoient de murmurer. Ils fe plaignoient que depuis la bataille Quintius auoit chagé d'humeur, Quauparauant il n'y auoit affaire, grande ny petite, dont il ne communiquaft auec fes alliez, & qu'à cette heure, dequoy qu'il fuft question, ils n'eftoient iamais appellez au confeil. Qu'il faifoit toutes chofes de luy-meline, & déja cherchoit de s'obliger Philippe en particulier

Que les Etoliens auoient eu la principale part des trauaux & dés perils de la guerre, & que les Romains en vouloient auoir tout le profit. Et fans mentir, ce qu'ils difoient de fon tefroidiffement en leur endroit eftoit bien veritable, mais la caufe qu'il en foupçonnolent ne l'eftoit pas. Quintius auoit auffi peu d'inclination à l'auarice qu'homme du monde. Neant - moins ils penfoient que ce qu'ils ne les honoroit pas comme de couftume, fuft qu'il vouloit obliger Philipe, pour en tirer des prefens, & c'eftoit qu'ils s'offençoit de les voir infatiables, & ne pouuoit souffrir qu'il s'attribuaf

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fent le gain de la bataille, comme ils faifoient auce
des parolles fi prefomptueufes, qu'il n'eftoit, pas
poffible de les ouïr fans en eftre importuné.
Il preuoyoit d'ailleurs que fi Philippe eftoit mort,
& la puiffance des Macedoniens détruite, il falloit
que la Grece tombaft en la domination des Etoli-
ens. Voila pourquoy tout exprés il' faifoit plufi-
eurs chofes pour diminuer leur credit, & humilier
leur vanité. On auoit accordé quinze iours de
tréue à Philippe, & prins lieu pour traitter auec-
que luy. Deuant que le temps expiraft, Quin-
tius appella tous les alliez au confeil, pour auoir
leur aduis fur les conditions de paix qu'il deuoit
imposer à Philippe. Aminandre dit en vn mot,
qu'ilfalloit fi bienfaire la paix, que lors que l'armée
des Romains feroit retirée, la Grece demeuraft af-
fez forte pour conferuer d'elle mefme la paix & fa
liberté. Les Etoliens ne parlerent pas fi honnefte-
ment. Aprés quelque preface de belles parolles,
ils dirent à Quintius qu'il faifoit ce qu'il deuoit de
communiquer les deliberations de la paix à ceux
quiauoient efté fes compagnons en la guerre;mais
qu'il fe trompoit manifeftement s'il croyoit que
les Romains fe pûffent affeurer de la paix, ny les
Grecs de leur liberté que Philippe ne fuft hors
du monde, ou pour le moins yors de fon Royau-
me; qui eftoient deux chofes tres-faifables, fi.
l'on fe vouloit feruir de l'occafion. A cela Quin-
tius refpondit, que veritablement leur opinion
eftoit conforme à leur humeur, & qu'en toutes
les conferences il ne s'eftoit iamais parlé de paix,
qu'ils n'euffent toufiours efté d'aduis de faire la
guerre à toute extremité, & de ne fe defarmer que

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le party

le party contraire ne fuft ou mort ou ruïné ; mais qu'ils fe doiuent foutenir, que les Romains ont toufiours faict profeffion de pardonner à ceux qu'ils ont vaincus, dont l'exemple eftoit memora ble en la paix qu'ils auoient accordée a Hannibal & à ceux de Cartage Que pour ne parler que de Philippe, ils auoient plufieurs fois traitté auecque luy, mais iamais ils n'auoient faict mention de le depoffeder de fon Royaume. Que fi à cette heure il auoit perdu vne bataille, ce n'eftoit pas à dite qu'il le falluft exclurre de toute reconciliation? Que tant que les ennemis auoient l'épée à la main illeur falloit faire la guerre à bon efcient? mais que depuis qu'ils eftoient par terre, il n'appartenoit qu'à des ames lafches de leur mettre le pié fur la gorge; Que la Grece auoit jaloufie des Roys' de Macedoine, mais que fi vne fois ce Royaume & cette nation n'eftoient plus au monde, ce que la Grece craignoit d'eux, elle l'auroit à craindre des Thraces,des Illyriens, & des Gallates, qui eftoient toutes nations tres-puiffantes, & defquelles il ne faudroit jamais efperer ny pitié ny courtoifie!" Que les Grecs doiuent prendre garde, que fe voulans guarantir des incommoditez qu'ils uoient à leur porte, ils ne fiffent ouuerture à d'autres qui les fafcheroient bien d'auantage, & dont il ne leur feroit pas fi aisé de fe déueloper. Phaneas Preteur des Etoliens l'interrompant, & proteftant que fi Philippe échapport en cette occa fion, il ne falloit pas douter qu'au premier iour il ne reprint les armes, & ne donnaft plus d'affaires' que jamais Quintius luy repliqua; Nous ne fommes pas icy pour crier, nous y fommes pour de

a

liberer. Nous donnerons à Philippe des condi tions de paix, qui le garderont bien de recommencer la guerre. Le lendemain que leur deliberation fut ceffée, Philippe s'eftant rendu au pas de Tempé qui eftoit le lieu de l'affignation, les Romains au bout de deux iours y arriuerent, & auecque eux vn grand nombre de leurs alliez. En cette conference Philippe ayant mieux aymé laiffer paffer volontai rement tout plein de chofes, fans lefquelles il fçauoit bien qu'il ne pouuoit auoir la paix, qu'apres les auoir conteftées eftre contraint de les accorder, declara que de tout ce qu'auoient defiré les Romains, & de tout ce qu'auoient demandé les alliez la derniere fois qu'on auoit traitté,il s'en remettoit à ce qui en feroit ordonné par le Senat.

Il fembloit bien qu'vne fubmiffion figrande deuoit fermer la bouche à ceux-mefme qui luy eftoient les plus mal affectionnez. Neant-moins le mefme Phaneas,n'y ayant pas vn des autres qui refpondift mot, s'adreffa à luy, & luy dift; A quoy tient-il, Philippe, que vous ne nous rendiez Pharfale Lariffe, Cremafte, Echin, & les Thebes de Phtie? Philippe luy ayant refpondu qu'il n'empefchoit pas qu'ils ne les priffent, il y eut difpute entre Quintius & les Etoliens pour le fait de Thebes. Quintius pretendoit que par droit de guerre cette ville appartenoit au peuple Romain, d'autant que lors que les chofes eftoient encor en leur entier les eftant allé prier de vouloir eftre fes amis en vn temps où ils le pouuoient faire fans courir fortune, & ayant tout exprés fait éloigner fon armée, pour ne leur donner opinion qu'il vouluft rien auoir d'eux que ce que leur propre fentiment

leur confeillèroit, ils auoient preferé le party de Philippe à celuy des Romains. Phaneas fouftenoit que par le traitté ce qu'ils auoient eu deuant la guerre leur deuoit eftre rendu par la paix, & qu il auoit efté conuenu entre-eux, que des choLes gagnés celles qui fe pourroient emporter ou emmener appartiendroient aux Romains, les autres, comme les terres & les villes, demeureroient aux Etoliens. La replique de Quintius fut,que les Etoliens auoient les premiers contreuenu au traitté, lors qu'abandonnant les Romains ils s'eftoient jetteż au party de Philippe; Que quand cela ne feroit pas, en matiere de conqueftes les chofes ne fe pratiquent iamais d'autre façon & que pour le regard des villes de Theffalie, elles s'eftoient volontairement données au peuple Romain. Ces. raifons furent generalement approuuées de tous les alliez. Les Etoliens furent feuls qui témoignerent en eftre mal fatis-faits, & par leurs bizarriere bien toft apres s'attirerent fur les bras vne guerre,. qui les accabla de toutes fortes de calamitez.

L'accord auecque Philippe fut,quil bailleroit fon fils Demetrius, & quelques vns de fes amis en ofta ge, payeroit fix vingts mille efcus, & pour le furplus deputeroit à Rome vers le Senat; Qu'a cette fin il y auroit tréues de quatre mois; Que file Se-. nat ne vouloit point de paix, on rendoit à Philippe fes oftages & fon argent. Ce qui faifoit preffer la conclufion de la paix à Quintius, c'eftoit qu'ila uoit de bons auis qu'Anthiocus fe preparoit à la guerre,&vouloit paffer enEurope.Au mefme téps &felon quelques vns,le mefme iour que Philippe perdit la bataille des Cynocephales, Androfthe

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