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JULE MASCARON (n. 1634-m. 1703), oratorien, a eu beaucoup de vogue comme prédicateur; cependant il ne reste de lui qu'un recueil d'oraisons funèbres (Paris, 1740, in-12), parmi lesquelles on distingue celle de Turenne qu'il prononça en 1675 aux Carmelites du grand couvent de Paris où le cœur du héros fut déposé, Mme, de Sévigné parle de cette oraison dans ses lettres avec la plus grande admiration, et désespère que Fléchier puisse soute. nir la concurrence. Il l'a cependant soutenue, mais par des moyens différens : il est plus pur, plus égal, plus nombreux que Mascaron; et Mascaron l'emporte sur Fléchier par la force, la rapidité et les mouvemens. On pourroit peut-être encore citer de Mascaron son éloge du célèbre Pierre Seguier, chancelier, prononcé à Pontoise en 1672; mais pour celle d'Anne d'Autriche, femme de Louis XIII, prononcée en 1666; celle d'Henriette d'Angleterre, aussi célébrée par Bossuet, et celle du duc de Beaufort, prononcée en 1670; on ne peut en faire mention, car elles se sentent encore du mauvais goût qui dominoit dans la chaire avant les Bossuet, les Bourdaloue, les Fléchier. Aussi Thomas a fort bien observé dans son Essai sur les Éloges, chap. xxxx, que « Mascaron fut dans le genre des oraisons funèbres, ce que Rotrou fut pour le théâtre. Rotrou an nonça Corneille, et Mascaron Bossuet. »

J.-B. MASSILLON (n. 1663-m. 1742) est un de ces auteurs rares dont les différens ouvrages of

frent une telle perfection, qu'on est presque embarrassé pour désigner ceux qui méritent la préférence sur les autres. Son premier Avent et son Grand-Carême qu'il a prêchés à Versailles devant Louis XIV (1), sont une suite presque continue de chefs-d'œuvre parmi lesquels on doit distinguer le sermon sur le petit nombre des Élus : «Ce sermon dit M. Maury, également travaillé dans toutes ses parties, me paroît le plus bel ouvrage de Massillon et le plus parfait de tous les discours de morale; je le place avec confiance en première ligne à la tête de tous ses autres chefs-d'œuvre, avec son sermon sur la Divinité de J.-C., et le second de l'Avent sur la Mort du Pécheur et la Mort du Juste, quoiqu'on puisse reprocher à ce dernier une duplicité manifeste du sujet.» Malgré cela rien de plus parfait que les deux tableaux du pécheur et du juste mourans.

Le Petit-Carême est le plus précieux recueil de sermons, ou pour mieux dire, de discours moraux mis à la portée de tout le monde, mais destinés à

(1) C'est à la fin de ce carême, en 1704, que Louis XIV dit publiquement à Massillon : « J'ai entendu dans ma chapelle plusieurs prédicateurs dont j'ai été très satisfait; mais en vous écoutant, j'ai été mécontent de moi-même; je veux vous entendre désormais tous les deux ans. » L'intrigue et la jalousie s'opposèrent à une si juste préférence; Massillon ne reparut plus dans la chaire de Versailles pendant les onze dernières années de Louis-le-Grand. Ce n'est qu'en 1718, qu'à peine nommé à l'évêché de Clermont, sous la Régence, il fut invité à prêcher dans la chapelle des Tuileries, en présence de Louis XV âgé de huit ans, les premiers sermons que ce prince ait entendus et qui composent le Petit, Carême.

ceux qui doivent commander. « Les péroraisons surtout sont, selon M. Dussault, des chefs-d'œuvre de grâce et de sensibilité. Qu'on se représente Massillon formant des vœux à la fin de chacun des discours du Petit-Carême, pour un roi enfant échappé des ruines de toute sa famille ; quelle situation! mais aussi quelle éloquence! Jetez les yeux du haut du ciel, grand Dieu, et voyez ici à vos pieds cet enfant auguste et précieux, la seule ressource de la monarchie, l'enfant de l'Europe, le gage sacré de la paix des peuples et des nations : les entrailles de votre miséricorde n'en sont-elles pas émues? Regardez-le, grand Dieu, avec les yeux et la tendresse de toute la nation; écoutez la première voix de son cœur innocent qui vous dit ici comme autrefois un saint roi: Dieu de mes pères, regardez-moi..... Sauvez le fils d'Adélaïde, des Blanches, des Clotildes, et de tant de pieuses princesses qui me portent encore devant vous dans leur sein, et comme l'enfant de leur amour et de leurs plus chères espérances....... L'enfant roi étoit à genoux au pied de l'autel quand l'orateur prononçoit du haut de la tribune sacrée ces attendrissantes paroles qui tiroient des larmes aux cœurs les plus endurcis d'une Cour frivole et corrompue, et qui nous pénètrent encore du sentiment le plus vif et le plus tendre. » (Quel rapprochement! Massillon, s'il existoit encore, pourroit-il dans les circonstances où nous nous trouvons, s'exprimer autrement?) « Les péroraisons du PetitCarême, continue M. Dussault, suffiroient pour le

placer parmi les plus beaux monumens, non seulement de la littérature française, mais de l'éloquence en général, »

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Quoique tout soit beau dans Massillon, il y a cependant des parties de ses ouvrages qui excitent davantage l'admiration ; voici celles que désigne M. Maury: 1,° les sermons sur le petit nombre des Élus (déjà cité); sur le Pardon des ennemis ; la Mort du Pécheur ( déjà cité ); -sur sion; sur l'Aumône; - sur la Divinité de J.-C. (déjà cité);—sur le Mélange des Bons et des Méchans; sur le Respect humain; — sur l'Impénitence finale; -sur la Tiédeur; et sur les Injustices du Monde. 2.° Ses Conférences ecclésias. tiques passent aussi pour un chef-d'œuvre. 3.o Il en est de même de ses Homélies, de l'Enfant prodi❤ gue, du Mauvais Riche et de la Samaritaine, ainsi que de presque tous les sermons de son Avent et de son Grand-Carême. 4. La plus éloquente de toutes les prières de Massillon est celle qui se trouve dans les quatre dernières pages de son beau sermon sur le Délai de la Conversion. 5.o Enfin le sermon sur le Danger des Prospérités temporelles pour le second dimanche du Grand-Carême est absolument du même genre que les discours du Petit-Carême ; mais il leur est, dit M. Maury, très supérieur sous Je rapport de l'éloquence,

J. MILTON (V. tom. 1, pag. 356). Nous ne dirons rien ici de son Paradis perdu, parce que nous

en avons mentionné les morceaux les plus saillans à l'article DELILLE; nous ajouterons seulement que les cinq premiers chants sont supérieurs aux cinq derniers; et nous rapporterons une anecdote qui confirme ce que nous avons dit du passage du poëme, relatif aux plaisirs purs et innocens que goûtoient nos premiers parens dans l'Eden; pourvu toutefois que cette anecdote soit vraie, car son auteur nous est très suspect : « Je me trouvois un jour, dit Hé rault de Séchelles, avec six hommes de lettres. On se demandoit quel étoit le plus beau morceau de poésie. J'opinai pour que chacun écrivît secrètement son avis sur un billet. Nous fumes très étonnés de voir que nous nous étions tous réunis à donner la préférence à la peinture d'Adam et Ève dans le Paradis terrestre, par Milton.» Si l'anecdote est vraie, il est présumable que quelques antécédens avoient disposé les esprits de la société à une telle unanimité.

J.-B. POQUELIN DE MOLIÈRE (n. le 15 janvier 1620-m. le 17 février 1673). Le Misanthrope et le Tartufe se disputent à juste titre la primauté parmi les chefs-d'œuvre de cet homme extraordinaire. Il en est cependant qui donnent la préférence au Tartufe, et qui le regardent « comme le plus sublime ouvrage qui soit sorti de la main des hommes, l'œuvre la plus parfaite du génie, ce que l'esprit humain a pu concevoir de plus beau sous tous les rapports; mais si le plaisant du masque ne couvroit pas l'odieux du visage, cette pièce seroit abominable. »

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