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compofée de Francs, de Bourguignons, d'Allemans & d'Alains. Cette révolution le rendit maître des Pro vinces germaniques &, fuivant les apparences, de quelques autres vers le couchant. Ce nouvel Empereur ne jouit pas long-temps de fa dignité. Il fut fait prifonnier, livré à Honorius & mis à mort. A la faveur de ces mouvemens, les Bourguignons pafferent le Rhin en l'an 413. & s'emparerent de plufieurs contrées affifes fur la rive gauche de ce fleuve. La Chronique de Caffiodore le dit expreffément. Burgundiones partem Gallie Rheno tenuere conjunctam. Celle de Profper s'exprime à-peu-près de même. Il paroit que l'Empereur Honorius, pour Tes gagner, leur aura fait cette conceffion. En effet de tous les Barbares, les Bourguignons étoient ceux dont les mœurs étoient plus conformes à celles des Romains; de plus ils avoient été fouvent leurs alliés.

MAIS quelle Province leur a-t-on donnée? & où les Allemans fe font-ils placés? M. Schoepflin, dans fon fçavant ouvrage fur l'Alface, penfe que les Bourguignons furent transportés dans le pays des Helvetiens & placés entre le haut-Rhin & le mont Jura. Quant aux Allemans, il leur donne tout le pays qui s'étend en deça du Rhin depuis Bâle jufqu'à Mayence. (x)

LE Pere Boucher au contraire, avec le plus grand nombre des hiftoriens, croit que les Bourguignons furent mis en poffeffion de la contrée nommée aujourd'hui Alface, [y] & qu'ils étendirent leur domination dans toute la première Germanie. Les preuves, dont il appuye cette opinion, me paroiffent très folides. La première est tirée de la vie de Saint Germain d'Auxerre écrite vers l'an 488. Il y eft dit, que Saint Sevère

(x) Alfat. Illuft. Pag. 266. & 428. Rom. Pag. 440.

(y) Belg.

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Evêque de Trèves mort en 420. annonça des paroles de vie aux nations établies dans la première Germanie: or nous apprenons d'Orofe, [z] qui écrivoit en 417. que dès ce temps-là,, les Bourguignons avoient embraffé la Religion catholique. Ils obéiffent aux Prêtres avec refpect, ajoute cet hiftorien, & vivent dans les Gaules avec les anciens habitans du pays ,, non comme avec des étrangers leurs fujets, mais ,, comme avec leurs freres en Jesus-Chrift,, On ne peut méconnoitre ici les heureux fruits des travaux apoftoliques du Saint Evêque Sevère dans la première Germanie. On voit au contraire par la fuite de l'hiftoire, que les Allemans ne fe convertirent qu'après avoir été fubjugués par Clovis & par fes fils. La feconde preuve du Pere Boucher, il la prend du Panégyrique que Sidoine Apollinaire prononça à la gloire d'Avitus, lorfque ce Gaulois fût parvenu à l'Empire. Le Poëte, entre plufieurs exploits que fon heros fit en la compagnie d'Aëtius, le loue d'avoir délivré le Belge opprimé par le Bourguignon. [a]

Belgam, Burgundio quem trux Prefferat, abfolvit junctus tibi.

ON place cette expedition à l'an 428. la même année qu'Aëtius foumit les Francs Ripuaires, comme il a été dit ci-devant. Quel étoit le Belge que le Bourguignon opprimoit? felon les apparences, c'étoit la Cité de Mets & celle de Toul. Il paroit qu'il n'en voulut point à Trèves, parce que les Francs en occupoient le territoire. Si les Bourguignons avoient eu leur demeure dans le pays des Helvetiens, comme le dit M. Schoepflin; ils n'auroient pu entreprendre de faire des conquêtes dans la première Belgique fans

(z) Lib. 7. C. 19. Pag. 805. vers 234.

(a) Hift. Franc. Tom. I.

s'expofer à la perte de leur armée : car pour y parvenir, ils auroient dû auparavant marcher fur le ventre aux Allemans qui, felon ce fçavant auteur, étoient en poffeffion de l'Alface; entreprise également téméraire & dangereufe; au lieu qu'aux Bourguignons placés dans la première Germanie, rien n'étoit alors plus facile que de faire des courfes dans la première Belgique, & de s'y emparer de quelques Cités.

MAIS comment Aëtius les retira-t-il des mains des Bourguignons? il paroit, par les évènemens pofterieurs, que le Général romain obligea cette nation à fe contenir dans les quartiers qu'on lui avoit affignés & à le regarder comme fujetté de l'Empire; puis qu'ayant depuis manqué aux conditions de ce traité, fa conduite eft notée de rébellion dans la Chronique d'Idace à l'an 435. Burgundiones, qui rebellaverant, à Romanis duce Aëtio debellantur. Aëtius, pour s'en venger, vint fondre fur eux, & les tailla en piéces. Gundicaire leur Roi, échappé à ce carnage, demanda la paix & l'obtint mais l'année fuivante, les Huns & les Alains tomberent fur cette malheureufe nation, & en firent un horrible maffacre. (b) Ceux qui avoient échappé au fer des vainqueurs furent envoyés par l'Empereur dans la Sapaudie, à condition qu'ils s'y contenteroient d'une certaine portion de terres, & qu'ils laifferoient l'autre aux anciens habitans. (c) L'ancienne Sapaudie, autant qu'on en peut juger, comprenoit la Savoye proprement dite, le Chablais, une partie du Comté & du Duché de Bourgogne.

LES Bourguignons, ayant été en 436. prefque entièrement détruits, vingt-trois ans après leur établisse ment dans les Gaules, les Allemans, qui jufqu'alors avoient été retenus dans leurs quartiers fur la rive

[b] Chron. Profp. A.° 436. [c] Idem. A.° 439

droite du Rhin, fongerent tout de bon à s'emparer de la première Germanie. Nous ne fçavons point précifément en quelle année ils éxécuterent ce deffein. Ce qui paroit certain, c'est qu'ils y étoient établis avant l'an 455. nous l'apprenons du Panégyrique que Sidoine Apollinaire fit à la louange d'Avitus créé cette année-là maître de la milice dans le département du Prétoire des Gaules. L'Allemand féroce, dit cet illuftre Poëte, paffe le Rhin; bientôt il fe croit le maître fur la rive gauche de ce fleuve, ainsi qu'il l'étoit déja fur la rive droite. Il tient la rive barbare comme fon héritage, & la rive romaine comme fa conquête.

Francus Germanum primum Belgamque fecundum
Sternebat, Rhenumque ferox, Alemanne, bibeba s
Romanis ripis, & utroque fuperbus in agro,

Vel civis vel victor eras. vers 372.

Voilà donc en 455. les Allemans fur les deux bords du Rhin, & dans le canton nommé aujourd'hui Alface. Plufieurs écrivains penfent qu'ils n'occuperent pas longtemps la rive romaine, & que l'an 455. ils furent contraints de fe remettre entièrement sur la rive barbare, après qu'Avitus eut été fait maître de la milice. Ils fondent leur opinion fur les vers qui fuivent dans le même Panégyrique.

Ut primùm ingesti pondus suscepit honoris,

Legas qui veniam pofcant, Alemanne, furoris. c'est-à-dire, dès que le nouvel officier s'eft mis en poffeffion de fa dignité, l'Allemand envoye une ambaffade lui demander un entier oubli du paffé: mais ceci n'eft qu'une difficulté apparente, Sidoine ne dit pas comme M. l'Abbé Dubos le traduit, (d) que l'Allemand repaffe le Rhin, mais feulement qu'il demande une amniftie de fes excès qui feront tout au plus quelques

[d] Tom. 1. Pag. 413.

courfes dans la première ou la feconde Belgique. Siles Romains avoient voulu contraindre les Allemans à repaffer le Rhin, dit M. Schoepflin, [e] ils n'auroient pu en venir à l'exécution que par la force des armes, en un mot, par une victoire qui auroit couté beaucoup de fang aux deux partis. Les Allemans devoient être extrêmement accrûs en nombre depuis quarante ans & ́davantage, qu'il n'en a plus été parlé dans l'hiftoire. Cette victoire auroit dû tenir fa place dans le poëme, & en être un des plus beaux ornemens: cependant on n'en voit aucun veftige. Les Allemans ne furent donc point forcés d'abandonner la première Germanie. M. l'Abbé Dubos, qui femble penfer autrement, reconnoit au moins qu'ils y étoient rentrés avant l'an quatre cens quatre-vingt. Il aporte en preuve un paffage de Procope relatif à cette année,, (*) Les Allemans & les Suèves font dans une contrée qui eft entre le pays habité par les Tongriens & le pays que tiennent les ,, Bourguignons.,, C'eft affez la fituation de l'Alface, dit M. Dubos, & l'on ne doit point être furpris qu'un auteur grec ne l'ait pas défigné avec plus de précision. Procope ajoute que les Allemans, établis dans les Gaules, étoient des Peuples libres & indépendans de l'Empire, bien différens des Bourguignons qui en reconnoiffoient l'autorité.

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LES Allemans de l'une & de l'autre rive du Rhin, jaloux de la gloire des Francs, voyoient avec peine le progrès de leurs conquêtes dans les Gaules. Pour en arrêter le cours, ils fe joignirent avec les Suèves & demanderent, fans doute, le fecours de ceux de leur nation établis dans le pays des Helvetiens, ou la Suiffe. La partie étant bien liée, ils entrerent hoftilement 'en 496. dans la feconde Germanie, occupée alors par

[e] Alfat. Illuft. Pag. 429. [*] Tom. 2. P. 65.

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