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apres une longue conversation, le roi demeura ferme, et lui accorda seulement un mois de délai, après lequel il l'assura qu'il marcheroit contre Gênes pour l'attaquer, la prendre et la ruiner de fond en comble, et que, sitôt qu'il auroit commencé la guerre, il en coûteroit aux Génois cent mille écus par jour. Néanmoins, Sa Majesté accorda quelques jours après la liberté au résident de cette république, lequel il détenoit depuis longtemps prisonnier à la Bastille.

Le même jour, on sut que le roi avoit acheté le régiment de dragons de M. d'Henonville vingt mille écus, et qu'il l'avoit donné au jeune chevalier de Mursé", neveu de madame de Maintenon1, et frère de celui auquel il avoit, peu de temps auparavant, donné la cornette de chevau-légers de sa garde.

La veille des Rois, Sa Majesté donna un souper

(1) Ce n'étoit pas mal aller que de faire donner, en six semaines de temps, à ses deux neveux deux charges, pour lesquelles il avoit tiré de son épargne cent soixante mille livres; aussi son crédit augmentoit-il tous les jours.

(a) Lisez de Murçay. (De Monmerqué.)

(b) Lisez pour lesquelles le roi avoit tiré de son épargne cent soixante mille livres ; aussi le crédit de madame de Maintenon, etc. (id.)

aux dames; mais elles furent en petit nombre, au grand déplaisir de celles qui ne furent pas priées. On disoit aussi que le roi alloit recommencer à donner des soupers, comme il avoit fait l'année précédente.

Et peu de jours après ", on eut à Versailles la première représentation de l'opéra de Roland, qu'on devoit avoir à l'avenir seulement une fois par semaine, au lieu qu'on avoit accoutumé de représenter les autres opéras trois fois chaque semaine. Ce n'étoit pas que celui-là fût moins beau que les autres; mais le roi déclara que ces sortes de spectacles l'ennuyoient quand il les voyoit représenter si souvent.

Quelques jours après, on sut que le roi avoit donné une abbaye de filles à la sœur du marquis de Chamilly, gouverneur de Strasbourg, et que Sa Majesté avoit aussi donné la fameuse abbaye du Port-Royal 1 à l'une des sœurs de M. l'archevêque de cette grande ville, laquelle étoit depuis long

(1) Célèbre par la résistance que les religieuses avoient faite aux décisions du pape et aux ordres du roi en faveur du jansénisme. C'étoit leur donner une grande bride que de leur donner cette abbesse, sœur (a) Le lundi 8, (Adh. B.)

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temps abbesse de la Virginité ", en Vendômois.

On sut aussi dans le même temps que madame la duchesse d'Arpajon avoit la petite vérole, malheureux effet de la tendresse qu'elle avoit pour mademoiselle sa fille; car si elle ne se fût point renfermée avec elle, lorsqu'elle fut attaquée de cette maladie contagieuse, elle n'auroit pas pris ce mauvais air, et elle n'auroit pas été dans un manifeste danger de sa vie, la petite vérole étant très dangereuse à une personne de cinquante ans.

On disoit alors que le roi avoit commandé quarante bataillons de son infanterie pour marcher du côté de Gênes; et effectivement ils avoient ordre de se tenir prêts à marcher au premier jour.

On sut aussi peu de jours après que Sa Majesté avoit nommé le comte de Cheverny pour aller en Danemarck relever M. de Villars en qualité d'ambassadeur extraordinaire, et qu'elle lui don

de l'archevêque de Paris, qui avoit toujours été l'instrument dont les confesseurs du roi s'étoient servis contre les jansénistes.

(a) Cette sœur de M. l'archevêque de Paris étoit Elisabeth-Marguerite Harlay de Champoallon, morte en 1695. (De Monmerqué.)

(b) C'est le mercredi 10 que le roi commanda quarante bataillons de six mille chevaux pour marcher en Italie, au commencement de février. (Adh. B.)

noit douze mille écus d'appointements pendant son ambassade, et quelque argent comptant pour faire les frais de son équipage.

On vit en ce temps-là le marquis d'Oudetot1, mestre-de-camp de cavalerie, faire abjuration de la religion prétendue réformée; et tous ceux qui le connoissoient en eurent beaucoup de joie, parce que c'étoit un fort honnête et fort brave gentilhomme.

Le bruit couroit alors que le nonce du pape avoit tous les pouvoirs nécessaires pour finir l'affaire des Génois avec le roi, mais qu'il ne vouloit les faire paroître qu'à l'extrémité. D'autres croyoient que cette nouvelle étoit fausse et que les Génois persistoient dans leur opiniâtreté. Mais quand le nonce n'auroit pas eu tous les pouvoirs dans sa poche, il n'y avoit guère d'apparence que les Génois furent assez mal avisés pour attendre que le roi fit entrer ses troupes en Italie, n'y ayant pas de doute qu'en attendant jusqu'à l'extrémité, ils n'auroient pas rendu leur condition meilleure.

(1) C'étoit un gentilhomme de Normandie, parent de M. de Pompone et de MM. de Feuquieres, qui con. tribuèrent beaucoup à sa conversion.

Quelques jours après, le roi ayant été obligé de faire mettre le feu à une de ses dents, cela lui attira une grosse fluxion sur la joue, qui lui dura plusieurs jours. Madame la Dauphine fut aussi indisposée, et Monsieur eut quelques accès de fièvre; mais ces indispositions n'eurent point de suites.

Peu de jours après, on sut que madame d'Espagny, femme de chambre de madame la Dauphine“, et sœur de Félix, premier chirurgien du roi, avoit été chassée, sa conduite n'ayant pas été agréable au roi.

Lequel donna en même temps au comte de Claire une pension sur une abbaye. Ce jeune gentilhomme, qui étoit fils du défunt comte de Claire, chevalier de l'ordre et capitaine des gardes de Monsieur, frère du roi, ayant été destiné à l'Église parce qu'il avoit plusieurs frères aînés, devint enfin l'aîné de sa maison par les morts de

(1) Il n'étoit pas de la véritable maison de Claire de Normandie, mais il s'appeloit, en son nom, de Fontaine Martel; il étoit neveu du marquis d'Arsy, que le roi avoit nommé pour ambassadeur en Savoie.

(a) Le dauphin avoit une intrigue avec cette dame d'Espagny. (De Monmerqué.)

(b) Lisez par la mort. (De Monmerque).

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