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Le petit Poussé, que vous connoissez, a épousé une des filles du président le Bailleul (1).

L'affaire du P. Maimbourg devient grande ; je ne sais de quoi il s'est avisé d'écrire des choses contre Rome, qui ne servent de rien à personne. Le pape et le général des jésuites leur ont commandé d'ôter l'habit au P. Maimbourg. Le roi le leur a défendu.

On m'a dit que vous viendriez au mois d'avril prochain. J'en suis ravie, car c'est toujours pour moi qui, sans vanité, n'ai pas mauvais goût, un très-grand plaisir que vos conversations.

N'oubliez pas la copie du portrait de M. de Verdun; vous me l'avez promise et j'aime à conserver la mémoire de mes amis absents ou morts.

Adieu, monsieur.

1938.-Bussy à madame de Scudéry.

A Autun, ce 18 février 1681.

Je suis bien fâché de vos langueurs, madame. Je ne saurois juger de si loin qui épousera notre ami le duc ; quand il sera content je le serai.

Je comprends bien que la fatigue d'un ballet du roi est plus grande pour les courtisans que le plaisir; tel qui seroit bien aise de danser de son choix ne danseroit pas volontiers de commande.

Les gens qui sont aussi amoureux et aussi empressés que le duc du Lude sont bien près d'être jaloux; il est vrai que la duchesse prendra soin d'éviter les soupçons.

(1) Cécile-Angélique de Bailleul, mariée à Anne Raguier, marquis de Poussé, morte le 10 juillet 1706.

Il y a beaucoup d'aigreur contre nous dans la cour de Rome; le pape est entier en ses résolutions et le roi ne se relâche guère. Je ne sais pas comment le cardinal d'Estrées (1) pourra concilier ces extrémités.

1939. — Bussy à la duchesse du Lude.

A Autun, ce 18 février 1681.

De tous les compliments qu'on vous a faits sur votre mariage, madame, je suis assuré qu'il n'y en a pas un plus sincère que le mien ni si désintéressé; car enfin je ne crois pas avoir l'honneur de vous voir jamais : cependant je suis persuadé que cette raison ne vous obligera pas de m'oublier; et pour moi, madame, qui vous ai promis d'être votre ami et votre très-obéissant serviteur toute ma vie, je prendrai part tant qu'elle durera à tout ce qui vous arrivera de bien et de mal, fussions-nous toujours à cent lieues l'un de l'autre.

1940.-Bussy au marquis de Trichateau.

A Autun, ce 18 février 1681.

Je suis en peine de vous et de madame de Trichateau, monsieur, car vous êtes régulier; et m'ayant mandé que vous seriez ici le vendredi ou le samedi 15, vous n'y avez pas manqué sans quelque raison que mon amitié pour vous me fait prendre en mauvaise part. Éclaircissez-moi promptement, je vous prie, par lettre ou plutôt par votre présence.

(1) Ambassadeur à Rome.

Je ne sais si je vous ai mandé que l'on se réjouissoit fort ici, et qu'entre autres divertissements, les dames se préparoient à jouer une comédie. Le théâtre sera dans la salle du logis où vous m'avez vu il y a deux ans.

Je ne sais si vous savez que M. de Roussillon va épouser mademoiselle de la Boulaye, à qui sa mère donne tout son bien, à la réserve de vingt mille écus, dont elle se garde le pouvoir de disposer; et M. de Roussillon s'oblige de lui donner sept mille francs tous les ans, sa vie durant, et de payer à son acquit vingt-huit mille francs de dettes. Madame de la Boulaye lui a dit que son bien valoit dix mille livres de rente. Je crois qu'elle ment et qu'il n'en vaut que sept tout au plus. Mais quand elle diroit vrai, ôtez les 7,000 francs qu'il lui donne, 14,000 francs d'intérêts qu'il paye pour elle, il ne lui restera que très-peu pour la réparation des bâtiments et rien pour la nourriture, habits et équipage de la future.

Madame de la Boulaye n'a regardé qu'elle en ce marché et M. de Roussillon que ses enfants, car sa belle-mère est plus jeune que lui. Ils attendent de M. d'Autun leur dispense pour se marier en carême.

1941. — Le marquis de Trichateau à Bussy.

A Semur, ce 20 février 1681.

Ce n'a point été de ce que le courrier nous a dit des chemins et du péril qu'il a couru qui m'a empêché d'aller à Autun, monsieur. Je suis encore capable de vouloir bien acheter de grands plaisirs au prix de beaucoup de peines. La mauvaise santé de madame de Trichateau a été un obstacle auquel je n'ai pu et je ne crois pas encore devoir résister. Son mal n'est pas violent; mais à un cœur tendre

et à un homme qui cherche à remplir ses devoirs, c'est plus qu'il n'en faut pour le faire demeurer.

Je ferai tout ce que je pourrai pour aller passer sept ou huit jours avec vous avant que la compagnie se sépare. Tous les temps valent le carnaval, quand tant de personnes agréables sont ensemble, et j'espère que je n'aurai rien à regretter de lui que la représentation de la comédie: encore y a-t-il pour et contre. Des dames toujours redou tables sont bien dangereuses à voir déguisées avec les atours des passions.

Madame de Gordes (1) est morte.

On me mande de Saint-Germain qu'on a donné le gouvernement de Cambrai à Montbron, vacant par la mort de Cesan; celui de Tournai, où il étoit, à Catinat; celui de Condé à Reveillon (2) celui de Thionville à d'Espagne (3); on dit Charlemont au Montal. Dans l'humeur où je suis, je crois que j'aimerois mieux celui d'Autun qu'aucun de ceux-là.

1942. Harlay, archevêque de Paris, à Bussy.

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A Paris, ce 20 février 1681.

Je n'ai pas manqué, monsieur, de lire au roi la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. C'est le compte que je suis bien aise de vous rendre pour vous assurer

(1) La femme du marquis de Gordes, dont il a été question plus haut.

(2) Brigadier d'infanterie (1672), commandant à Verdun (1674), à Charleville (1675), maréchal de camp (1677), gouverneur de Dinant (1679), de Charlemont (1680).

(3) Commandant dans Charleroi (1667), dans Bommel (1672), lieutenant de rol de Dôle (1674).

que je ne perdrai aucune occasion de vous rendre mes très-humbles services et que j'aurai de la joie quand vous aurez la satisfaction que vous voulez bien attendre de la diligence de vos amis. Je ne serai jamais des derniers à vous souhaiter les grâces qui dépendent uniquement de la bonne volonté du roi, ni à être et me dire parfaitement votre très-obéissant serviteur.

1943. Le P. P. Brulart à Bussy.

A Dijon, ce 22 février 1681.

Pour répondre à votre lettre du 20 de ce mois, monsieur, je vous dirai que je suis de votre avis quand vous dites qu'il faut être fidèle à écrire l'histoire ou des mémoires; mais comme peu de gens se font justice sur leurs vérités, il faut attendre qu'ils ne soient plus pour faire paroître ce qu'ils ont été. L'historien qui a travaillé dans cette vue ne manque jamais de crédit, si d'ailleurs son style est agréable et juste; car il ne peut être soupçonné de haine ou d'amitié, et il faut cela pour être cru. Je suis donc d'accord avec vous que le temps présent n'est jamais propre pour toutes les vérités. J'avoue que ce n'est pas un déshonneur de n'avoir pas les plus grandes vertus, mais je doute que ce n'en soit pas un considérable de n'avoir rien fait pour les acquérir. Ainsi, l'on peut dire qu'un homme d'épée qui n'a jamais été à la guerre mérite du blâme. Vous, monsieur, qui avez si bien servi, devez être de mon avis. Pour moi, si j'étois de ce métier-là, je tiendrois à déshonneur de ne l'avoir pas fait, parce que je crois qu'il y en a toujours de manquer à ce qu'on doit, et qu'on ne peut dire et apprendre à tout le monde qu'un homme n'a rien fait, sans le faire juger par le public digne d'un assez grand reproche.

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