ble laiffa au Preuoft les marques de fon vifage, par lesquelles quoy, que l'habit où il fe trouuoit pour lors le déguifaft fort, il ne laiffa pas d'eftre connû du Preuoft qui l'alla prendre. On le mena en prison, & on saisit toutes les hardes, entre lesquelles il croyoit bien que dût eftre l'or que luy auoit excroqué laime, car il ne s'eftoit point encore apperceu qu'il luy manquoit, & cela eftoit fauorapour les deux amans qui auoient efia delogé. Ce qui reüffit de la prifon de Crifpin, fut qu'ayant esté mis fur cét efpouuentable cheualet de bois, il fut fort mauuais efcuyer, car il ne fçeut rien celer: ce qui fut cause qu'on le condamna d'aller au gibet pour y faire des caprioles en l'air à la veuë de tout le monde. Ce ne fut pas vne petite grace qu'il receut du Ciel, de finir là fes iours auec repentance de fes pechez; parce qu'en core que ce foit la fin ordinaire de ceux qui viuent de ce miferable me ftier, il y en a plufieurs qui par l'efpée & le pistolet meurent fouuent de mort fubite. Ainfi fut pendu le pauure Crifpin, qui apprit,pendant ce temps qu'il fut Hermite,à mourir au lieu patibulaire en Predicateur. Il connut bien que ce malheur luy auoit efté procuré par laime: mais comme bon Chreftien il luy pardonna tout en mourant. Rufine & fon Amant demeurans cachez dans Madrid aux yeux de Garay, ils eftoient vnis defia par le ma riage, car leurs nopces fe firent auffitoit qu'ils furent arriuez à la Cour. Garay auoit paffé à Alcala, où on luy auoit dit qu'eftoit sa femme, & ne la trouuant point, il s'accofta de gens de fa profeffion, & le profit qu'il fit auec eux, fut qu'eftant furpris en vn larcin, ils furent tous 3 condamnez au foüet, & à fix ans de galeres. On le mena à la chaitne à Tolede, & comme il croyoit que Rufine y fuft encore, il luy efcriuit vne Lettre, par laquelle il luy demandoit, que puis qu'elle auoit par fon induftrie gagné tout ce qu'elle poffedoit, elle euft pitié de luy & le tiraft de ce trauail, en achertant vn efclaue qu'elle pourroit mettre en fa place, comme cela fe pratique tous les iours. Le porteur de cette Lettre cherche Rufine en la ruë qu'il luy auoit marquée, mais il fçeut incontinent des voifins qu'elle eftoit fortie de Tolede: de forte que le bon Garay chargé de fers, d'années &.de trauaux cut l'honneur d'eftre officier de fa Maiefté en la charge de forçat de fes Galeres auec plufieurs autres, qui non plus que luy n'auoient iamais cu deffein de pretendre à cét office. Retournons à laime qui viuoit fort fplendidement dans Madrid: il n'y fut pas long-temps fans s'accompagner de bonnes gens femblabies à luy, tous enclins à ferrer le bien d'autruy, & à faire la moiffon fans attendre le temps de la recolte, car c'eftoient des nippes & de l'argent que l'on recueille en toute faifon. Ils firent quelques larcins fecrets auec telle industrie & fi finement, qu'on n'en put iamais defcouurir les autheurs: ce qui les affriola de forte, qu'ils ne furent nullement parcffeux à chercher tous les iours de nouuelles occafions d'employer leurs griffes. Il s'eftoit fait à Madrid en ce temps là vne excellente troupe de Comediens des meilleurs de toute l'Espagne, que la liberalité d'vn Grand d Espagne fort riche, auoit fait affembler a fes frais, & il n'y auoit rien efpargné le ne fçay à quel deffein deffein il le faifoit, fi c'eftoit par charité, ou pour fon plaifir particulier, ou pour quelque autre caufe qui m'est inconnuë; mais il prenoit vn foin tres-particulier de la rendre parfaite & accomplie de tout point, aux defpens de fa bourfe. Il defiroit leur faire auoir la fefte du S. Sacrement, où les Comediens de la Villė peuuent reprefenter tous les iours pendant l'octaue, des Comedies en pleine rue, où tout le monde eft bien venu fans rien payer, & cela fe fait tous les ans à Madrid en cette Fefte. Pour faire reüffir fon deffein, il leur acheta des Comedies nouuelles des meilleurs Poëtes d'Efpagne, qu'il payoit fort bien: & les obligeoit mesme à y trauailler promptement pour cette grande Compagnie: De forte qu'vne autre troupe qui eftoit auffi à Madrid s'y vöyant inutile pour ne pouuoir comNa |
