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Sophonisbe trompeufe & belle,
Meart & ne meurt point du Poison
Mais celuy que l'on reçoit d'elle,

En nous laiffant le iour, nous ofte la

raison.

Qu'elle a d'attraits! qu'elle est à
craindre,

Pour ceux qui l'ofent efcouter!
Carpuis qu'elle fait fi bien feindre,
Le moyen de la croire, & ne pas re-
douter?

Il n'importe, ie l'idolaftre,
Toute dangereuse qu'elle eft;

Et mon cœur deuient le Theatre
De l'aimable Iebar dont le recit luy plaist.

Mais puis qu'il faut que le le die,
Ie crains, & ie veux l'auoüer,
Qu'elle ne change en Tragedie,

Le Rofle auantageux, que ie m'en vay

ioйer.

EEEec ij

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Heureux fi la Beauté que i'aime,
En vse à la fin autrement :

Et permet que ce beau Poëme, Auffi bien que mon Sort, finiffe heureu Sement.

Iebar, qui aprés auoir recité tant de Vers, & en auoir tant fait elle mesme, n'a pas manqué de venir à s'y connoiftre fort finement, ne manqua pas auffi de trouuer ceux d'Abindarrays fort agreables & comme elle a naturellement l'efprit doux & flatteur, & qu'elle fçait que tous ceux qui font des Vers, aiment qu'on leur rende les loüanges qu'ils ont données, & qu'on les en recompenfe par d'autres loüanges; elle en fut pluftoft prodigue qu'auare, & cét illuftre Grenadin, eut fuiet d'en eftre content. Le voiJa donc auffi affidu à la Comedie,

que s'il euft efté de la Troupe: & auffi fouuent fur ce Theatre, que s'il euft efté vne de fes decorations. A chaque Vers que lebar recitoit, il fe pafmoit d'admiration & de ioye; il fe recrioit à tous les beaux endroits de fon Rofle; il en auoit le corps agité comme l'efprit: & cette amour Comique luy donnoit des conuultions, comme certaines maladies en donnent, à ceux qui en font tourmentez. Il excitoit les acclamations du Peuple par fon exemple; il le faifoit crier malgré qu'il en euft, en criant luy mefme le premier; & l'on entendoit dire par tout, aprés luy, cela est beau; cela eft excellent; cela eft diuin. Au refte, il ne manqua pas de fouftenir à lebar, que fa profeffion eftoit la plus honnefte du monde: qu'il n'y auoit rien de fi galant, ni de fi aimable qu'vne Comedienne: que le noble EEE ce iij

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exercice du Theatre luy formoit T'air du vifage, & la grace du corps: que cette belle maniere de fe produire en public, luy donnoit vnc hardieffe modefte, pleines de charmes & d'agreement: que le fuperbe apparat de la Scene, adiouftoit vn merueilleux esclat à vne aimable Perfonne, que tout autre lieu ne donne point:que l'eftude cótinuelle des Ouurages des grands hommes, en rempliffant leur memoire de belles chofes, leur ornoit l'efprit, & leur formoit le iugement: que la pitié qu' elles excitoient par leur recit, eftoit vn grand acheminement à l'amour: que fongeant continuellement à plaire, elles plaifoient auffi continuellement : que le ton paffionné de leur voix, que les belles larmes qu'elles répandoient, & que les auantures pitoyables, qu'on leur voyoit arriuer fur le Theatre, at

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tendriffoient le cœur, efbranloient l'ame, & la rendoient plus facile a felaiffer emporter. Que de plus, les Femmes de toute autre profeffion, paroiffoient toufiours la mefme chofe: qu'vne trifte eftoit ufiours trifte; qu'vne gaye eftoit toufiours gaye; & qu'vne ambitieufe auoit toufiours de l'ambition. Mais qu'il n'en eftoit pas de mefme d'vne belle Actrice, qui changeoit auffi souuent d'humeur que de Perfonnage: & qui par cette varieté, où la Na-. ture fe plaift tant, augmentoit l'amour comme le plaifir, & ne manquoit gueres de donner de l'vne en donnant de l'autre. Enfin, il luy difoit encore, que pour peu qu'vn Amant cuft l'imagination forte en aimant lebar, il croyoit tantoft aimer Arfinoé, tantoft Cleopatre; aujourd'huy adorer Didon, demain adorer Berenice; vne fois feruir EEEcc iiij

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