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chèvre, et ne voyaient point un Dieu dans cet animal, quoique peut-être le peuple le crût. Il était pour eux l'emblème du principe actif de toutes choses, l'ame de l'Univers, et par cela même le plus ancien et le premier des Dieux. Sa figure est le portrait de la Nature revêtue des attributs célestes, que le soleil son premier agent, son ame visible emprunte de l'Olympe et du lieu où il reprend sa force fécondante. Cette opinion théologique sur Pan n'a pas été ignorée de ceux qui ont eu occasion d'en parler, tels que Porphyre 1, Phornutus, Isidore, Servius, Albricius, etc. Il est, dit Servius, le Dieu de toute la Nature. Il est modelé sur la forme du grand tout, nous dit Isidore; il renferme tout ce que contient la Nature et il justifie son nom de Pan. Peut-être l'étymologie a-t-elle conduit ces derniers auteurs à voir dans Pan l'Univers-Dieu, ou la totalité des êtres réunis sous le nom de cause une et éternelle des effets produits dans son sein; mais les anciens avaient, indépendamment dunom, une idée aussi grande de Pan que celle qu'exprime l'hymne d'Orphée, et qui s'accorde bien avec la fonction que le soleil, amie du monde visible, remplit dans la Nature qu'il pénètre de son feu actif et vivifiant. Porphyre regarde Silène, espèce de Pan, comme le symbole du souffle moteur qui anime le grand tout, comme la force active qui pénè

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1 Porph. apud Euseb. præp., 1, 6, p. 114; Albricius, c. 9; Isid. Orig., 1. 8, c. 10; Serv. not. ad egl. 2 Virgil. Phornut., 2 Euseb. præp., 1. 3, c. 11, p. 110.

C. 27.

tre l'universalité des êtres. Voilà des titres suffisans pour justifier les Egyptiens de lui avoir donné une place aussi distinguée que celle qu'ils lui ont assignée dans l'ordre hiérarchique, et pour en avoir fait la première divinité, aux mystères de laquelle leurs prêtres devaient se faire initier. Pan ou le Dieu aux formes de bouc eut aussi sa ville particulière, à laquelle on donna le nom de ville de Pan ou de Panopolis ', suivant les Grecs, et de Chemmis en langue égyptienne. C'était aussi là que la constellation, qui est aux cieux à côté du cocher et qui le précède immédiatement dans son lever, Persée, recevait des hommages et voyait ses autels associés à ceux de Pan, comme ces deux génies le sont dans les cieux, où ils gardent les limites de l'équinoxe de printemps. Nous avons vu, dans notre troisième chapitre sur Isis, que cette déesse ou la lune sous le nom d'Isis, est censée placée à Chemmis à côté des pans et des satyres, au moment où elle répond aux constellations de Persée et du cocher; ce qui arrive lorsqu'elle est pleine au taureau, le soleil étant au scorpion; c'est-à-dire dans la position que Plutarque donne au soleil et à la lune au moment de la mort d'Isis.

Le culte de Pan passa d'Egypte en Grèce, et se fixa surtout dans les hautes contrées du Péloponèse, qui se vantent de tenir à l'antiquité la plus reculée, et où Pan est, comme en Egypte, un des

1 Herod., l. 2, c. 91; Steph. in voce Kemm.; Diod. Sic., p. 16.

TOME IV.

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premiers et des plus anciens Dieux. Les pâtres d'Arcadie en firent leur divinité tutélaire, comme ceux de Lampsaque, qui l'adoptèrent sous le nom de Priape. Il ressemblait assez au vieux Mercure des Pélasges qui habitèrent originairement ces pays. Aucune partie de la Grèce ne m'a paru avoir conservé, plus que l'Arcadie, des statues composées et monstrueuses, dans le goût et l'ancien style égyptien. La Cérès de Phigalie (b), la Diane Eurynome, les oiseaux de Stymphale, etc., en sont une preuve. Or, c'est dans ce pays que Pan est une divinité première, comme il l'était en Egypte. Toute l'Arcadie' l'adorait. Pan, Deus Arcadia, etc., dit Virgile. On y montrait ses montagnes, ses images, ses temples, et les échos qui retentissaient des sons harmonieux de sa flûte. On y distinguait, entre autres lieux, le mont Ménale consacré à Pan qui, dit-on, y faisait entendre ses accords mélodieux. C'est dans ces mêmes lieux qu'on voyait l'autel sur lequel brû lait le feu sacré éternel en honneur de Pan2, emblème simple et naturel du feu sacré qui brille dans les astres et surtout dans le soleil, et qui pénètre toutes les parties du corps immense de Pan ou de l'Univers; il y jouissait, comme en Egypte, de la prérogative de divinité du premier ordre, qui dispensait tous les biens aux mortels dont il exauçait les vœux, et qui poursuivait les coupables; caractère distinctif qui le place au-dessus du simple Dieu des bergeries, et qui en fait une divinité

1 Paus. Arcidicis, p. 257, 262, 269, 280, 291.-2 Ibid. 268.

théologique aussi relevée que l'était le Pan des Egyptiens. Il avait aussi son oracle commè Apis et Ammon, lequel avait joui dans la haute antiquité d'une grande célébrité. Il avait inspiré la nymphe Erato qui s'unit au bootès, ou à Arcas fils de Callisto ou de l'Ourse. Erato est le nom d'une des hyades ou des nymphes de Dodone. Virgile, fidèle aux traditions antiques, invoque cette nymphe dans 'son septième livre, lorsqu'il va chanter les noms des héros et des peuples qui habitaient dans le Latium les pays où s'était établi Evandre, prince venu d'Arcadie. C'était la prophétesse fameuse chez les Arcadiens, qu'il invoquait. Aussi les fêtes de Pan passèrent-elles d'Arcadie dans le Latium, ainsi que celles du Dieu-Cheval ou de Neptune, qui rendit Cérès mère. La plus grande divinité des premiers Romains, ou de leurs aïeux qui habitaient Albe, était Pan1 que l'on honorait tous les ans par des jeux qui se célébraient sur le mont Palatin, ainsi appelé de Pallantée ville d'Arcadie, d'où était parti Evandre lorsqu'il vint civiliser les peuples d'Italie, et leur apporter la connaissance des lettres. Ces fêtes se célébraient par les Romains à la fin de l'hiver, suivant Denys d'Halicarnasse 2, qui s'est plu à rassembler les traits nombreux qui rapprochent le culte des Romains de celui des anciens Arcadiens, et qui en marquent la filiation 3. Ce savant parle de l'ancien bois sacré du mont Palatin et de la fon

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taine qui coulait de l'antre de Pan, et que l'on voyait encore de son temps 1.

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Virgile, dans ses Pastorales et ses Géorgiques, a consacré souvent le nom de Pan et le mont Ménale d'Arcadie, séjour favori de Pan'. Mais alors, Pan n'est chanté que comme Dieu des bergeries, au lieu que dans l'ancien culte du Latium, et surtout chez les Arcadiens, il était une divinité du premier ordre, comme chez les Egyptiens. Il est fort étonnant que le commentateur de Virgile 3, Servius, l'appelle simplement une divinité rustique, tandis qu'il le peint sous les traits de l'Univers-Dieu : qu'il l'appelle le Dieu de toute la Nature, et qu'il regarde la couleur rouge, dont on teignait ses images, comme l'emblème du feu sacré qui circule dans l'éther: ce qu'est effectivement Pan. C'est ainsi que Bacchus, le fameux Osiris, une des premières divinités des Egyptiens, a fini par n'être que le Dieu des raisins.

CHAPITRE X.

ADONIS, APOLLON, ATYS, ORUS.

APRÈS avoir analysé les formes plus ou moins monstrueuses que le Dieu-soleil au printemps

1 Dyonis. Halic., l. 1, p. 65.—2 Virg. eclog. 2, v. 31; 4, v. 58, eclog. 10, v. 26; georg. l. 1, V. 17. -3 Serv. Com. ad eclog. 2 et 10.

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