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belle tête! beaux yeux brillants et bien fendus! Ah! beau petit nez! belle petite bouche! petites quenottes jolies! Ah! belle gorge! belles petites menottes! petits ongles bien faits!

(L'ours se lève sur ses pattes de derrière.)

À l'aide! au secours! je suis mort! Miséricorde! Pauvre Moron! Ah! mon dieu! Hé! vite! à moi! je suis perdu!

(Moron monte sur un arbre.)

SCÈNE IV.

MORON, CHASSEURS.

MORON, monté sur un arbre, aux chasseurs. Hé! messieurs, ayez pitié de mai.

(Les chasseurs combattent l'ours.)

Bon, messieurs! tuez-moi ce vilajn animal-là. O ciel, daigne les assister! Bon! le voilà qui fuit. Le voilà qui s'arrête, et qui se jette sur eux. Bon! en voilà un qui vient de lui donner un coup dans la gueule. Les voilà tous à l'entour de lui. Courage, ferme, allons, mes amis! Bon! poussez fort! Encore! Ah! le voilà qui est à terre; c'en est fait, il est mort. Descendons maintelui donner cent coups.

nant pour

(Moron descend de l'arbre.)

Serviteur, messieurs; je vous rends grace de m'avoir

délivré de cette bête. Maintenant que vous l'avez tuée, je m'en vais l'achever, et en triompher avec

vous.

(Moron donne mille coups à l'ours, qui est mort.)

ENTRÉE DE BALLET.

Les chasseurs dansent pour témoigner leur joie d'avoir remporté la victoire.

FIN DU PREMIER INTERMEDE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE, PHILIS.

LA PRINCESSE.

Oui, j'aime à demeurer dans ces paisibles lieux;
On n'y découvre rien qui n'enchante les yeux,
Et de tous nos palais la savante structure
Céde aux simples beautés qu'y forme la nature.
Ces arbres, ces rochers, cette eau, ces gazons frais,
Ont pour moi des appas à ne lasser jamais.

AGLANTE.

Je chéris, comme vous, ces retraites tranquilles
Où l'on se vient sauver de l'embarras des villes:
De mille objets charmants ces lieux sont embellis;
Et ce qui doit surprendre est qu'aux portes
d'Élis
La douce passion de fuir la multitude
Rencontre une si belle et vaste solitude.

Mais, à vous dire vrai, dans ces jours éclatants,
Vos retraites ici me semblent hors de temps;

Et c'est fort mal traiter l'appareil magnifique

Que chaque prince a fait pour la fête publique.
Ce spectacle pompeux de la course des chars
Devroit bien mériter l'honneur de vos regards.

LA PRINCESSE.

Quel droit ont-ils chacun d'y vouloir ma présence?
Et que dois-je, après tout, à leur magnificence?
Ce sont soins que produit l'ardeur de m'acquérir,
Et mon cœur est le prix qu'ils veulent tous courir.
Mais, quelque espoir qui flatte un projet de la sorte,
Je me tromperai fort, si pas un d'eux l'emporte.

CYNTHIE.

Jusques à quand ce cœur veut-il s'effaroucher
Des innocents desseins qu'on a de le toucher,
Et regarder les soins que pour vous on se donne
Comme autant d'attentats contre votre personne?
Je sais qu'en défendant le parti de l'amour
On s'expose chez vous à faire mal sa cour:
Mais ce que par le sang j'ai l'honneur de vous être
S'oppose aux duretés que vous faites paroître;
Et je ne puis nourrir d'un flatteur entretien
Vos résolutions de n'aimer jamais rien.
Est-il rien de plus beau que l'innocente flamme
Qu'un mérite éclatant allume dans une ame?
Et seroit-ce un bonheur de respirer le jour,
Si d'entre les mortels on bannissoit l'amour?
Non, non, tous les plaisirs se goûtent à le suivre;
Et vivre sans aimer n'est pas proprement vivre.

AVIS.

Le dessein de l'auteur étoit de traiter toute la comédie en vers; mais un commandement du roi, qui pressa cette affaire, l'obligea d'achever le reste en prose, et de passer légèrement sur plusieurs scènes, qu'il auroit étendues davantage s'il avoit eu plus de loisir.

AGLANTE.

Pour moi, je tiens que cette passion.est la plus agréable affaire de la vie; qu'il est nécessaire d'aimer pour vivre heureusement; et que tous les plaisirs sont fades, s'il ne s'y mêle un peu d'amour.

LA PRINCESSE.

Pouvez-vous bien toutes deux, étant ce que vous êtes, prononcer ces paroles? et ne devez-vous pas rougir d'appuyer une passion qui n'est qu'erreur, que foiblesse et qu'emportement, et dont tous les désordres ont tant de répugnance avec la gloire de notre sexe? J'en prétends soutenir l'honneur jusqu'au dernier moment de ma vie, et ne veux point du tout me commettre à ces gens qui font les esclaves auprès de nous pour devenir un jour nos tyrans. Toutes ces larmes, tous ces soupirs, tous ces hommages, tous ces respects, sont des embûches qu'on tend à notre cœur, et qui souvent l'engagent à commettre des lâchetés. Pour moi, quand je regarde certains exemples et les bassesses épouvantables où cette passion ravale

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