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fastes parlementaires, et qui peut expliquer beaucoup d'imperfections, avait été d'ailleurs le trait caractéristique de la session et la condition absolue de la solution de plusieurs questions législatives dont l'ajournement ne se fût pas prolongé davantage sans produire le plus fâcheux cffet.

Considérés dans leurs rapports avec le pouvoir, les votes des deux Chambres n'avaient point présenté les mêmes nuances. Soit par le résultat des scrutins, soit par l'esprit d'ensemble des discours prononcés dans son sein, la Chambre des pairs avait manifesté une concordance parfaite avec les vues du ministère. La Chambre élective, au contraire, avait plusieurs fois suivi une autre marche, et gardé une allure plus indépendante. Non seulement le ministère n'avait, sur quelques points, remporté l'avantage qu'à un petit nombre de voix, mais sur d'autres il avait été battu complétement. Il était difficile que, se plaçant dans une position différente vis-à-vis du ministère, les Chambres n'entrassent pas elles-mêmes en conflit. La vieille question du divorce n'avait pas été, entre elles, la seule cause de litige. Elles s'étaient mises de même en dissidence au sujet des matières religieuses, et nous les avons vues, dans la discussion des lois sur l'instruction primaire et sur l'organisation des conseils d'arrondissement et de département, prendre d'abord des résolutions diamétralement opposées. Enfin, relativement au budget, la Chambre des pairs avait accueilli avec faveur les protestations du ministre des finances contre la disposition introduite, sur la proposition de M. Eschassériaux, dans le budget des cultes, et la commission d'examen les avait reproduites par l'organe. de son rapporteur. Bref, s'il ne s'était engagé entre les pouvoirs aucune de ces collisions décisives qui entraînent un changement de système, il n'y avait pas eu non plus cette harmonie calme et profonde dont on doit induire que la politique en vigueur rallie, dans toutes ses applica tions, les suffrages de la grande majorité,

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CHAPITRE XII.

Projet de fortifications à élever autour de Paris. - Anniversaire des journées de juillets Procès de vingt-sept accusés d'attentat contre la sûreté de l'état. Manifeste de la Société des droits de l'homme.-Coalitions d'ouvriers. Affaire des crieurs publics. Démonstrations du parti légi-. timiste dans l'ouest et dans le midi. Voyage du roi en Normandie. Application dé la loi sur l'instruction primaire. — Législation consulaire. Elections des conseils de département et d'arrondissement. — Colonies: événemens à Alger, au Sénégal, à Cayenne, à la Martiniqué. Coup d'œil général sur la situation de la France à la fin de 1833.

La tranquillité publique, qui s'était maintenue sans effort dans le cours des deux sessions, ne sembla pas aussi assurée pendant la dernière moitié de l'année. Le projet poursuivi par le gouvernement de fortifier Paris, quoique une loi sur la question. fût encore à faire, parut d'abord devoir être la cause ou le prétexte de graves désordres. Cette question, que nous avons vu agiter à la tribune, avait été débattue par la presse avec une vivacité croissante. Entre les deux plaus de fortifications proposés, une enceinte continue ou des forts détachés, le gouvernement s'étant prononcé pour le dernier, le langage de l'opposition avait redoublé d'énergie, et les forts désignés sous le nom proscrit de bastilles, avaient été représentés comme conçus dans une pensée de répression contre les habitans de la capitale, beaucoup plus que dans une pensée de prévoyance contre les ennemis du dehors. A l'appui de cette interprétation, un journal (le National) avait cité, au commencement de juin, un rapport que M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la guerre, avait soumis au roi Charles X en 1826, rapport tendant à démontrer au gouvernement la nécessité de se ménager des positions fortifiées contre Paris en cas d'émeute, et dans ces considéra

tions developpées par un ministre de la restauration, on trouvait les motifs déterminans du ministère actuel. Ainsi commenté par les journaux de l'opposition de la capitale et par ceux des départemens, le projet avait jeté dans le public un sentiment d'inquiétude. On a vu que là Chambre des députés l'avait implicitement condamné par un vote (14 juin), dans le cours de la discussion sur le budget de la guerre; le lendemain cependant, en exécution de rẻsolutions antérieurement prises, le gouvernement avait fait procéder à des actes relatifs à l'adjudication des travaux des forts. L'opposition, rapprochant ces deux faits, invoqua le vote de la Chambre, redoubla ses attaques avec une nouvelle violence, et pendant les mois de juin et de juillet, des proestations menaçantes, mêlées d'encouragemens à la résistance t de promesses d'appui, furent adressées aux Parisiens de lusieurs points de la France.

L'approche des journées anniversaires de la révolution de 130, qui allaient mettre le gouvernement et la population er présence et donner à l'opinion une occasion solennelle de semanifester, ajoutait encore à la gravité de ce débat. Aucun myen n'était négligé par les adversaires du projet pour agter la garde nationale, pour l'animer et la provoquer à quelque démarche, à quelque clameur hostilé au pouvoir, etle cri: A bas les forts détachés, à bas les bastilles, lu était soufflé de toutes parts. En même temps l'on pouvat croire, à divers indices, que le parti républicain faisait ses préparatifs pour être en mesure d'agir, si une såssion venait à éclater dans le sein de la garde natonale. Les circonstances prenaient ainsi un caractère alarmant, quelque fermentation se manifestait, et de sinistres prévisions commençaient à être assez généralement accueillies. Alors, le gouvernement, qui avait déjà protesté depuis long-temps par l'organe de ses journaux contre l'interprétation donnée à ses projets, et qui avait démenti les bruits semés sur la continuation des travaux au mépris du vote

de la Chambre, réitéra formellement ses déclarations dans le Moniteur du 23 juillet: il annonça que l'administration s'était empressée d'accepter les conséquences de l'ajournement décidé par la Chambre, qu'elle avait prescrit de suspendre partout les travaux des forts détachés, et qu'elle attendrait pour les reprendre ou les abandonner définitivement, une nouvelle résolution des députés. Les adversaires du projet repoussèrent ces assurances publiées, disaient-ils, seulement pour le besoin du moment, pour passer la crise; ils affirmèrent, malgré des dénégations répétées, que les travaux seraient repris immédiatement après les fêtes, et ils ne cessèrent d'engager la population à ne pas se laisser tromper par une promesse dont elle reconnaî trait trop tard la fausseté.

Ce n'était donc pas sans une vive anxiété que la capitale attendait l'anniversaire des journées de juillet et qu'elle l vit arriver. Mais, soit qu'il faille l'attribuer à l'efficacit des mesures que la police avait prises, soit que la gare nationale ait eu pleine confiance dans les déclarations à gouvernement, soit qu'elle ait redouté les désordres dat une démarche d'opposition de sa part aurait pu devenir l'occasion, aucun accident fàcheux ne troubla la solennié des fêtes, qui furent remarquables par leur magnificenc, et surtout par la réinstallation de la statue de l'empereur Napoléon sur la colonne de la place Vendôme. Indépendan ment de la popularité que les souvenirs de l'immense glove dont il avait doté la France attachaient au nom de Napoléo, le rétablissement de son image sur sa colonne était considér comme la réparation d'un outrage fait au pays dans un temps de calamité; aussi un murmure universel de satisfaction s'échappa-t-il de toutes les bouches, quand un voile soudainement abaissé laissa voir sa figure, et les troupes qui défilèrent à sc3 pieds mêlèrent le cri de vive l'empereur aux cris de vive le roi.

Quoique les craintes excitées par la fermentation que le

projet de fortifier Parisavait produite nese fussent pas réalisées, et que les essais de désordre tentés pendant les fêtes eussent été de trop peu d'importance pour être seulement mentionnés ici, néanmoins, cette cause d'agitation et d'appréhension ne devait pas s'évanouir sans laisser quelques traces. Les républicains, ainsi que nous l'avons dit, s'étaient préparés à tout événement; la police mise en garde de son côté avait été amenée à conclure de leurs actes et de leurs publications, qu'un complot se tramait contre la sûreté de l'état, et de nombreuses arrestations eurent lieu au moment même des anniversaires, particulièrement parmi les membres de la Société des Droits de l'Homme. Après une longue instruction, vingt-sept accusés, au nombre desquels étaient quatre élèves de l'école Polytechnique, parurent aux assises. de la Seine, sous la prévention de complot ayant pour but, soit de détruire, soit de changer le gouvernement, soit de provoquer les citoyens à s'armer contre l'autorité royale, soit enfin d'exciter à la guerre civile. Commencé le 11 décembre et terminé le 22′ par un verdict de non-culpabilité en faveur de tous les prévenus, ce procès excita vivement l'attention publique. Dans tout le cours des débats, qui dégénérèrent en une lutte ardente et passionnée, l'exaltation des prévenus, de leurs avocats et des témoins à décharge fut extrême. Jamais atteintes plus ouvertes et plus graves n'avaient été portées à la dignité de la cour; jamais son autorité n'avait été plus violemment bravée, et les magistrats outragés sur leur banc dans leur personne, dans leur carac tère, avaient dû sévir contre des témoins, et même contre des avocats, qui furent frappés de peines disciplinaires (voyez la Chronique.)

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Ces scènes déplorables, dont le sanctuaire de la justice fut le théâtre, n'étaient, pour ainsi dire, que des indications partielles d'une fermentation presque générale qui se manifesta en France dans la dernière moitié de l'année 1833.

Un arrêt de la cour d'assises de la Seine avait prononcé,

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