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INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DU CAMBODGE.

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17. [Il y eut] un très illustre émissaire ?, habile favori du roi, vaillant héros du nom de Kamvau, que le roi avait fait général d'armée.

18. Aveuglé par l'éclat de sa grandeur et méditant en son cæur la ruine de celui à la puissante faveur duquel il devait cette grandeur, celui-ci sortit un jour de (sa) ville avec ses troupes.

19. Avec la force de son corps, ses (excellentes) armes, sa prudence, sa puissance, il était par tous estimé capable de dompter à lui seul la terre entière.

20. Ses troupes de grande vaillance, aux grandes armes, à l'héroïsme éprouvé, (s'avançaient) innombrables, distribuées à tous les points de l'horizon , sans qu'on en pût apercevoir la fin.

21. Avec ses légions impétueuses et bien armées, aspirant à conquérir tous les dieux, (bien qu'il ne fût qu')un homme, il parcourut, semblable à Rāvana, la terre (jusqu'à l'endroit) où se tenait le héros 2.

22. Devasrau, Vlon, Vnur, Gam, Censrau, Camnatt, Rāññ, Khmoññ, ces grands chefs d'armée et maints autres grands capitaines du roi,

23. (Tous) de grande énergie, furent chargés par le roi de vaincre (cet) ennemi. Et l'ennemi les ayant vaincus, les pourchassa, les enveloppant 3 en pleine bataille dans l'éclat de la victoire.

24. Ceux-ci tués, le roi des rois dit à ses généraux : « Les héros qui meurent fidèles à leur maître, sont servis par Lakshmi, leur épouse céleste.

25. «Hàtez-vous (donc) sur l'heure, avec vos légions bien armées , ô capitaines! » Ainsi interpellé, Sangrāma, le chef d'armée, fit cette réponse :

26. «Les dieux eux-mêmes, qui ont Indra à leur tête, ô roi, quelque prodigieuse que soit leur vaillance, ne soutiendraient pas un instant ton assaut dans le combal; à plus forte raison de (simples) mortels.

27. Sois tranquille, ô grand roi; avec ta puissance, cet avaleur d'Indra, si difficile à vaincre pour d'autres, c'est décidé, je vais l'anéantir. »

28. Et plein d'estime, le roi répondit au général : « Très bien! Ta parole, je le sais, est véridique. Tel qu'est ton désir, tel est aussi le mien. »

29. Ainsi encouragé, Sangrāma s'étant une fois de plus prosterné, lui l'homme

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1

Il se peut que cūro soit la fin d'un composé et n'ait point ici le sens d'« émissaire ». On remarquera pourtant que, dans l'ancien Orient, ce rôle n'a rien de déshonorant. Dans Manu et, en général, dans le Nītiçāstra, le căra est un serviteur de confiance, qui est en rapport direct avec le roi. Dans le Rāmāyaṇa, c'est un dieu,

qui sert de cāra à Rāina et, dans le Shah-
nameh, c'est d'ordinaire le chef ou le roi
lui-même qui se charge de ce rôle.
· C'est-à-dire Sangrama.

Je prends sumāja comme parfait de
sam+aj, parfait que Pāṇini n'admet pas,
mais qu’autorisent d'autres grammairiens.
Cf. samajita, B, 12.

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DU CAMBODGE.

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,

altier, alla promptement avec son armée là où (se tenait) ce chef enneni si dif-
ficile à vaincre.

30. Et, de son côté l, le héros ennemi, avec toute son armée, connaissant
l'héroïsme du général, pour sauver sa vie (des mains) de ce puissant adversaire,
s'en alla au bout de l'horizon, semblable au (mont) Mālyavat? (qui viendrait à
s'ébranler).

31. Aussitôt Sangrāma, le général en chef, avec les capitaines de son arınée, poursuivit, désireux de le terrasser, ce grand ennemi aux troupes impétueuses.

32. Étant arrivé au (sanctuaire de) Çiva du Pșithuçaila ?, il honora (le dieu, avec une dévotion parfaite, (lui) donnant de l'or, de l'argent, de pobles éléphants, et implorant (de lui) la victoire sur le chef ennemi.

33. S'avançant de son côté, pour son malheur, enlacé par le lacet de Kāla 5, l'ennemi, avec toute son arınée, vint, désireux de combattre, à la rencontre de Sangrāma.

34. S'étant aperçus l'un l'autre, pleins de joie et impatients de s'arracher la splendeur de la victoire, ces deux héros coururent l'un contre l'autre semblables à Ráma et à Rāvana.

35. (Les voyant ainsi), avec la force de leurs bras robustes, ardents au combat singulier, leurs grands capitaines, prosternés devant eux, parlèrent ainsi :

36. « Ah seigneur! ah grand héros! renonce vite au combat : laisse-nous, nous en sommes capables, le soin de repousser ce héros. »

37. Ayant ainsi parlé, tous, les armes à la maio, se placèrent devant eux dans la bataille, combattant chacun face à face un adversaire d'une valeur (également) éprouvée.

38. (Du feu) des cimeterres, des cataghnisê, des sabres, des piques, des lances, des armes de toute sorte qu'on brandissait, qui allaient et venaient de part et d'autre, le ciel brilla soudain de viss reflets.

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1.Je prends api comme exprimant simplement la coordination.

· Ce qui me décide, malgré pakshindrendra (cf. senüpatipati de C, 31), à voir dans Mályavat la montagne et non l'asura de ce nom tué par Vishņu, c'est diygatah. S'il était possible de lire ou permis de corriger ni(r)ggatah, il faudrait évideminent traduire : « Et, de son côté, avec toutes ses forces, le héros ennemi expert en héroïsme, se mit en marche pour öter la vie au général, comme (l'asura)

Malyavat (pour tuer) le maître de Garuda.

«La large montagne.
* Ou, en séparant asu-sthityai, «pour
l'arrêt de la vie », c'est-à-dire : « courant à
la mort». L'expression ferait en quelque
sorte antithèse avec prudhāvan.

«Le Temps, c'est-à-dire la Mort.

Qui abat une centaine, » nom d'une arme fantastique. Pour ça qui termine le pāda , le dictionnaire de Saint-Pélersbourg ne connait pas d'exemple dans le sens de çastra; en voici un.

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DU CAMBODGE.

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39. Maints braves capitaines ennemis criblés de blessures s'endormirent dans la mort, les membres souillés des flats d'un sang épais, semblables à des rangées de montagnes.

40. (A la vue du chef ennemi s'avançant vers lui l'arc à la main ?, Sangrāma, habile à parler, l'apostropha d'une voix fière et profonde :

41. Josensé, pervers, il y a longtemps que je te cherche! Commenl, malgré sa folie, serait-il sans crainte, celui qui s'attaque à Indra? 2

42. « Arrête, arrête, grand héros! montre-moi ta valeur. Aussitôt que j'aurai pu m'assurer de ta valeur, je t'enverrai dans la demeure de Yama.»

43. Ainsi interpellé, le fier héros répondit d'un ton hautain : « Cesse de vouloir m'effrayer, ô héros! sous peu tu verras mon héroïsme.

14. «Cette flèche aiguë et virile, qui, lancée (par moi), va te conduire promptement dans la demeure de Yama, essaie-donc, avec de belles paroles 3, de la parer.

45. Ils échangeaient (ainsi) de terribles propos pour s'effrayer l'un l'autre : à l'envi ils faisaient résonner leur arc puissamment bandé pour le combat.

46. Sur son arc resplendissant et courbé (avec force), Kamvau ayant ajusté des flèches, images de ses pensées, (et ayant visé) le général à la mâchoire, le perça.

47. El le général frappé par ses flèches aiguës comme par une pluie de fleurs, n'en fut pas plus ébranlé que ne l'est par les ondées le roi des monts.

48. Promplement, avec trois (flèches) bien empennées, sonores comme le bruissement du trait d'Agni, il perça son ennemi à la fois à la tête, à la nuque et à la poitrine.

49. Déchiré par ces traits aigus, l'ennemi, s'abatlant sur le sol, poussa un
cri terrible, annonçant en quelque sorte la triste nouvelle à ses suivants5.

| Voici qui montre bien, s'il eût élé 3 Ou « lancée (par moi) même en phai-
besoin d'un témoignage à cet égard, que santant», selon qu'on fait relomber l'inci-
l'assertion de la relation chinoise, qui dente cațunā cen sur ce qui suit ou sur ce
refuse aux Cambodgiens l'usage de l'arc qui précède.
(Nouveaux Mélanges asiatiques, I, p. 148), * Si on retient dhrishta', il faut traduire
ne doit s'entendre que de leur cavalerie. « comme par des fleurs insolentes ». Les
Lassen s'y est mépris, Indische Alterthumsk, pluies de fleurs tombant du ciel sont une
IV, p. 406.

des machines de la poétique hindoue. : Ou, en faisant de matto le pronom, L'image porte ici sur la couleur sanglante Comment pourrait-on ne pas me craindre, des blessures. eut-on mème pris refuge auprès d'Indra ? » 5 L'expression joue sur vedanā et siIl est peu probable qu'il faille faire de gnifie à la fois, « annonçant la nouvelle » gantā une deuxième personne.

et « faisant savoir sa douleur ».

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DU CAMBODGE.

50. Le chef ennemi étant allé dans la demeure de Yama avec son armée et les capitaines de son armée, tous les dieux du ciel?, ravis de joie, poussèrent à la fois un cri de victoire.

51. Revenant sur ses pas et arrivé auprès du Çiva érigé sur le Prithuçaila, (le général) s'étant prosterné à terre tout de son long?, fit hommage lui-même 3 (au dieu) de tout ce qu'il possédait.

52. (Il donna) à İçvara une parure de perles, un crachoir* dont le déversoir5 etait formé par une tête de serpent, (le tout) en argent, (du poids) de quinze kattis, avec une aiguière;

53. Une ūrmikā ayant quatre-vingts aňkas sur le pourtouro, en or (éprouvé) à la pierre de touche?, très belle, (du poids) de seize karshas, ornée de divers joyaux;

54. Un palanquin orné à ses deux extrémités de plusieurs têtes de dragon 8, avec un parasol (de plumes) de paon à hampe et à monture d'oro.

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? Les dieux interviennent ici si brusquement, qu'on se demande, surtout en présence de pare, si suräs n'est pas pour çūrās, « tous les héros de l'autre parti ».

· Littéralement, «comme un bâton ».

3 Ici el D 8 et 22, où átmanā est employé de même, je le prends dans le sens de ipse. On pourrait aussi (raduire « de son plein gré»; mais je crois devoir écarter la signification « avec sa propre personne », — Ņétait le voisinage immédiat d'ūtmunā et, au commencement du vers suivant, tatra , qui équivaut à une sorte de ponctuation, j'aimerais mieux rapporter scam au dieu et traduire : «..il donna lui-même en toute propriété (52) à Içvara une parure de perles, » ctc

C'est le sens que les lexiques donnent au mot pratigraha, qui revient souvent dans ces inscriptions. Le crachoir, pour lequel on emploie parfois les mélaux les plus précieux, est un meuble de première nécessité chez un peuple où tout le monde mache du bétel. Il se pourrait toutefois que ce mot cùt ici un sens plus large : étymologiquement il signifie « récipient.

Sens étymologique de nīrada, le seul qui paraisse convenir ici.

Urmikā est expliqué dans les lexiques par « bague», signification qui ne s'accorde guère avec le poids qui lui est assigné ici, 16 karshus , environ 150 grammes, selon l'estimation la plus usuelle. Aucune des acceptions connues de arka et de parimuna ne suggère quelque chose de précis. Outre les significations enregistrées dans les lexiques, ce dernier mot a encore le sens spécial de « mesure de volume, capacité » (Çukranīti, II, 399), qui ne donne rien non plus de satisfaisant. Plusieurs caractères de cette stance sont d'ailleurs de lecture incertaine.

? Si on retient nikāça, il faut traduire, «en similor ».

* Voir la description d'un de ces palanquins, Nouveaux Mélanges asiatiques, I,

p. 143.

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Le substantif parait ètre çalākin, qui désigne un objet pourvu de baguettes, fait de baguettes, en particulier ici la moutnre d'un parasol. Le sens de l'expression entière est mis hors de doute par la mention

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55. (En l'année désignée) par huit, huit et neuf", dans la (quinzaine) noire de Māgha?, le jour (consacré) à Umā?, un dimanche 4, après avoir donné à la mère nommée Lam Van de l'honime nommé Vartvac les biens (suivants) :

56. Une feuille (roulée) en cornet (contenant) cinq paņas d'argento, quatre crachoirs ? en cuivre de treize kattis et des mādhavas (du poids ou de la valeur) de cinq nishkas

DU CAMBODGE.

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1. Le chef des commandants de troupes séjourna là, protégeant la multitude ?, quand, en automne, un jour, on entendit au loin de toute part cette clameur des hommes :

2. • Voici ce fameux (guerrier) du nom de Slvat, de grande force, irrésistible, de grande audace, de grande ruse, incomparablement habile dans le combat à la massue 10,

3. «(Et cet) autre grand guerrier du nom de Siddhikāra, son frère cadet, né de la même mère, (et cet) autre héros appelé Saçãntibhuvana, dont la force est si redoutable dans le combat.

4. Chacun d'eux, fier de sa force, de ses troupes impétueuses, supérieur à

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faile dans les inscriptions Whmers de mā-
yüracchatra, de « parasols de plumes de
paon», par exemple XV, a, 12. Ces pa-

a
rasols sont souvent figurés dans les bas-
reliefs d'Angkor Vat.

C'est-à-dire 988.
Janvier-février.
Douteux.

Ou a un vendredi », ina désignant
aussi bien Vénus que le soleil.

s Ou «à la mère..... les biens de l'homme....... C'est là du pur jargon.

Le pana, qui a du reste varié, comme toutes les quantités de la sorte, est d'ordinaire évalué à 9 grammes. C'est aussi le nom d'une monnaie et d'une mesure de capacité.

? Veda employé ici non plus comme terme symbolique entrant dans l'énoncé d'un nombre, mais comme simple syno

TOME XXVII, 15partie.

nyme de «quatre », est barbare. Nous le
retrouverons employé de mème, D, 16.
Pour « crachoir » conf. la note de st. 52.

* Je ne sais quel sens donner ici à mā-
dhava. Comme substantif, il ne peut si-
gnifier que «des (figures de) Krishņa » ou
« des haricots ». Je n'aperçois pas non plus de
correction plausible. Le nishka , qui, outre
le sens de « collier » désigne une monnaie,
est aussi le nom d'un poids estimé com-
munément à environ 36 grammes. On peut
aussi séparer pañca nishkānç.

• Ou, si on admet la correction proposée en note, « dans la position dont il vient d'être parlé ». Tati, tha, titha sont des mots rares en sanscrit classique ou connus seulement par les lexiques, tandis que sthiti est le terme propre pour la « position » occupée par une armée.

10 Ou « dans les combals d'embuscade ».

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11 HIVECIL NATIONALZ

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