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SANSCRITES

DU CAMBODGE.

Kamvau (lui-même) dans la bataille, un fléau des hommes, semblable d'aspect
à Kali1..

5. Le général en chef ayant entendu cette clameur, plein de compassion,
après avoir habilement assigné leur poste à ses capitaines, se hâta de marcher à
la rencontre de ces (ennemis).

6. Ayant aperçu Slvat entouré de ses troupes et confiant en ses bonnes armes, le fort et alerte Sangrāma, expert dans les jeux du combat, l'apostropha à haute voix avec une grâce enjouée :

7. «Voici un grand prodige, ô héros! Jusqu'ici c'est le lion qui a chassé le daim; mais aujourd'hui c'est le daim qui chasse le lion royal. »

8. Ainsi interpellé par lui devant ses troupes, Slvat prompt à la réplique, joyeux et sans crainte, répondit au général d'une voix assurée :

"

9. Je (suis) un brave daim, qui ne crains pas le lion. J'ai entendu de loin (vanter) la force de ton bras, et c'est pour la voir de mes yeux, que je viens à

vous. »

10. Pendant qu'ils échangeaient entre eux ces propos, Slvat cribla de flèches, de javelots, de traits de toute sorte, le général et son armée.

11. Et, avec d'autres flèches, le (général) lui trancha à la fois la corde de son arc et ses deux bras robustes, (tuant en même temps) Siddhikara et d'autres capitaines.

12. En voyant de loin voler les traits, dont l'éclat brillait comme la flamme, les ennemis, frappés de crainte, soudain s'enfuirent.

13. Les ennemis ayant bien vite, pour sauver leur vie, disparu à l'horizon, le général en chef, au faîte de la gloire, les suivit avec son armée.

14. Étant arrivé aux confins 2 de Praçānvrairmmyat, le général en chef, afin de vaincre les ennemis difficiles à vaincre qui se tenaient là, prit position en ce (lieu) 3.

15. (En l'année désignée) par huit, huit et neuf", une terre fut conférée dans le canton de Praçānvrairmmyat aux individus nommés Tintiḍīmūla et Pushpamūla;

1

La personnification de l'âge de fer, du mal et de la discorde.

2 Ou « district » ? Le mot parait correspondre à pradeçaka de st. 15.

3 Tām ne se rapporte à rien. Il faut le rapporter à bhūmim sous-entendu.

• C'est-à-dire 988. Pour l'interprétation générale de cette stance et de la suivante,

je me décide d'après la construction simi-
laire de C, 13 et aussi d'après la signifi-
cation que le locatif et l'instrumental pa-
raissent avoir ailleurs encore, dans des
phrases analogues. Sans cela, la tentation
serait bien forte de voir dans les objets
énumérés st. 16, le prix d'acquisition de
la terre.

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16. Avec une feuille (roulée en ) cornet (contenant) huit paṇas d'argent, plus quatre crachoirs en cuivre (du poids) de un tula1 (chacun) et soixante grandes pièces d'étoffe.

17. Et deux açramas beaux et riches, remplis d'objets précieux, de riz et de toute sorte de biens (furent établis) là comme deux superbes palais des dieux 2 amenés par lui du ciel sur la terre.

18. A Çambhu çri-Bhadreçvara il fit en personne, avec une dévotion parfaite, hommage de ces deux (acramas), d'un millier de têtes de bétail et de deux cent. vingt serviteurs.

19. Ensuite, ayant vaincu les ennemis qui se tenaient là, et ayant tout fait comme il vient d'être dit, le général plein de confiance, à la tête de son armée, se remit à la poursuite de ces (adversaires).

20. Étant arrivé auprès du (sanctuaire de) Madhava (qui se trouve) à la limite de Jala et d'Amalaka3, après avoir honoré (le dieu) avec une dévotion parfaite, le général, avec sa puissance, s'empara de ces (ennemis) découragés.

21. A Hari il donna quatre offrandes d'honneur, un crachoir en argent, un vase et une paire de clochettes en argent 5 et cinq chaudrons.

22. Ayant fait l'ablution de Madhava avec les offrandes requises, prosterné devant Çauri, il lui fit hommage en personne d'un millier de têtes de bétail et de tous ces (biens).

2

23. Montrant (ainsi) sa libéralité sans égale en ce monde, sa vaillance et aussi

1 Environ 3 kilogr. 500 grammes.

Le vimāna est proprement une habitation volante dans laquelle les dieux et les génies se meuvent à travers l'espace.

Je prends la première partie du composé comme formée de deux noms de lieu, dont le deuxième, Amalaka, nous est déjà connu par XV, A, 2 et 4, et dont le premier, Jala ou Jala, rappelle le Jalangeça de XV, B, 5. C'est au sandhāna, au confin de ces deux localités qu'aurait été situé ce sanctuaire de Madhava, c'est-à-dire de Krishna. Je dois dire pourtant que le sens propre de sandhāna suggère une autre explication: «le Madhava en qui s'unissent Jala et Amalaka » ou qui ne fait qu'un avec Jalāmalaka ». Nous

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sa miséricorde1, il fit charger de liens ces ennemis et les remit au maître de la

terre.

24. Éteignant en quelque sorte (la conflagration de) cette terre du protecteur du monde qu'avait longtemps brûlée l'ennemi, ce feu (dévorant), après avoir recueilli de nouveau le liquide des multiples richesses (du roi) qui s'était répandu à tous les points de l'espace, il remit au maître de la terre (ce qui n'était pourtant que) la solde due à sa parfaite fidélité.

25. Et ce maître des maîtres de la terre voyant son victorieux général prosterné à ses pieds, lui dit, l'âme attendrie par l'émotion : « Modèle des héros, les actions que tu as faites ainsi pour mon bien, sont dignes de toi : elles proclament ton héroïsme ainsi que ton incomparable fidélité envers moi.

26. «Tous ces biens que tu as conquis, daigne les reprendre ainsi que ces miens trésors, ils sont bien à toi. Ce qui fait à jamais mon bonheur, ce sont les preuves éclatantes de ta fidélité, et non de semblables richesses, ô toi dont la force égale celle des Vasus 2. »

27. Et le chef des héros dit au roi : « Si je trouve gràce (devant toi), qui es la grâce même, daigne faire hommage de ce butin à ton moi invisible, à İçvara logé dans un linga d'or 3, et ma fidélité aura aujourd'hui porté son fruit. »

28. A cette réponse du général en chef prosterné devant lui, le maître de la terre, après avoir réfléchi longtemps, dit : « Eh bien, soit! ô chef des grands guerriers. Cette tienne fidélité, éclatante comme le disque de la pleine lune, sera célébrée jusqu'à la fin du yuga.»

29. Et le chef des guerriers, vainqueur de l'ennemi sur le champ de bataille, recevant ainsi du maître de la terre l'assurance d'une fortune glorieuse en ce monde, se prosterna, les mains jointes, (puis) s'étant relevé satisfait des ordres (du roi), brilla (désormais) du plus vif éclat, semblable à Raghu lui-même.

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Quatorze lignes, comprenant sept stances divisées en leur pādas et occupant deux lignes chacune, 1 est une çakkari Vasantatilaka; 2 est une trishtubh Indravajra; 3-6 sont des çlokas anushṭubh; 7 est une jagati Upajāti1.

Prasat Prah Khset, d'où provient l'inscription, est un petit temple au sud-est de Spean Teip2, dans la province siamoise d'Angkor. Je crois reconnaître cette dernière localité dans le groupe de ruines marqué sous le nom de Spean Tüp sur la carte dressée par M. Moura et qui est jointe à son ouvrage sur le Royaume du Cambodge. Le site est placé par lui au nord-ouest d'Angkor, par 13° 45' N. et 101° 8' E. Il ne figure sur aucune des autres cartes que j'ai pu consulter. L'inscription est gravée sur la paroi de droite de la principale tour du temple sur la paroi de gauche est une inscription en langue khmer. Le document est assez bien conservé dans son ensemble. Quelques passages effacés ont pu être restitués, à l'exception toutefois d'une lacune plus grande qui a emporté une partie de la dernière ligne. L'inscription qui se distingue par l'absence de toute formule d'invocation, relate la restauration d'un linga par un certain Samkarsha, fils de Vasudeva, surnommé Dvijendravallabha, et de la sœur du roi Udayarkavarman, sous le règne de ce prince, en l'année 988.

2

1a, b, c Indravamça; d Vamçastha. Ou Spean Trip? Le nom n'est pas bien lisible dans la note de M. Aymonier.

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L'année suivante, le même personnage ajouta au linga une curieuse association d'images, composée de Brahmā, de Vishņu et de Buddha, dans laquelle ce dernier était par conséquent substitué à Çiva. L'ensemble de ces figures, que le texte paraît désigner par l'expression de caturmurti, n'en était pas moins consacré à Çiva. Le linga ainsi restauré par Samkarsha, avait été « donné » autrefois au roi Süryavarman par son ministre Sarāma. Le roi, à son tour, l'avait « donné » à Samkarsha, avec les terres et les gens qui en dépendaient, et il venait d'être « brisé » par Kamvau dans la rébellion dont XVIII nous a donné le récit. Le sacrilège avait-il été accidentel ou commis à dessein? Y avait-il des motifs religieux dans la rébellion de Kamvau que XVIII, C, 21 (l'expression a tout l'air d'être une simple hyperbole) semble accuser de faire la guerre aux dieux? Le texte ne dit rien à cet égard, pas plus qu'il ne nous renseigne sur la nature juridique de ces dons » d'un sanctuaire, de sujet à roi et de roi à sujet.

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L'inscription en langue khmer, qui se trouve sur la paroi de gauche, contient 21 lignes. Elle est en grande partie effacée. On y retrouve les noms de Sarama, de Kamvau, de çri-Suryavarmmadeva, l'expression de madhyadeça, plus les noms de Nirvāṇapada, çri-Viralaka(loka), Rudraloka, Paramarudraloka1.

L'écriture est la même que dans les deux précédentes inscriptions, mais moins soignée et inclinant davantage vers les formes cursives. La seule différence notable concerne le ru, où le signe de l'u au lieu d'être replié verticalement sur la gauche de la consonne, est prolongé horizontalement, sous la ligne. Pour écrire rü (le groupe ne se présente qu'une fois) le lapicide paraît avoir ajouté au bas du ru, non le signe de l'u bref, mais celui de l'u long. Chaque stance est, non seulement suivie, mais aussi précédée du signe marquant la séparation des vers.

1 Pour ces derniers noms ou surnoms,
cf. la liste de M. Bergaigne, p. 72, et ci-
dessus
p. 102, note 1. Au-dessous de

l'inscription on distingue des restes de
trois lignes écrites en caractères plus forts
et d'un type sensiblement différent.

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