nouvelle lune en nouvelle lune, suivant l'usage du sud. Réciproquement, quand la date spécifiée contient quelque donnée accessoire, telle que l'indication d'une éclipse ou, ce qui est le plus fréquent, du jour de la semaine, elle nous permet de déterminer comment les auteurs de l'inscription comptaient leurs années et leurs mois. Sur l'un et l'autre point, l'usage a varié selon les temps et selon les lieux. Pour le compte des années, ces variations n'ont pas pu être réduites jusqu'ici à une loi précise. Pour celui des mois, il y a des raisons de croire que la façon de compter du nord (pūrṇimântagaṇanā), de pleine lune en pleine lune, en faisant commencer le mois avec la quinzaine obscure, est la plus ancienne; mais on s'est peut-être trop hâté de conclure que l'autre façon de compter (amāntagaṇanā), où le mois commence avec la quinzaine claire, n'a été adoptée dans le sud même, qu'à une époque relativement récente, vers le Ix° siècle 1. Ces résultats encore trop sommaires ont besoin d'être précisés, et ils le seront certainement, à mesure qu'on aura plus de données, c'est-à-dire à mesure qu'on prendra soin de convertir les dates, celles du moins qui sont assez détaillées pour être vérifiables, au lieu de simplement les traduire, comme on était réduit à le faire jusqu'ici. Et cette précaution se recommande tout particulièrement pour les inscriptions de la péninsule indo-chinoise, où les dates sont nombreuses et souvent produites avec un véritable luxe de données. Ce qu'on obtiendra ainsi n'aura, pour le présent, que la valeur de simples faits, mais pourra, dans un avenir peut-être prochain, jeter sa part de lumière sur ce double courant qui, tantôt par le nord, tantôt par le sud, paraît avoir porté dans ces contrées les influences hindoues. J'ai donc fait ce calcul de conversion pour celles des dates de ces inscriptions de Campã qui, par leurs données, se prêtent à une vérification, c'est-à-dire pour celles de XXIII, A; XXVI, 1; XXVI, 5, et XXVIII2. De ces quatre dates, sont à retrancher la première et la dernière, comme ne pouvant servir : l'une, parce que le nom du mois reste indécis; l'autre, parce que la donnée déterminante est une éclipse de soleil imaginaire. La deuxième, celle de XXVI, 1, ne fournit pas non INSCRIPTIONS SANSCRITES DE CAMPA. INSCRIPTIONS SANSCRITES plus un résultat absolument digne de confiance, à cause du mot koça, dont la 12 décembre 1889. A. BARTH. XX (416). NHA TRANG. Une seule inscription occupant deux faces, A et B, d'un bloc de Ce bloc porte le nom de Nha Trang, et se trouve dans la province de Khanh Hoa, au milieu des rizières voisines du village de Vo Gan. Les sept dernières lignes de B font suite, une à une, aux sept dernières lignes qui précèdent la dernière dans A, et celle-ci clôt l'inscription. Mais dans la partie supérieure, tandis qu'on voit encore les traces de sept autres lignes dans A, on ne trouve dans B les traces, ou plus exactement la place, que de deux ou trois autres lignes au plus. Il est donc probable que B a perdu un fragment par le haut. Rien n'indique d'ailleurs qu'il n'en soit pas de même de A: les premières lignes présentant à peine quelques traces de caractères isolés, il est impossible de savoir si elles formaient un début. L'objet de l'inscription est une donation « d'argent, d'or, d'objets mobiles et d'objets fixés à demeure, de greniers », faite par un roi, probablement à un temple, ou, selon le style ordinaire des inscriptions, à un dieu, qui devait être mentionné dans la partie fruste. La partie lisible renferme seulement l'adjuration que le donateur adresse aux rois futurs de respecter son œuvre pie, en résumant cette œuvre dans les termes qui viennent d'être reproduits. Son nom est difficile à déterminer exactement. Peut-être même ne se trouvait-il pas dans cette partie de l'inscription, bien qu'on y rencontre deux noms propres précédés de la particule honorifique Çri. Le premier, Çrī-Māra, paraît être celui de l'ancêtre de la race royale, rājakula, à laquelle appartenait l'auteur de l'inscription, et le second, qui commence également INSCRIPTIONS SANSCRITES DE CAMPA. INSCRIPTIONS SANSCRITES DE CAMPA. par Cri-Māra, mais qui peut comprendre une autre partie dont la lecture est incertaine, n'est peut-être encore que le nom de son père: du moins le premier mot lisible ensuite est-il le mot kulanandana « fils », construit à l'instrumental et désignant le donateur. L'inscription, tout entière en prose, au moins dans la partie conservée, diffère par le style et surtout par le tour des inscriptions suivantes à partir du no XXII. Elle diffère plus encore des inscriptions du Cambodge, qui sont toutes en vers, y compris les plus anciennes. Les noms royaux, malgré les doutes qui subsistent sur la lecture complète et l'application du second, ne sont pas moins remarquables. Il est certain tout au moins que le second ne renferme pas plus que le premier une terminaison -varman. Or à partir du no XXI mème, nous ne trouverons plus un seul nom royal sans cette terminaison, exclusivement usitée aussi au Cambodge dès l'époque des plus anciennes inscriptions, comme elle l'a été d'ailleurs dans les îles de la Sonde, et avant tout chez plusieurs dynasties de l'Inde du sud, rois de Vengi, Pallavas, Kadambas, dès le ve ou même le ive siècle. Ce serait déjà une forte raison de croire que notre monument est le plus ancien qui ait été relevé jusqu'ici, non seulement dans l'ancien royaume de Campā, mais dans l'Indo-Chine entière, y compris le Cambodge. Toutefois il en est une plus forte et absolument décisive : c'est la raison paléographique. L'écriture de notre monument dépasse archaïsme, non pas ce qu'il était scientifiquement permis d'attendre, mais ce qu'on pouvait moralement espérer. Comparable, en effet, à beaucoup d'égards, à celle de la célèbre inscription de Rudradāman à Girnar, datée de l'an 72 d'une ère qui paraît être l'ère çaka, ou de l'inscription contemporaine de Satakarni Vasishṭhīputra à Kanheri', elle représente, dans le développement des alphabets de l'Inde méridionale, une période qui semble ne pouvoir être en aucun cas postérieure au e siècle de notre ère. Parmi les caractères isolés, les formes les plus caractéristiques sont celles du t et du n, tous les deux sans boucle, ainsi que le n cérébral dont la forme est d'ailleurs, dans tous les alphabets anciens, dépen- de l'écriture. Mais le trait de ressemblance le plus frappant de cette écriture avec celle des inscriptions de Rudradāman et de Sātakarṇi Vāsishṭhīputra est la forme du y souscrit. Cette forme, identique à celle du y isolé, ne se retrouve à ma connaissance que sur ces deux monuments et dans les rares inscriptions contemporaines1 ou antérieures 2 en sanscrit pur ou mixte. Partout ailleurs le y souscrit a la forme d'une simple boucle plus ou moins allongée et ouverte par le haut. Dans les monuments les plus anciens, tous en präcrit, le cas ne se présentait pas 3. Au nord de l'Inde, les plus anciennes inscriptions en sanscrit mixte, celles 1 L'une de Kanheri, Arch. Surv. W. Ind., V, p. 85, no 27. et Journal of the Bombay Branch, VI, fac-similé n° 37; l'autre de Nasik, Arch. Surv., IV, pl. LIII, n° 12. 'L'inscription de Rishabhadatta à Nasik, Arch. Surv., IV, pl. LIII, no 5; — et l'inscr. de Nagari, Journ. As. Soc. Beng., Cf. aussi p. 194, note 1. A. B. LVI, p. 77. INSCRIPTIONS DE CAMPA. |