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INSCRIPTIONS

SANSCRITES

DE CAMPA.

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sont des miroirs que le sang de Madhu et de Kaiṭabha teint des couleurs du crépuscule.

10. Ces deux dieux sont ici réunis sous une forme unique, et portent ensemble pour cette raison un seul nom, celui du bienheureux Çankara-Nārāyaṇa. Une partie de son corps exquis semble d'or parce qu'elle est couverte de l'or des ornements artistement travaillés.

10-11. Que sa faveur soit acquise au bienheureux, au fortuné Indravarman! Qu'il lui donne toutes les jouissances, toutes les souverainetés, dans ce monde et dans l'autre ! Que ce roi ait toutes les jouissances qu'il désire!

11-14. Le fortuné Indravarman, toujours tout entier à la pensée des œuvres de Parameçvara, pareil au roi des dieux, lui a donné tous les trésors, greniers, esclaves des deux sexes avec un gynécée peuplé de femmes charmantes, des bœufs, des buffles, des fonds de terre et d'autres biens, - des ceintures d'or, des bracelets, des anneaux de pieds, des diadèmes, des pierres précieuses, des perles, des coraux, des colliers et autres ornements, - des vases et des plats d'argent, des éventails, des parasols, des kadava1, des cruches, des chasse-mouches, des assiettes et autres ustensiles, pour obtenir un excès de faveur de la part de celui qui est l'auteur de tous les mondes, et dans une pensée exempte de toute souillure.

I. Le roi, le maître, qui respecte la donation d'un autre roi, doit voir les siennes respectées également par les autres rois sur cette terre.

II. Mais le roi qui viole la donation d'un autre roi doit voir à son tour les siennes violées également par les autres rois sur cette terre.

16-17. Tout d'abord 3 le grenier de Çrī, le grenier de Pavitreçvara, le grenier de Mamauc, les deux greniers de Bhuvanagrapura, un village du pays de Klajadați s'étendant en hauteur et en longueur jusqu'au sommet du mont Cam(?)laip, tous ces biens ont été donnés de bon cœur par le roi au dieu.

18-19. Que tous les hommes de bien, veillant sur tous ces dons pour garder leurs propres mérites, vivent longtemps et aient ensuite le ciel pour demeure

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avec toutes les générations de leur race, aussi longtemps qu'Indra lui-même restera dans le ciel! Qu'ils y soient heureux avec les premiers d'entre les dieux pendant plusieurs centaines de milliers de Kalpas!

19-21. Quant aux méchants qui, sans crainte de l'enfer, déroberaient ou détruiraient ces biens, qu'ils aient tous la vie courte, qu'ils tombent dans l'enfer avec leur race jusqu'à la septième génération, et qu'ils y demeurent tant que dureront le soleil, la lune, les planètes, les astérismes et toutes les constellations.

21-22. Toutes ces paroles sont celles des troupes de purohitas, de personnages ayant droit aux premiers sièges', de brahmanes, de pandits, d'ascètes. Tandis que le vénérable purohita en chef répandait le barnāla dans le feu sacré, qu'il était léché3 et se consumait, alors tous ont prononcé cette imprécation. 22-23. Que ceux qui exécutent ces prescriptions aient une longue vie. Il a été dit :

III. Celui qui rompt la sincérité, l'ingrat, et celui qui dérobe la terre, ces trois criminels ne reviennent pas de l'enfer, tant que durent le soleil et la lune.

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SANSCRITES

DE CAMPĂ.

XXIV (399).

PO NAGAR.

L'inscription est tout entière sur la face antérieure d'une stèle.

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Po Nagar est le nom de la stèle elle-même, qui a été trouvée sous un arbre à 60 mètres environ d'une pagode annamite nommée Hamœu Tauran, sur la rive gauche du Krongbinh, affluent de la rivière de Phanrang. Le même nom reviendra plus loin comme celui d'un monument situé dans la province de Khanh Hoa, où M. Aymonier a trouvé, en même temps qu'un grand nombre d'inscriptions sur des portes de

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SANSCRITES

DE CAMPÅ.

tours, no XXVII-XXXII et XXXIV, une stèle n° XXVI qu'il faut se garder de confondre avec celle-ci.

Notre texte comprend seize lignes et un quart de ligne qui se décomposent ainsi : au commencement, une stance çārdālavikrīḍita et une stance indravajrā (ou upajāti); à la fin, deux çlokas anushṭubh; le milieu est en prose. Dans les stances la séparation des pādas est marquée par un intervalle en blanc. Un signe de ponctuation composé de deux lignes inclinées comme les caractères eux-mêmes indique la fin de chaque stance, et la fin du fragment en prose.

Aucune ligne n'est complètement perdue, mais aucune aussi n'est entièrement conservée. Ce sont les quatre premières lignes de l'inscription, renfermant la stance çārdūlavikrīḍita, et, dans le reste, les fins de lignes qui ont le plus souffert. Les fragments trop frustes, ou même complètement effacés, sont assez étendus pour rendre impossible, sauf dans un petit nombre de cas, une lecture ou une restitution conjecturale. Mais en somme la plus grande partie de l'inscription peut être déchiffrée; le sens général en est clair, et les données essentielles en sont sauves, la date comprise.

Il est vrai que dans la date, exprimée en termes figurés, la valeur d'un de ces termes, koça, peut paraître douteuse. On serait tenté de croire qu'il représente le chiffre 3 par allusion aux koça du védantisme. Mais cette hypothèse semble exclue par une succession de dates exprimées pareillement en termes figurés sanscrits, qu'on lit dans une inscription tchame du monument de Po Nagar (n° 401 de la Bibliothèque nationale). Si ces dates, comme il y a tout lieu de le croire 1, sont rangées dans l'ordre chronologique, le mot koça y représente le chiffre 6. C'est donc cette valeur que je lui attribuerai, au moins pro

1 Voir Journal asiatique, janvier 1888, p. 81, note 6. A priori on aurait le choix entre 3 et 5, car le Vedanta énumère tantôt trois, tantôt cinq koças, et c'est cinq qui est le nombre complet. On verra plus loin que le détail de la date de xxvi, 1, semble exiger pour koça la va

leur 3. Je trouve pourtant koça avec la valeur 6 dans la liste la plus complète que je connaisse de ces expressions numériques, celle qu'a dressée M. Lewis Rice dans ses Mysore Inscriptions, p. xxi. Dans ce cas, koça a probablement le sens de «lexique, compilation littéraire». A. B.

visoirement. D'ailleurs, les doutes, s'il en subsiste, ne porteront que sur un chiffre d'unités. Notre date, ainsi interprétée, sera 776.

En cette année de l'ère çaka (854 A. D.), le roi Vikrāntavarman a fait donation d'un fonds de terre à Çiva, adoré sous le vocable de Vikrantarudreçvara (par abréviation à la stance п, Vikräntarudra), dont la première partie est empruntée à son propre nom. Une autre donation du même roi est mentionnée ensuite. Celle-là est faite à Vikrantadevādhibhaveçvara. Il s'agit apparemment d'un autre temple de Çiva, peut-être voisin du précédent, et où le dieu était adoré sous un vocable différent, mais également accommodé au nom du roi. C'est ainsi que les idoles érigées par Indravarman avaient reçu des noms commençant indra'. C'est un usage dont on suit la trace à travers toute l'histoire ancienne de Campā2.

par

On verra par la comparaison des nos XXVI, B, et XXVIII, que Vikrāntavarman était le neveu de Satyavarman et d'Indravarman, l'auteur de nos nos XXII et XXIII, par sa mère épouse d'un roi Harivarman.

Les seuls détails intéressants à relever dans notre inscription, après le nom du roi, la date et les vocables divins, sont, à la ligne 8, un composé qui fait peut-être allusion à la puissance de Vikrantavarman sur mer, et même au delà de la mer3, et, dans la stance Iv, l'épithète du domaine donné à Çiva : vṛilaḥkirāṭavṛitam. Le mot Kirāța désigne, comme on sait, dans l'Inde un peuple de montagnards. Il forme sans doute ici avec vṛilaḥ un composé appositif, équivalent à une comparaison des vṛilaḥ avec les Kirātas. Le premier mot serait donc l'appellation indigène d'une peuplade habitant les montagnes qui dominent la plaine de Phanrang".

L'écriture est d'une régularité remarquable. Les caractères, penchés

1 Voir ci dessus, p. 208 et 219. - Cf. p. 235, note 9. A. B.

2 Voir Journal asiatique, janvier 1888, p. 65 et 66.

3 Cf. la conjecture présentée plus haut, p. 205, pour une époque plus ancienne.

⚫ Dans la moitié occidentale de la pénin

sule (Arakan, Birmanie, Pegu), un terme
assez semblable, Bīlu, Belu, Vilu, qui si-
gnifie proprement « rakshasa, ogre », sert à
désigner les tribus restées à l'état sauvage.
(Bastian, Die Völker des östlichen Asien,
t. I, p. 23, 73, 135, 207; et Phayre,
History of Burma, p. 27 et 41.)

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DE CAMPA.

1

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en arrière, sont exactement parallèles et soigneusement alignés, par en haut et par en bas. L'ensemble présente une uniformité qui distingue entièrement cette inscription des précédentes. Les lapicides de Campă se montrent désormais à peu près les égaux de ceux du Cambodge pour le fini et l'aspect décoratif de leur travail. Cependant le dernier pada de la dernière stance se trouve rejeté assez gauchement après la ligne 16, et un groupe oublié, tra, du mot ubhayatra a dû ètre ajouté au-dessous de la ligne 15.

Pour garder à toutes les lettres simples une dimension égale en hauteur, on a décidément supprimé la queue du k et renoncé à prolonger le r au-dessous de la ligne. Celui-ci, d'ailleurs, conserve son double trait. Les autres lettres ne présentent pas de changements notables. Les doubles fleurons se réduisent à peu près à deux points ou à une seule ligne légèrement courbe et de peu d'importance. Parmi les caractères nouveaux qui avaient été raccourcis pour prendre les fleurons1, un seul, y, conserve ici cette forme. On remarquera la forme ornementale du groupe ră.

Le b se trouve dans bandha (ligne 9). Le v remplace le b dans lamva (ligne 7).

On trouvera dans la stance II un nouvel exemple de l'optatif pour le prétérit2. La même stance présente un emploi bizarre du mot çrī au nominatif, avec la même valeur, semble-t-il, que le çri en composition devant les noms propres.

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-

Le premier pāda

parait se terminer par jñā dvaya; le

deuxième, par dha(r)mmy(o)ddhamā. Il

n'y a pas d'espace laissé en blanc entre les deux premiers padas de cette stance. A. B.

▲ Ou amā?

5 Restitution probable. Voir la ligne 12

et comparer la stance 11.

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