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NOTICE

SUR

UN REGISTRE DES PROCÈS-VERBAUX

DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE DE PARIS

PENDANT LES ANNÉES 1505-1533.

MANUSCRIT DES ARCHIVES DE LA MAISON DE LA TRÉMOÏLLE,
AUJOURD'HUI À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, No 1782 DU FONDS LATIN
DES NOUVELLES ACQUISITIONS,

PAR

M. LÉOPOLD DELISLE.

Les anciennes archives de l'Université de Paris ont subi les pertes les plus lamentables. Ce qui en subsiste est aujourd'hui dispersé dans beaucoup de dépôts français et étrangers. Il a fallu de prodigieux efforts de patience, d'activité et de sagacité pour rassembler les milliers de documents qui constituent les annales de l'Université pendant le moyen age et dont se compose le recueil, justement célèbre, du R. P. Denifle et de M. Chatelain.

Il n'est donc pas inutile de faire connaitre la découverte d'un important registre des archives de l'Université dont la trace était perdue depuis de longues années. L'honneur de la découverte revient tout entier à M. le duc de La Trémoïlle, qui, en classant le chartrier de sa maison, a mis la main sur un registre contenant les délibérations de la Faculté de théologie pendant le premiers tiers du xvre siècle.

Ce document, où l'on peut suivre jour par jour le mouvement causé à

Paris par la naissance et les premiers développements de la Réforme, pouvait passer pour irrévocablement perdu. Du Boulay ne l'a point connu au XVIIe siècle quand il a composé sa monumentale histoire de l'Université de Paris, et Duplessis d'Argentré déclarait, vers l'année 1731, que le Registre des conclusions de la Faculté de théologie du temps de François Ier n'existait plus. Il le dit positivement en publiant (") le texte d'une conclusion du 4 janvier 1526 (n. st.) d'après une expédition authentique, faute d'avoir le registre de cette année : cum non habeatur registrum hujus anni.

Le registre perdu est celui qui reparaît aujourd'hui à la lumière. Je vais en donner la description, et j'essayerai d'en faire entrevoir l'importance.

C'est un volume en papier, de 269 feuillets, hauts de 275 millimètres et larges de 200. Il a été relié en veau au XVIIe siècle et il porte au dos le titre : Ext[rait] de ce qui s'est passé en Sorb[onne] dep[uis] 1505 jusq[ues] en 1533. Il suffit de jeter les yeux sur le Registre pour constater que ce n'est pas un plumitif rigoureusement tenu au jour le jour. C'est une mise au net, dans laquelle on trouve, copiés d'une seule traite, des morceaux plus ou moins étendus, comprenant une assez longue série de séances. Pour la première partie, il a certainement existé un registre antérieur, dont celui-ci est une transcription fidèle et contemporaine. L'existence d'un exemplaire antérieur est positivement attestée par un passage qui se lit au fol. 120 du manuscrit.

Le procès-verbal de la séance du 1er décembre 1523 renvoie en ces termes à une décision prise le 22 août précédent : « Decretum pro negotio translationum sacre Biblie concluso die XXII mensis Augusti, supra, folio 35. » Or les feuillets de notre manuscrit n'ont été numérotés que de nos jours, et le feuillet actuellement coté 105, au verso duquel se trouve la délibération du 22 août, ne porte aucune trace d'un no 35. Preuve évidente de l'existence d'un registre, d'après lequel a été copié en partie celui que nous passons en revue.

Le Registre contient le procès-verbal des délibérations de la Faculté de théologie depuis le 3 novembre 1505 jusqu'au 25 novembre 1533. Ces délibérations étaient appelées des Conclusions, et le véritable titre du Registre doit être : Regestum conclusionum sacræ Facultatis theologiæ in Universitate Pa

(1) Collectio judiciorum de novis erroribus, t. II, part. 1, p. x.

risiensi. C'est ainsi qu'il est désigné dans un extrait authentique, imprimé en 1529, qui se lit en tète d'un ouvrage de Jérôme de Hangest: Præconiorum sacrosanctæ Christi matris virginis semper gloriosæ Mariæ adversus Antimarianos Propugnaculum(1). Je mets en regard l'un de l'autre le texte de l'approbation tel qu'il se voit au commencement du livre (fol. a vi vo) et le texte de la même approbation consigné au fol. 228 de notre registre :

TEXTE DU PROPUGNACULUM:

Extractum e Regesto Conclusionum sacræ Facultatis theologiæ in Universitate Parisiensi.

Anno Domini millesimo quingentesimo vigesimo nono, die decima quinta mensis julii, congregata per juramentum Facultate, post ejusdem missam, apud Sanctum Maturinum, auditaque trium ejusdem Facultatis magistrorum relatione, qui librum compositum per honorandum virum ejusdem Facultatis doctorem Hieronymum de Hangest, contra eos qui honori virginis Mariæ detrahunt, visitaverunt, post maturam deliberationem, placuit Facultati ut imprimatur et venditioni exponatur.

De mandato domini decani, ex ordinatione Facultatis : JOHANNES TANNEL, primus bidellus et scriba Facultatis theologie.

TEXTE DU REGISTRE :

Die xv mensis julii, anno Domini MDXXIX, congregata Facultate per juramentum apud Sanctum Mathurinum, post missam ejusdem Facultatis, audita relatione trium magistrorum ejusdem Facultatis, qui visitaverunt quemdam librum compositum per honorandum magistrum nostrum Hieronimum de Hangest contra illos qui detrahunt honori virginis Marie, quibus auditis, post maturam deliberationem, placuit Facultati quod imprimatur et venditioni exponatur.

La mème observation peut être faite sur une décision que la Faculté prit le 4 janvier 1526 (n. st.), au sujet d'un écrit de Jacques Merlin, et qui est insérée au fol. 184 vo de notre Registre. Cette décision se retrouve mot pour mot dans l'édition que Du Plessis d'Argentré en a publiée, non point d'après notre Registre, mais d'après un « Extrait du Registre des conclusions de la Faculté de théologie de l'Université de Paris (2)

(1) La souscription finale de ce livre est ainsi conçue: Sub prelo Ascensiano, ad nonas Augusti MDXXIX, ære Joannis Parvi. Volume in-4", dont un exemplaire est à la Bibl. nat.,D. 5855 (2).

».

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Il semble qu'avant l'année 1520 la tenue des procès-verbaux ait laissé à désirer. Le 5 mai de cette année, les docteurs furent amenés à instituer une charge nouvelle, celle de syndic; elle devait être annuelle, mais le premier titulaire, Noël Béda, en resta investi jusqu'en 1533, et il s'en servit de façon à diriger à son gré tous les travaux de la Faculté (1). Or le premier devoir du syndic était de veiller à la tenue de deux registres, l'un consacré aux conclusions, ou, pour parler plus clairement, aux procès-verbaux des assemblées, l'autre aux jugements prononcés sur les questions litigieuses de théologie (2). Le Registre qui nous occupe est celui qui était en usage avant le statut de 1520 et qui a été continué jusqu'en 1533, suivant les prescriptions du statut du 5 mai 1520, sous la haute direction du syndic Noël Béda; il a été écrit presque en entier par un certain Jean Tannel, prêtre normand, originaire du diocèse de Rouen, comme on le voit par la clause finale d'un acte du 2 juin 1516 relatif à treize propositions « mal sonnantes » qui avaient été prèchées à Beauvais, pendant le dernier carème, par le jacobin Claude Cousin (3).

Ce Jean Tannel, d'abord sous-bedeau de la Faculté, fut promu le 18 décembre 1522 aux fonctions de premier ou grand bedeau (1); il exerçait en cette qualité les fonctions de receveur et de secrétaire ou greffier(5). Il a écrit et si

congregata Facultate apud collegium Sorbonæ, proposuit honorandus dominus syndicus Beda et legit quoddam arrestum datum in curia. Parlamenti pro libro Origenis; quo audito, multa dixit honorandus dominus pœnitentiarius Merlin pro sua excusatione. Quo etiam audito, dedit Facultas deputatos, etiam de consensu Merlin et Beda, pro illa materia, videlicet magistros nostros Clerici, de Molendino et Loret.» Du Plessis d'Argentré, Collectio judiciorum, t. II, p. x.

M. Pierre Caron a présenté en 1898 à l'École des chartes une thèse sur Noël Béda, principal du collège de Montaigu, syndic de la Faculté de théologie de Paris. C'est un travail consciencieux, approfondi et intéressant, pour l'achèvement duquel l'auteur trouvera des renseignements précieux dans le Registre qui est ici décrit. Le programme des recherches de

M. Caron occupe les pages 27-34 des Positions des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 1898 pour obtenir le diplôme d'archiviste-paléographe.

(2) S VI des Extraits joints à la présente

notice.

(3) « Presentibus ad hec venerabilibus et discretis viris magistris Johanne Tannel, presbitero subidello dicte Facultatis, Johanne Vlumenscork, librario jurato Parisiensi, et Richardo Le Jeune, clerico, Rothomagensis et Constanciensis diocesum. » Fol. 48 vo.

(4) «Die jovis XVIII mensis decembris anni MDXXII..., audita supplicatione magistri Johannis Tannel, secundi bidelli,... collatum est officium primi et principalis bidelli presato magistro Johanni Tannel. » Fol. 84.

()« Et deinde dicto bidello manebunt in manibus ipsius bidelli tanquam graffarii dicte

gné, au bas du fol. 196 vo(1), une note ajoutée à une décision du 18 septembre 1526, et le 1er juillet 1531 il a fait insérer sur la marge du Registre (fol. 238 vo) un reçu par lequel un religieux de l'ordre des ermites de Saint-Augustin lui donnait décharge d'une somme de 10 livres, dont lui, Jean Tannel, était consignataire c'était le montant d'une amende qu'un autre religieux du mème ordre, Jean Cahors, avait été condamné à payer, le 15 décembre 1530, pour l'insuffisance de son banquet de maitrise (2); il avait été convenu que l'amende devait être affectée, soit à un nouveau docteur de l'ordre des ermites, soit à l'Hôtel-Dieu :

Ego Johanes Le Blon, ordinis Augustinensium, doctor theologus, recepi a magistro Johanne Tannel, majore bidello nostre Facultatis, summam michi datam per socium meum Johannem Cahors, prout ordinavit Facultas in ista conclusione, de qua quidem summa x librarum quitto predictos. Actum anno Domini millesimo quingentesimo xxx1", die prima julii.

J. LE BLOND.

Une particularité qu'on doit remarquer sur le fol. 175 vo achève de démontrer le caractère authentique et original du Registre. Le 3 juillet 1525, un théologien que la Faculté avait censuré, maître Martial Masurier, du diocèse de Limoges, se résigna à faire amende honorable et à payer une somme de 10 écus d'or pour les frais qu'il avait occasionnés à la Faculté. Le procès-ver

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(1)De mandato domini decani, ex ordinatione Facultatis, hec conclusio fuit tradita per me subsignatum honorando magistro nostro Jacobo Merlin, die vicesima sexta mensis septembris, anno predicto millesimo quingentesimo vicesimo sexto:

a TANNEL. » «... Quoniam in convivio sui magisterii non dedit fercula honesta nec sufficientia, propter quod... fuit facta magna querimonia. » Fol. 238. La peine disciplinaire infligée à Jean Cahors fit grand bruit dans l'Université, et le roi témoigna son mécontentement à la Faculté, qui eut à délibérer sur cette affaire dans les assemblées du 9 et du 13 janvier 1531 (n. st.). On trouvera plus loin (p. 395) le procès-verbal de la séance du 9 janvier.

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