UNE

CORRESPONDANCE D'ÉCOLÂTRES

DU XI SIÈCLE,

PUBLIÉE

PAR M. PAUL TANNERY

ET

M. L'ABBÉ CLERVAL.

INTRODUCTION

PAR M. PAUL TANNERY.

SOMMAIRE. Le principal intérêt qu'offre, au moins pour l'histoire des mathématiques, la Correspondance inédite publiée ci-après, et dont on peut fixer la date aux environs de l'an 1025, est qu'elle montre, sans conteste, qu'à cette époque, en fait de connaissances géométriques véritables, les écolâtres ne dépassaient pas le niveau où pouvaient avoir atteint les Grecs avant Pythagore; autrement dit, que Gerbert n'était nullement parvenu, à la fin du Xe siècle, à instituer réellement un enseignement de la géométrie. D'autre part, si on rapproche cette Correspondance d'un ouvrage un peu postérieur, composé vers 1050 par un autre écolâtre de Liège, Francon (1), on peut éclairer d'un nouveau jour les questions, toujours controversées, qui concernent la date et la composition des Géométries attribuées à Boèce et à Gerbert.

(1) Der Traktat Franco's von Lüttich « De quadratura circuli », herausgegeben von D' Winterberg (p. 135-190 des Abhandlungen zur

Geschichte der Mathematik, IV; Leipzig, Teubner, 1882). Je désignerai cette édition sous la rubrique Franco.

L'Introduction qui suit a pour objet d'établir les conclusions qui peuvent ètre formulées sur ces divers points (1). Voici quel en est le cadre : I. Notice des manuscrits utilisés. — II. Ragimbold de Cologne, et III. Radolf de Liège, détails concernant les deux correspondants. IV. Examen des questions débattues entre eux. V. Sur la Géométrie du Ps.-Boèce. VI. Sur la Géométrie dite de Gerbert ». VII. Remarques sur Francon de Liège. VIII. Ce qu'on entendait au xr° siècle par quadrature du cercle.

A. — Le ms. latin 6401 de la Bibliothèque nationale de Paris, avant le texte, écrit au xra siècle, de la Philosophiæ Consolatio de Boèce (fol. 13–86 (2)) et des deux livres De arithmetica du même auteur (fol. 87-159), présente un cahier de douze feuillets de parchemin, qui semblent avoir été primitivement destinés à recevoir la copie des annexes ordinaires du premier des deux ouvrages contenus dans le manuscrit. En effet, le verso du feuillet 5 présente un dessin très soigné, mais inachevé et non mis en couleur, qui devait sans doute servir de frontispice à une Vie de Boèce ; d'autre part, une main du xr siècle a commencé, au folio 1 ro, le petit opuscule sur la Métrique, qui débute comme suit :

Quinque libros philosophica consolationis insignis auctor Boetius xx varietatibus carminum respersit...(3).

Mais le copiste s'est arrêté dès le haut du verso suivant (ligne 5) aux mots « Ita tamen est multarum (*) », et un autre, de la mème époque, laissant seulement un blanc de trois lignes, a inséré une suite de lettres (5) échangées entre

J'ai déjà brièvement indiqué ces conclusions en 1897, dans une communication insérée aux Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et dans un article: La géométrie au xr siècle, de la Revue générale internationale (Paris, Ollendorff, numéro de septembre 1897, p. 343357).

(*) Le feuillet 13 est occupé au verso par une miniature; le feuillet 14 est une garde de

papier; le texte ne commence qu'au fol. 15 ro, sans titre.

(3) Page xxv, 1. 1, de l'édition de la Philosophie Consolatio par Peiper (Leipzig, Teubner, 1871).

(4) Ibid., p. XXVI, 1. 50-51.

(5) Au nombre de six à première vue; mais le rubricateur s'est trompé deux fois; en fait il y a huit lettres, quatre de chacun des deux correspondants.