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dans cet examen. Je comprenais parfaitement tout ce que le mensonge a de coupable, mais quand on m'en fit rechercher la source, je vis aussitôt que jusque-là mon intelligence s'était arrêtée aux dehors de la matière, à ce qu'elle avait de plus facile et de moins instructif. J'ai lieu de croire que les examinateurs exprimèrent sur l'une des quatre questions qui me concernaient une opinion beaucoup plus favorable que n'était la mienne propre au moment où ils rédigeaient leur note.

Je fus presque effrayé en apprenant le rang qu'ils m'avaient donné; car il fallait le justifier à l'École normale où j'allais entrer. Aussi, je me mis immédiatement au travail pour me trouver à même de répondre à l'attente qu'excitait ce classement.

Pour se préparer aux examens d'admission, on peut consulter le Manuel des Aspirants aux brevets de capacité pour l'enseignement primaire, par MM. Lamotte, Meissas et Michelot.

CHAPITRE IV.

L'entrée et le séjour à l'École normale. Les examens de semestre. -L'examen pour l'obtention d'un brevet du degré élémentaire.

Au moment d'entrer à l'École, je compris bien que les deux années que j'y passerais seraient décisives pour mon avenir, et habitué à réfléchir sur ce que j'entreprenais, je tâchai de bien me pénétrer des devoirs que j'avais à y remplir; je me traçai ces quatre règles de conduite, et je priai Dieu de permettre que j'y demeurasse constamment fidèle :

4. D'avoir pour le chef et les sous-maîtres de l'École tout le respect et toute la soumission que j'exigerais un jour de mes élèves ;

2. De me conformer aussi sincèrement que ponctuellement au réglement de la maison, et de le trouver bon quel qu'il fût, afin de m'exercer à l'esprit et à l'habitude de la soumission, et pouvoir un jour exiger l'obéissance à mon tour;

3. D'avoir pour mes camarades de l'École non seulement les meilleurs sentiments, mais encore les meilleurs procédés, et de donner aussi bien que de prendre les meilleurs exemples, afin de concourir à la bonne tenue et au bon esprit de l'École autant qu'il était de mon devoir devant Dieu et devant les hommes; 4. De ne laisser passer aucun cours, aucune leçon, aucune explication, sans me l'approprier aussi

complétement que le permettraient les lumières de mon intelligence.

J'eus souvent des distractions, et je fus quelquefois infidèle à ces résolutions; mais elles demeurèrent les règles de ma conduite. Je m'y rappelai soir et matin, et elles formèrent enfin mes habitudes. Je leur dus ces quatre avantages: la bienveillance entière de mes chefs et de mes camarades, un séjour à l'École tellement heureux que je me le rappelle toujours encore avec le même sentiment de bonheur, des examens honorables, et des cahiers parfaitement tenus auxquels j'ai pu rattacher depuis toutes les études ultérieures que je n'ai cessé de faire.

Je ne parle pas de quelques petites distinctions qui m'échurent, car ces satisfactions données à l'amourpropre n'ont rien ajouté ni à mon bonheur intérieur ni à mon perfectionnement moral: elles auraient au contraire arrêté l'un et troublé l'autre, si je n'y avais veillé avec une inquiétude constante.

Pour le succès à l'École, le plus important de ces résultats, ce furent les bons examens.

Nous fùmes souvent visités, et interrogés presque à chaque visite. Le directeur saisissait toutes les occasions pour nous faire rendre compte de ses cours et des autres. La plupart de nos maîtres commençaient leurs leçons par des interrogations sur les leçons précédentes. Le président et les membres de la commission de surveillance, les inspecteurs des écoles primaires et ceux de l'Académie, le recteur et le préfet eux-mêmes venaient s'assurer du progrès de nos études. Tous les six mois la commission faisait un

examen approfondi, et tous les ans les inspecteurs généraux de l'instruction publique venaient se faire rendre compte de Vétat de nos connaissances dans toutes les branches de l'enseignement.

C'étaient là beaucoup d'examens, mais loin de trouver qu'il y en eût trop, nous sentîmes le besoin de tous les genres d'épreuves et d'excitations, non pour nous tenir en haleine, mais pour nous préparer d'une manière complète à notre pénible carrière. Pour mon compte, je subis tous ces examens avec une grande reconnaissance pour des soins aussi multipliés et aussi laborieux de la part des autorités qui concouraient à notre éducation. Je les subis aussi, je crois, avec un grand profit. J'admirai d'abord et je tâchai bientôt de m'approprier tout ce qu'il y avait de bonté de cœur, de flexibilité d'esprit et de richesse d'instruction dans ces interrogations si nombreuses, si prolongées, et cependant si variées. Si nous eûmes beaucoup d'examinateurs, nous n'en eûmes pas deux qui se répétassent, et quand on apportait à leur manière de questionner une attention complète, on reconnaissait que les mêmes personnes variaient sans cesse l'objet et le tour de leurs investigations. Si j'ai acquis moi-même quelque habitude dans l'art si difficile d'interroger, c'est à cette étude que j'en ai été redevable; et je puis ajouter qu'en comparant sans cesse ce que je voyais j'ai toujours trouvé quelques avantages spéciaux partout.

Tenu en haleine de semestre en semestre, de mois en mois, de jour en jour, je trouvai courtes, presque trop courtes, les deux années que j'eus à passer dans

l'École. Je trouvai les vacances longues. C'était un temps à peu près perdu; je n'y apprenais rien de nouveau, car je me bornais à revoir mes cahiers. Je retournais à l'École avec joie. L'émulation qu'inspirait la vie commune était devenue une jouissance pour mon cœur, et cette émulation embrassait toutes nos obligations, celle de nous servir nousmêmes et de nous charger de tous les soins de propreté, comme celle de prendre part à la direction de l'école d'application annexée à la maison. Je pressentais bien qu'une fois sorti de l'école, je serais pendant plusieurs années à la fois le maître et le serviteur, le titulaire et l'aide; et je désirais me rendre complétement apte à remplir cumulativement toutes ces fonctions.

On connaît le programme du brevet de capacité du degré élémentaire, tel qu'il résulte de la loi de 18551.

Je vis approcher sans crainte l'époque de mon examen pour le brevet de ce degré, car l'enseignement de l'École était plus élevé que ne le demandait le programme. Je répondis comme un élève passable. Mais on nous appelait élèves-maîtres, et je sentais bien que, pour devenir un maître véritable, j'aurais eu besoin d'assister à plus d'exercices pratiques et d'y faire plus de pas par moi-même. Je savais par cœur ce qu'il fallait rigoureusement savoir, mais ce que je possédais ainsi, c'était la science de mes professeurs, ce n'était pas la mienne. Je ne l'avais pas

1 Voir à l'Appendice, no II.

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