Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE IX.

La direction d'une école primaire supérieure. les diverses nuances d'écoles supérieures.

[ocr errors]

Observations sur Écoles industrielles.

Écoles préparatoires. Classes de français. Cours industriels. Ecoles d'adultes.

L'article 10 de la loi, de la grande loi de 4855, porte, qu'outre l'école élémentaire «<les communes chefs-lieux de département et celles dont la population excède six mille âmes devront avoir une école primaire supérieure.

Quelle est l'instruction que doit donner une école primaire supérieure ?

er

La même loi répond dans son article 4o : « L'instruction primaire supérieure comprend nécessairement (en outre des objets de l'enseignement élémentaire) les éléments de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l'arpenpentage, des notions des sciences physiques et de l'histoire naturelle, applicables aux usages de la vie, le chant, les éléments de l'histoire et de la géographie, et surtout de l'histoire et de la géographie de la France. >>

Entre l'enseignement d'une école primaire et celui d'un collége, il y a une différence très grande, il y a une lacune que vient remplir l'instruction primaire supérieure. Aussi la création de ce genre d'écoles

est peut-être le plus grand bienfait de la loi de 1855. Mais plus ce genre d'écoles est indispensable dans certaines localités et facile à établir, comme cela résulte de ce fait, que 105 communes qui n'y étaient pas obligées ont créé des écoles supérieures, et plus elles ont de peine à s'établir dans d'autres localités. Aujourd'hui encore, sur 290 communes que concerne la loi, il n'y en a que 161 qui s'y soient conformées '.

La commune qui m'appela était une de celles que désignait la loi; mais elle était, d'ailleurs, animée d'une telle ardeur pour le progrès de l'enseignement, qu'elle eût fait spontanément ce qu'exigeait d'elle le législateur. Chargé par ses magistrats de présenter un plan d'organisation, je commençai par m'entourer de tous les documents publiés à ce sujet. Je relus l'exposé des motifs de la loi de 1833, la circulaire ministérielle qui la suivit de près, l'ouvrage où M. Cousin fait connaître l'organisation des meilleures écoles de l'Allemagne, et tous les programmes des écoles supérieures déjà établies en France. Je fus frappé des différences que présentaient des établissements désignés sous le même nom; mais le législateur avait prévu ces nuances. Il avait dit, article 1er de la loi de 1855 : « Selon les besoins et les ressources des localités, l'instruction primaire pourra recevoir les développements qui seront jugés convenables. » Il avait donc confié à l'intelligence de chalocalite la mission de se donner tous les perfec

que

Rapport de M. Villemain, ministre de l'instruction publique, du 1er novembre 1841.

tionnements que demanderaient ses intérêts spéciaux. Et il avait bien fait; car il était impossible que toutes les écoles primaires supérieures fussent organisées sur le même type. Il est des localités qui sont hors ligne. Je ne parle pas de Paris, où, à côté et au dessus de toutes les écoles primaires supérieures qui pourront être créées, il faudra toujours une série d'établissements spéciaux, où l'Institut commercial, le Conservatoire des arts et métiers, l'École centrale des arts et des manufactures verront encore surgir auprès d'eux une série d'autres institutions, toutes étrangères à l'enseignement des langues classiques et toutes différentes les unes des autres, ou des écoles consacrées aux professions littéraires. Mais je parle d'abord des villes de Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille, Rouen, Saint-Étienne, Mulhouse, qui demandent une instruction populaire d'un degré supérieur, à la fois spécial et varié. Je parle ensuite des villes de Lille, de Strasbourg, de Nîmes, de Montpellier, de Toulouse, de Rennes, de Versailles, de Châlons, de Troyes, de Dijon, de Grenoble, de Besançon, qui forment encore des catégories hors ligne.

Pour répondre à la confiance qu'on m'accordait, je ne me bornai pas à étudier les documents, je voulus voir les écoles. J'obtins un congé ou plutôt une mission de trois mois pour faire d'utiles visites, et je m'assurai dans cette tournée qu'il y avait encore plus d'espèces d'écoles primaires supérieures que je n'avais pensé. Ici c'était une simple école élémentaire un peu renforcée et rattachée à cette école; là

une classe de français ou de rhétorique un peu affaiblie et rattachée au collége; ailleurs, une sorte d'école industrielle, d'école commerciale ou d'école agricole; plus loin, une espèce d'école préparatoire aux écoles spéciales du gouvernement. En un mot, je ne vis pas deux écoles primaires supérieures qui se ressemblassent, et j'en vis quelques unes que je ne saurais classer dans aucune des catégories que je viens d'énoncer. Je fis mon choix conformément aux besoins de la localité qui m'appelait dans son sein, et je présentai le plan d'une école supérieure véritable.

Nous ne fondâmes pas une simple classe supérieure rattachée à quelque école élémentaire, par la raison qu'il en existait deux, l'une du mode mutuel, l'autre du mode simultané, et que nous devions, non pas faire des conquêtes sur l'une ou l'autre, mais continuer l'œuvre de toutes deux. L'école primaire supérieure de Châlons, qui est indépendante du collége, de l'école des arts, de l'école normale, de l'école des frères de la doctrine chrétienne, de l'école municipale du mode mutuel, et qui n'ajoute au programme légal que la comptabilité commerciale, quoiqu'elle compte dix maîtres, dont deux surveillent les études, fut une de celles qui nous servirent de modèles '.

Nous n'eûmes pas l'ambition de préparer comme elle des sujets pour l'École normale et pour l'École des arts et métiers. Mais, comme elle, nous calculâmes un établissement pour cinquante pensionnaires ou demi-pensionnaires, dont vingt jouiraient des

1 Voir son Programme dans l'Appendice, no V.

bourses ou fractions de bourses de la commune, et cinquante externes, dont la charité d'une association de bienfaisance prendrait une partie à son compte, en ce qui concernerait l'habillement et les livres nécessaires. Un local très spacieux avec un jardin suffisant fut donné par la ville; le pensionnat demeura à ma charge ou à mon bénéfice. La ville, voulant avoir des fonctionnaires et non pas des industriels, me fit un traitement convenable et alloua des indemnités aux maîtres-adjoints. On m'en accorda deux logés avec moi, et dont l'un m'aida pour l'enseignement des notions de sciences, l'autre pour l'enseignement qu'on pourrait appeler littéraire, puisqu'il embrasse, avec la grammaire, l'histoire et la géographie, tous les genres de rédaction nécessaires à la classe des artisans instruits. L'instruction morale et religieuse fut donnée par un jeune ecclésiastique sorti lui-même de la classe des artisans, et qui trouva sublime la mission qu'on lui confiait. Il se logea avec nous, et nous tint lieu de réglement de discipline pour le lever et le coucher des élèves, car ce fut toujours lui qui les mena au dortoir, après leur avoir dit les prières du soir, et les accueillit à leur sortie du lit pour leur dire celles du matin. Dans les programmes que je présentai dès l'origine sur celles des branches de l'enseignement qui en demandaient, tout se borna à l'instruction définie par la loi, et je veillai toujours avec un soin extrême à ce que nous ne nous en écartassions pas pour le plaisir de briller. Dans une école de ce genre, rien ne doit rivaliser avec l'enseignement d'un collége, et je bannis sévèrement toute tendance

« PrécédentContinuer »