Enfin vingt-deux maisons sont affectées aux bureaux de bienfai sance. Je n'entrerai pas dans les détails que le rapport contient relativement à l'administration de ces divers établissemens. Voici seulement quelques détails sur l'Hôtel-Dieu; ils donneront une idée des autres hôpitaux, et je n'aurai plus qu'à rassembler des aperçus et des résultats généraux. L'Hôtel-Dieu, qui est le plus ancien hôpital de Paris, et peut-être de l'Europe, existoit dès le VII. siècle. Cet hôpital fut long-temps le seul où l'on recevoit les malades de tout sexe et de tout âge, les enfanstrouvés, les orphelins, les femmes enceintes, et même les insensés: dans les derniers temps, ils étoient entassés dans des salles mal distribuées, et réunis en un même lit, au nombre de deux ou de quatre, et même de six ; le malade avoit à peine deux toises d'air à respirer, tandis que son besoin en exigeoit au moins douze. Toutes ces circonstances sont prouvées par les mémoires de MM. Tenon et Bailli. Les inconvéniens ont cessé au commencement de ce siècle, par les soins du conseil général des hospices: on a construit de nouvelles salles, qui ont été mieux divisées et mieux aérées; plus de douze cents lits ont été placés dans des intervalles suffisans pour le service et la propreté, et chaque malade a eu le sien. Les améliorations faites à l'un des hôpitaux ont en général été étendues aux autres, puisque c'est le même esprit qui surveille et dirige ces différens établissemens. Le rapport fait connoître les mesures de salubrité prises par le conseil général. Il étoit bien difficile que des malades recouvrassent la santé au milieu des principes de mort qui les environnoient. Dans la belle saison, lorsqu'il y a moins de malades, les salles sont évacuées successivement, afin qu'on puisse les nettoyer et les assainir : l'auteur du rapport propose de laisser des salles de rechange dans les hôpitaux que l'on construira à l'avenir par ce moyen, il seroit facile d'assainir les autres salles dans tous les temps. Il démontre, par des calculs évidens, que, depuis l'époque où des soins plus constans; plus actifs et plus éclairés, ont été accordés aux malades, la mortalité a considérablement diminué. Divers tableaux, qui présentent les détails relatifs à l'âge, au sexe et à l'état des malades, et la comparaison de la mortalité des deux sexes, méritent une attention particulière. On voit en résultat que la mortalité générale a été, dans Les hôpitaux, de 1 sur 7 1/2, et de 1 sur 6 1/2 dans les hospices. Elle a été plus considérable parmi les femmes que parmi les hommes. La durée moyenne du séjour des malades, en ne faisant distinction ni du sexe ni de l'âge, a été d'un mois et dix jours. Remarque importante: là où des salles égales étoient l'une au-dessus de l'autre, la mortalité a été toujours plus grande dans celles du haut. Le conseil général a rappelé, auprès des malades et des indigens, les respectables Sœurs de la Charité et des autres congrégations. Leur présence et leurs soins servent beaucoup à maintenir le bon ordre et les principes religieux. Il seroit difficile de trouver le même zèle, la même sensibilité, le même dévouement, dans d'autres personnes qui ne se seroient pas consacrées au soulagement des malades par les mêmes motifs de religion et de charité. Parmi les établissemens dignes d'attention qu'indique le rapport, on remarquera : Tout ce qui a été fait pour l'Hospice de l'accouchement : en 1814, il y a eu 2700 femmes accouchées; 2400 ont déclaré n'être pas mariées; L'Hospice de l'allaitement ou des Enfans-trouvés : dans les dix années de 1804 à 1814, il a reçu 23,458 garçons et 22,463 filles, total 45,921 enfans; sur ce nombre, 4130 ont été présumés légi times; L'École de l'accouchement: les départemens envoient, chaque année, des élèves à cette école, moyennant une pension de 600 francs; déjà plus de douze cents élèves, depuis l'ouverture de l'école, ont reçu l'instruction nécessaire dans un art aussi intéressant, et l'on peut se flatter qu'il ne sera plus abandonné à une routine dangereuse; Le Bureau de la direction des nourrices: il procure aux habitans de Paris et de ses environs des nourrices auxquelles ils peuvent avoir confiance, soit à raison de la santé, soit à raison des mœurs ; et il assure à ces nourrices le paiement exact de leurs mois. Ce, bureau a fourni environ 58,000 nourrices, durant les dix années. La mortalité des enfans, pendant la première année de leur naissance, a été au-dessous des deux septièmes. Les administrateurs ont cherché à reconnoître les différentes causes de l'aliénation mentale. Leurs observations méritent l'attention des hommes d'état, des médecins et des pères de famille. Parmi les insensés, le nombre des femmes est ordinairement plus considérable que celui des hommes. Chez les plus jeunes femmes, en général, c'est l'amour qui a causé la démence; et chez les autres, c'est la jalousie, les divisions domestiques. Quant aux hommes, c'est, pour les jeunes gens, le trop prompt développement des passions, et, pour les autres, le dérangement des affaires. Les malheurs de la révolution devinrent une autre cause de folie pour les deux sexes. Il est à remarquer que les hommes étoient fous d'aristocratie, et les femmes l'étoient de démocratie. Un profond chagrin avoit causé la démence des hommes, et l'esprit des femmes avoit été égaré par les idées de l'indépendance et de l'égalité. Deux tableaux présentent, dans le plus grand détail, les différentes causes physiques et morales de folie, dans les deux sexes. La dépense moyenne des hôpitaux, pendant la période de dix années, a été d'environ 2 millions 300 mille francs par an. La dépense moyenne des hospices, durant le même espace de temps, a été d'environ 3 millions par an. Plusieurs états spécifient les articles de dépense. Pendant ces dix années, on a traité, dans les hôpitaux, 355 mille malades, ce qui offre un terme moyen de 35 mille 5 cents malades par an; et dans les hospices, il a été reçu 59 mille pauvres, ce qui offre un terme moyen de 5 mille 9 cents par an. On ne sera pas surpris de la différence du nombre de 59 mille personnes reçues dans les hospices, avec celui de 355 mille traitées dans les hôpitaux, si l'on considère que les malades ne sont que passagèrement dans les hôpitaux, et que les indigens entrent dans les hospices pour y demeurer le reste de leurs jours. Dans les hôpitaux, la dépense moyenne pour chaque malade, par jour, a été de i franc 65 centimes; celle du traitement de chaque ma-. lade, de 66 francs 30 centimes, et la dépense moyenne de chaque lit, par an, de 60; francs 56 centimes. Dans les hospices, le prix moyen de la nourriture de chaque indigent, par jour, a été de 50 centimes, et le prix moyen de chaque lit, par an, de 328 francs 71 centimes. Quant aux secours à domicile, divers états présentent le nombre des indigens secourus, de 1804 à 1814, dans les douze arrondissemens, et font connoître leurs diverses professions, les lieux de leur naissance, les causes nombreuses et les différens degrés de leur indigence, ainsi que la nature, la quantité et la durée des secours. En 1804, il y a eu près de 87 mille indigens qui en ont obtenu; 12 mille étoient du département de la Seine; en 1813, le nombre total a été de 103 mille, dont 21 mille du même département. Le nombre de 1813 a été à peu près le terine moyen des dix années. Je suis loin de croire que, par ces simples aperçus, j'aie suffisam ment indiqué combien cet ouvrage est digne de fixer l'attention: if seroit impossible, peut-être, d'offrir une analyse exacte d'un rapport qui n'est lui-même que l'analyse et le rapprochement d'une infinité d'ob-` servations, d'expériences et de résultats. Pour sentir toute l'utilité et tout le mérite de ce travail, il faut lire le rapport en entier, examiner les divers tableaux de tout genre, dont les uns y sont insérés, et les autres y sont attachés ; il faut sans cesse comparer l'état actuel avec l'état ancien, les inconvéniens passés avec les améliorations présentes; calculer avec l'auteur, les besoins, les moyens et les succès; enfin, juger tout ce qui a été projeté, tenté et exécuté durant la période de temps que le rapport embrasse. C'est le seul moyen de se faire une juste idée des vues et des opérations du conseil général des hospices, de reconnoître tout ce que le génie du bien lui inspire, et ce qu'on peut attendre encore d'un zèle constant et éclairé. Et si l'on considère que ce conseil général est composé d'hommes honorablement distingués par leurs fonctions, par leur état, leur caractère et leurs lumières, et qu'ils n'ont jamais dédaigné d'entrer dans les détails les plus minutieux pour assurer l'effet de leurs travaux et de leurs soins, pour agrandir sans cesse et perfectionner l'art de la bienfaisance, peut-on ne pas joindre son hommage à celui de tant d'infortunés dont ils ont adouci les peines et les malheurs ! Ce rapport sera, pour le rédacteur, qui avoit déjà tant d'autres titres à l'estime et à la considération publiques, et pour tous les membres du conseil général des hospices, un monument durable, qui, en attestant leur dévouement, excitera l'émulation de ceux qui leur succéderont. La société devra aux membres actuels une partie du bien qui résultera de l'impulsion qu'ils auront donnée, ainsi que des exemples et des souvenirs qu'ils auront laissés. RAYNOUARD. TRAITÉ DES MALADIES NERVEUSES OU VAPEURS, et particulièrement de l'Hystérie et de l'Hypocondrie; par M. Louyer Villermet, docteur en médecine de la Faculté de Paris; médecin de la 3.o légion de la Garde nationale, médecin du deuxième dispensaire de la Société philantropique, attaché aux tribunaux du département de la Seine, membre de la Société de l'École de médecine et de plusieurs sociétés nationales et étrangères. Il y a des affaires et des maladies que les remèdes aigrissent en certain temps, et la grande habileté consiste à connoitre quand il est dangereux d'en user. Réflexion morale de LA ROCHEFOUCAULT, 296. Deux volumes in-8.o de 787 pages, avec une préface de 16 pages. A Paris, chez Méquignon l'aîné, père, libraire de la faculté de l'École de médecine, 1816. UNE thèse soutenue, il y a quinze ans, à l'École de médecine de Paris, sur l'hypocondrie, par M. Louyer Villermet, et accueillie par les personnes qui ont dû l'examiner, lui a inspiré le desir de développer davantage les lumières qu'il avoit acquises sur ce sujet, d'en rechercher de nouvelles, et d'y appliquer des observations tirées, soit de sa pratique, soit de celle des autres. La manière dont M. Villermet s'exprime dans sa préface, indique un auteur qui sent combien il est difficile d'arriver au point le plus élevé de perfection, en traitant une matière qui, par sa nature, a été souvent un objet d'incertitudes et de discussions. رو cc Quelques soins, dit-il, que nous ayons.donnés à ce travail, nous » ne pouvons nous dissimuler qu'il est encore très-imparfait et bien loin » de répondre à nos voeux; d'offrir sur-tout cette précision qu'exigeront » les médecins, et cette profondeur de vues, cette force de raisonnement » que permet d'espérer l'heureuse impulsion communiquée à la science » médicale. Nous desirons seulement qu'on veuille bien le comparer aux », traités qui ont paru jusqu'à ce jour, sur le même objet; et l'on con» viendra, nous osons nous en flatter, que si nous sommes loin d'avoir » fait le mieux possible, on ne sauroit du moins nous reprocher d'être כל » restés en arrière. >> M. Louyer Villermet ne présente pas un traité complet de tous les désordres compris sous la dénomination de maladies nerveuses, mais il se borne à exposer l'histoire des affections qu'on désigne plus particulièrement sous le nom de vapeurs ou de maux de nerfs; il forme de l'hystérie et de l'hypocondrie deux parties de son ouvrage, donnant bien plus d'étendue à la seconde, parce qu'elle est plus commune et plus répandue que l'autre. Chacune est divisée en chapitres, qui sont des cadres dans lesquels il a renfermé de nombreuses observations. |