Images de page
PDF
ePub

gloire d'avoir, plus particulièrement que beaucoup d'autres, dirigé cette belle science vers les arts et les fabriques: on lui devra en grande partie la démonstration de la possibilité d'extraire, en France, de la betterave, tout le sucre nécessaire à la consommation; avantage bien précieux pour notre patrie.

Suivant une note qui nous a été donnée par M. Delessert, un arpent de terre en betteraves est dans le cas de produire, terme moyen, cinq à six cents livres de sucre brut; une lieue carrée en peut donner deux millions pesant ainsi vingt à trente lieues carrées, consacrées à cette culture, suffiront pour fournir toute la France, et cela sans nuire, et au contraire en augmentant la production du blé et celle du bétail.

TESSIER.

法言國中

(Tchoung Koue yan fa): CLAVIS SINICA, or Elements of chinese grammar, with a preliminary dissertation on the characters and the colloquial medium of the Chinese, and an appendix containing the Ta-hyoh of Confucius, with a translation; by J. Marshman, D. D. Serampore, at the missionpress, 1814. Un vol. gr. in-4.° de plus de 600 pages.

LORSQU'UN ministre, animé d'un véritable zèle pour la gloire littéraire de la France, proposa à Sa Majesté, en 1814, d'étendre à deux idiomes célèbres de l'Asie l'enseignement que le Collège royal offroit déjà pour les autres langues savantes, un de ses motifs fut le desir d'ouvrir à nos compatriotes une route nouvelle dans un genre de littérature qui, jusque-là, avoit semblé réservé à nos voisins, et de ranimer en même temps le goût d'une autre littérature qui, depuis deux cents ans, faisoit, en quelque sorte, partie de notre domaine. Les Français presque seuls avoient cultivé la langue chinoise; mais peu de Français avoient fait de véritables progrès dans le sanskrit. On vouloit faire une pacifique conquête, et conserver, si j'ose ainsi parler, nos anciennes possessions; possessions légitimement acquises par d'honorables travaux, mais que les savans étrangers pouvoient nous enlever, si nous ne redoublions de zèle pour les défendre.

La colonie anglaise que des vues religieuses et commerciales ont conduite sur les bords du. Gange et aux extrémités de l'Asie, semble

s'être proposé de justifier la prévoyance du monarque et celle du ministre. Chaque jour de nouveaux ouvrages, recommandables par leur importance et leur étendue, viennent réveiller notre émulation, en attestant sa laborieuse activité. Les grammaires, les dictionnaires, les traductions des livres orientaux en anglais, et de nos livres saints dans les langues de l'Inde et de la Chine, sortent en foule de ces presses dont la multiplicité, ou même la seule existence dans le pays des Brahmanes, est un des phénomènes de notre temps. Les difficultés typographiques semblent ne pas exister pour les Anglais de l'Inde : vingt corps de caractères avoient été gravés à grands frais; à peine étoient-ils terminés, qu'ils ont été jugés imparfaits, et gravés de nouveau. Il n'y a pas d'année qu'on ne voie publier à Sirampour deux ou trois de ces ouvrages, dont chacun, en Europe, demanderoit dix années et non seulement ceux qui ont fait des différens idiomes de l'Inde l'objet de leurs études, soutiennent dignement la réputation des Jones, des Colebrooke et des Wilkins; mais ceux qui, s'ouvrant une carrière jusque-là peu fréquentée de leurs compatriotes, ont choisi la littérature des Chinois pour sujet de leurs veilles, peuvent dès à présent rivaliser avec les Varo, les Diaz et les Glemona.

Entre ceux-ci, l'on doit distinguer le missionnaire Baptiste, établi depuis vingt-sept ans à Sirampour; M. J. Marshman, auquel on doit une traduction en chinois des Evangiles selon S. Marc et S. Jean, et une édition de la première partie du Lun-iu, l'un des livres moraux de l'école de Confucius, avec une version anglaise. A la tête de ce dernier ouvrage, dans les exemplaires que l'auteur a publiés en 1809, se trouvoit une dissertation grammaticale sur la langue chinoise. Cette dissertation, déjà fort étendue, a depuis été reprise par M. Marshman, qui, en y faisant beaucoup de corrections et d'additions, l'a changée en une véritable grammaire, et l'a fait paroître, il y a deux ans, sous le titre de Clavis sinica. Cet ouvrage, encore très-peu répandu en Europe, m'a paru d'une assez grande importance pour mériter une analyse un peu détaillée : je la diviserai en deux parties, ne pouvant en restreindre l'étendue, sans risquer de la rendre incomplète où inintelligible.

Dans sa préface, M. Marshman rend compte des secours qu'il a trouvés pour ses études. Au commencement, il n'avoit à sa disposition ni grammaire ni dictionnaire; il ne connoissoit pas même les ouvrages de Fourmont mais il fut puissamment secondé par M. Lassar, qui, suivant ce que j'apprends d'ailleurs, est un Arménien établi en Chine, où il a, pendant dix-sept ans, étudié le chinois sous les meilleurs

:

maîtres. M. Marshman saisit toutes les occasions pour témoigner sa reconnoissance à M. Lassar, ainsi qu'à M. Manning, écuyer anglais, qui avoit résidé pendant plusieurs années à Canton pour y apprendre la langue, et au maître chinois de ce dernier, qui avoit fait ses études à Peking, et auquel M. Marshman s'avoue redevable de beaucoup de renseignemens utiles. Ce dernier a, comme on voit, étudié la langue chinoise suivant la méthode des Chinois : c'est sans doute la plus naturelle et la plus sûre; mais ce n'est ni la plus courte ni la plus analytique.

C'est un fait actuellement bien connu, que les Chinois ont deux langues très-différentes, non-seulement sous le rapport de la construction et du style, mais encore sous celui de la grammaire. Chacune de ces deux langues a ses expressions particulières pour rendre les mêmes idées; les mêmes rapports ne sont pas marqués, dans l'une et dans l'autre, par les mêmes particules. L'une, qui ne parle qu'aux yeux, est à peu près inintelligible pour l'oreille; l'autre, qui est faite pour être parlée, ne peut être qu'imparfaitement rendue par l'écriture. On ne sauroit employer celle-ci en écrivant, si ce n'est pour les romans, les comédies et les autres compositions légères. Si l'on vouloit faire usage de l'autre dans la conversation, on se rendroit encore plus ridicule qu'on ne le seroit parmi nous en parlant en vers, ou en transportant dans l'usage ordinaire de la vie les périodes de Bossuet ou de Fénelon. A ces deux langues on doit en ajouter une troisième qui tient, jusqu'à un certain point, le milieu entre elles, mais dont l'emploi est borné aux compositions oratoires. Le système de cette dernière est mixte, et l'on en prend une idée suffisante en étudiant les deux premières : quant à celles-ci, il est indispensable de les séparer dans l'enseignement. L'Arte de la lingua Mandarina et la Grammatica sinica ne font connoître que la langue parlée. Le P. Prémare, dans sa Notitia lingua sinicæ, traite séparément du style des livres et de celui de la conversation, et son ouvrage est réellement composé de deux grammaires.: Les Chinois n'ont besoin d'apprendre que l'idiome antique, qui est pour eux une sorte de langue savante; l'autre est au contraire leur langue maternelle : ils ne l'étudient point; ils f'apprennent en entendant parler. Les règles, d'ailleurs, en sont très-simples, et la seule difficulté qu'elle présente consiste dans la multiplicité des idiotismes.

Maintenant, comment se fait-il qu'on ne trouve, dans l'ouvrage de M. Marshman, aucune trace de cette distinction essentielle', fondamentale! Pourquoi l'auteur n'a-t-il pas soin d'avertir ses lecteurs que sa grammaire, presque uniquement rédigée d'après les plus anciens

[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors]

monumens de la langue, ne peut offrir que les règles d'un idiome savant, d'une véritable langue morte, qui ne s'écrit plus, qui ne se parle point, qui ne s'est peut-être jamais parlée ! C'est sans doute une chose trèsimportante que de bien entendre les livres classiques, et tous ceux qui ont été composés avant l'incendie des livres. Mais cet avantage n'est pas le seul qu'on se propose en étudiant le chinois: on veut aussi lire les livres modernes, dont le style diffère beaucoup de celui de l'antiquité; on veut entendre la langue familière qui n'a point d'analogie avec ce dernier. Il est nécessaire, au moins, qu'un Européen soit prévenu qu'il lui restera quelque chose à faire, quand il entendra les King, pour avoir l'intelligence des ouvrages modernes, et plus encore, s'il veut savoir la langue vulgaire. L'auteur anglais blâme Fourmont de n'avoir jamais cité les livres où il puisoit ses exemples: cela lui eût été fort difficile; car, le plus souvent, ce ne sont pas des livres qui les lui ont fournis; il les a pris dans la langue parlée, pour laquelle il s'étoit procuré de nombreux matériaux. Quant à M. Marshman, je dois convenir qu'il rapporte de temps en temps quelques phrases qui appartiennent à des auteurs de notre siècle, ou au style familier: mais il s'en faut beaucoup qu'elles soient en assez grand nombre pour faire connoître ce dernier, même pour en donner une idée tant soit peu exacte.

On a tant parlé des clefs chinoises en Europe, que ce sujet rebattu y est maintenant connu des personnes mêmes qui n'ont pas, du reste, une notion précise de la nature de l'écriture chinoise. On ne croit plus, comme l'avoit enseigné Fourmont, qu'un certain nombre de signes, imaginés par les inventeurs de l'écriture, aient été réunis, d'après des règles constantes et raisonnées, pour former tous les caractères. On a senti qu'une marche si régulière n'étoit pas celle que suivoient les inventions humaines; et les nouvelles données qu'on a tirées des livres chinois eux-mêmes, ne nous font plus voir dans les clefs que le résultat d'une analyse faite dans des temps bien postérieurs à l'invention des carac2 tères, et d'une manière variable, suivant les différens auteurs qui l'ont exécutée. Le petit nombre de secours littéraires dont M. Marshman a pu s'aider, est sans doute ce qui la: déterminé à présenter les deux cent quatorze clefs comme étant les élémens des caractères, et le système qui en résulte, comme la base unique de toute l'écriture chinoise.

On doit vraisemblablement attribuer à la même cause les doutes que M. Marshman témoigne sur la véritable nature des premiers élémens de l'écriture: il a peine à y voir une imitation des formes des objets matériels, et il cite quatre signes, ceux qui désignent la tête;

la main, le cœur et la bouche, dans lesquels, suivant lui, on ne voit pas même une représentation éloignée des parties dont ils rappellent l'idée. Mais on sait qu'en effet, dans l'écriture moderne, la ressemblance que les images pouvoient avoir avec les objets figurés, a complètement disparu. C'est dans l'écriture antique nommée Tchouan, qu'il faut chercher cette ressemblance; et trois des mots cités par M. Marshman, si l'on examine leur forme primitive, se trouveront être des dessins grossiers, mais pourtant reconnoissables, d'une bouche, d'un cœur, d'une main.

Ces caractères figuratifs, que les Chinois nomment images, forment la première des six classes auxquelles peuvent se rapporter tous les caractères. En parlant de ces six classes, l'auteur anglais, qui n'a pu consulter la judicieuse exposition qu'en ont donnée nos missionnaires dans différens ouvrages, a laissé échapper quelques inexactitudes pro venant, à ce qu'il paroît, de la difficulté qu'il trouvoit à s'entendre avec ses maîtres. Ainsi, par exemple, il rend par les mots feint ou fabriqué le nom de kia-tsie que les Chinois donnent aux caractères pris dans un sens métaphorique : kia-tsie signifie emprunté. Il ne définit pas d'une manière satisfaisante les caractères indicatifs, qui, suivant les grame mairiens, sont destinés à représenter ce qui n'a pas de forme. En rapportant des exemples de cette espèce de signes, il analyse d'une manière un peu hasardée les mots chang et hia [supérieur et inférieur], mots qui ne se composent pas, comme il l'imagine, de la figure d'un homme placée tantôt au-dessus et tantôt au-dessous d'une ligne horizontale, mais d'un simple point dont le changement de position indique ou la supériorité ou l'infériorité, de cette manière,. Enfin il présente la nombreuse classe des caractères où le son est écrit à côté de l'image, sous un jour absolument faux. Il pense que le mot kiang, qui signifie grand fleuve, où l'on voit l'image d'eau, jointe au signe de la syllabe koung, n'est formé de cette manière que pour exprimer par le son kiang le bruit que fait l'eau en roulant avec violence; que le mot ho [rivière], où l'on trouve la même image d'eau, jointe à un groupe qui se lit kho, rend par cette composition le son d'une rivière dans son cours. En un mot, il fait, de cette espèce de caractère, des onomatopées, et c'est évidemment s'en former une idée erronée. On a voulu représenter dans l'écriture les mots préexistans de la langue parlée, kiang, ho; et pour cela, on a pris des élémens dont la prononciation étoit déjà fixée, koung, kho, et on y a joint une image qui détermine le sens: mais on n'a jamais songé à rendre par-là un son ou un bruit quelconque. Ce que l'auteur ajoute, que la classe en question, jointe à une

« PrécédentContinuer »