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de concert avec un roi constitutionnel, dénonça un écrit intitulé: Manifeste du prince de Condé. Cet écrit était alarmant; Barnave demanda si le comité des recherches en avait connaissance, et les éclaircissemens donnés à ce sujet parurent motiver la haine du peuple contre les ennemis de sa liberté. C'est dans cette discussion qu'en parlant des princes, Barnave employa pour la première fois le nom de Capet au lieu de celui de Bourbon, et que Mirabeau se servit de l'expression de Bourbon dit Condé, en ajoutant que, d'après l'abolition des titres, Condé n'était plus qu'un nom de guerre. A la suite de longs débats, on refusa à l'empereur le passage de ses troupes sur notre territoire, et tous les biens de la maison Bourbon-Condé furent séquestrés.

LIVRE ONZIÈME.

LA GUERRE CIVILE.

Malouet accuse Camille Desmoulins.

Intrigues du fanatisme.

Deuxième protestation du côté droit. Nouveau portrait de Ca

lonne. Troubles de Lyon. Insurrection à Marseille. Perpignan.

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Complot de Bonne-Savardin. Emeute à Valence. A Lille. Guerres religieuse et politique à Montauban ei à Nismes. - Motifs qui les suscitèrent. Mission de Froment. Fédération du Vivarois. Camp de Jalès. Il est dissous. Nouveau portrait de d'Entraigues. — Château de Bannes. Révolle des Avignonais. Meurtre des marquis d'Aulan, de Rochegude et de l'abbé Auffroi, etc.-Rovère et Duprat sollicitent la réunion du Comtat à la France. Conduite de Bouche, député d'Aix. - Intrigues de Mainvielle, Tournal et Agricol Moureau. - Mirabeau vent le licenciement de l'armée.- Révolte de Nancy. - Portrait de Bouillé. Joie des royalistes. Douleur des jacobins. · Haine contre les - Honneurs rendus au dévouement du jeune Desilles.

ministres.

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Peu de jours après la fédération, lorsqu'un grand acte d'union venait d'être conclu entre le monarque et son peuple, les clubs reprirent le cours de leurs motions sanguinaires. De nouveaux attroupemens se formèrent aux Tuileries et au Palais-Royal. On voulait le renvoi des ministres, leur détention, et on finissait toujours par demander leur tête. La reine et sa famille furent inscrites sur des listes de proscription. Malouet, dont le noble caractère lui avait fait adopter la dangereuse mission de combattre l'anarchie, redoubla de courage dans une circon

stance où les factieux cherchaient par des écrits infâmes à mettre en mouvement la population parisienne. Indigné de l'impunité de ces attentats, il monte à la tribune dans une séance du soir (31 juillet); mais les chefs du parti dont il venait dévoiler les trames, refusèrent de l'entendre. Sa constance inébranlable l'emporta sur leurs clameurs, et il obtint enfin la parole.

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« Vous demandez l'ordre du jour, dit avec dignité << cet excellent citoyen, eh bien! l'ordre du jour le plus << pressant, c'est de prévenir de grands crimes; c'est << d'en connaître les causes et les auteurs. Sans doute « vous frémiriez si vous aviez la certitude qu'en <«< cet instant plusieurs scélérats travaillent à faire << emprisonner le roi et la reine, au moment même « où tous les deux viennent de recevoir dans une « fête mémorable, de toutes les parties de l'empire, << des témoignages d'estime et d'amour. Messieurs, <«< c'est sous vos yeux, c'est à votre porte que ces «< projets atroces se développent, que des instrumens << sanguinaires se distribuent, qu'on appelle le peuple << aux armes, qu'on l'excite à tous les forfaits : c'est << le renversement des lois que je viens dénoncer, « c'est la liberté qui périt, et la constitution avec « elle, si de tels attentats restent impunis. Voici le << libelle que je vous dénonce, il est signé Marat... A ces mots, des éclats de rire partent du côté gauche de l'Assemblée; car le délire de ce scélérat était

'Moniteur du 2 août 1790, p. 883, col. 1 et 2.

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tel que la majorité des députés ne voulait jamais croire au danger de sa criminelle exaltation. Les insensés! ils se bornaient alors à qualifier de fou celui qu'une affreuse corruption les força bientôt après à regarder comme un dieu.

Malouet s'éleva aussi avec véhémence contre les écrits perfides dans lesquels Camille Desmoulins s'efforçait d'égarer le peuple, et se jouait de sa crédulité pour l'exciter à s'insurger et à renverser la constitution. L'orateur voulait qu'on enjoignît au Châtelet de poursuivre les auteurs de ces libelles dont l'audace était intolérable. Son projet fut adopté; mais, pendant que l'Assemblée délibérait sur cette affaire, les jacobins, unis aux cordeliers, loin d'être intimidés des accusations lancées contre eux, firent célébrer un service solennel à la mémoire des patriotes morts à la prise de la Bastille. Marat, Camille Desmoulins, Carra, Gorsas, Brissot, Garat le jeune, Loustalot et autres journalistes populaires obtinrent les honneurs de la fête; ils bravèrent le corps législatif en se moquant de sa censure. L'atroce Marat osa même lui envoyer un plan de législation criminelle, et l'on permit à Camille de venir à la barre se plaindre de son dénonciateur.

Ce jeune énergumène, après avoir signalé les services que lui avait rendus son ami Robespierre, récusa le Châtelet, sous prétexte que, depuis plus de six mois, il dénonçait ce tribunal comme cou

Moniteur du 4 août 1790, p. 889, col. 5.

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pable de lèse-nation. Malouet, indigné d'un pareil excès d'audace, se récrie sur l'indulgence de l'Assemblée.... « Si de tels hommes trouvent ici des dé« fenseurs, ajouta-t-il, que ces défenseurs se lèvent; je les dénonce eux-mêmes.... Puisque Camille veut « que je lise son journal, je vais le lire, osera-t-il le justifier? » — « Oui, je l'ose' », cria Camille du haut des tribunes où il avait été se placer en quittant la barre. Ce manque de convenance souleva l'Assemblée, et força le président d'ordonner l'arrestation de Camille Desmoulins; mais Robespierre, après l'avoir excusé, annonça qu'il s'était évadé, et cette affaire n'eut pour lui d'autre suite que d'accroître sa popularité.

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Pétion, qui par esprit de parti employait tous ses efforts pour gagner la faveur populaire, combattit Malouet. << Il ne faut pas se persuader, dit-il, qu'une << révolution soit un état de calme; il est louable <<< dans l'insurrection générale d'un grand peuple << de favoriser son enthousiasme, et vous feriez aujourd'hui poursuivre comme criminels ces mêmes «< individus à qui vous devez le salut de la France? « Vous ne pouvez, d'ailleurs, faire exécuter le dé« cret qu'après avoir défini le crime de lèse-nation. » Sur la motion de Camus, on décida que tous les écrits qui avaient paru jusqu'à ce jour sur les affaires publiques, sauf celui de Marat, ne seraient pas poursuivis en justice. Peu de jours après, Marat pu

1 Moniteur du 4 août 1790, p. 889, col. 3.

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