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ces scandales. Quelques directeurs couraient, les dangers de l'échafaud. Dans ces circonstances orageuses parut Bonaparte qui semblait destiné par le ciel à rétablir la monarchie en France, où jusque-là la république n'avait fait que les plus grands maux. Aussi cette histoire de la Convention nationale suffira pour convaincre les plus ardens républicains à qui il reste une ombre de bon sens des avantages de la monarchie et de sa nécessité en France de même que dans le ci-devant tiers-état, il ne peut y avoir personne qui ne bénisse le ciel de ce que les droits de ce troisième ordre, méconnus ou méprisés jusqu'à la révolution, aient été sagement rétablis par l'Assemblée constituante, par cette première Assemblée qui a fondé le règne de la loi et de l'égalité de tous les Français devant elle.

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La suppression du régime féodal est encore un des grands bienfaits de la première Assemblée constituante, tant décriée par les privilégiés, parce qu'elle leur a porté les premiers coups.

Pourquoi faut-il que les assemblées qui l'ont suivie aient abusé de ses principes, jusqu'à fournir un prétexte aux ennemis de la révolution, pour faire porter la peine ou la honte de leurs propres torts à ceux dont ils n'avaient qu'à suivre les traces pour conserver et partager leur gloire, en faisant triompher la première constitution de tous les obstacles?

Je ne dis rien de la forme de cet ouvrage, de

la simplicité que j'ai mise dans le style comme dans les récits. On pardonne à un historien de n'être pas élégant, quand il est clair et vrai, et c'est de quoi je pourrais peut-être me faire un mérite par l'ordre que j'ai mis dans une suite de matières très-confuses et que je suis le premier à éclaircir. J'avertis toutefois mon lecteur que je n'ai raconté que ce qui s'est passé dans le sein de la Convention et au-dehors relativement à ses actes et à ses décrets sur l'administration de la république. Quelqu'autre fera l'histoire de ses guerres extérieures et de ses victoires.

Au reste comme, dans certains événemens de la guerre, peu favorables au sort de nos armes, les anciens royalistes ont témoigné le désir de voir rétablir en France l'ancien régime, il est bon de leur apprendre que les grands résultats de la révolution, fondés sur la justice en faveur du tiers - état, sont sans retour. Mettant les choses au pis, et supposant, ce qui est dans les choses possibles, un changement dans l'esprit et la forme de notre gouvernement, on ne parviendrait jamais à remettre le peuple français sous le joug des seigneurs, ni les bourgeois sous le joug de la noblesse. La révolution est à cet égard faite depuis long-temps. Les Français ne sont plus, depuis un siècle, ce qu'ils étaient dans les temps précédens. Aussi a-t-on vu, dans l'attitude et le caractère des états-généraux en 1789, ce qu'on ne vit pas dans les états de 1614. Cette grande révolution, que la résistance opiniâtre des

uns et la maladresse des autres, dans les assemblées de 1792 et 1793, ont rendue si odieuse, s'est opérée dans le principe comme d'elle-même par la seule impulsion des lumières nouvelles. Elle a eu des causes prochaines et des causes éloignées. Nous réduirons, pour le moment, les premières à une seule, à la pénurie des finances qui détermina la crise. Le parlement de Paris refusa d'enregistrer les édits du timbre et de la subvention territoriale, et renvoya, pour ces impôts comme pour toutes les autres charges publiques, le roi Louis XVI aux états-généraux, sans prévoir, sans même soupçonner, par un aveuglement bien extraordinaire, que le troisième ordre attendait là les deux autres pour s'en faire bonne justice. Le parlement était, à cet égard, si aveuglé, qu'il comptait sur le même crédit qu'il avait obtenu dans les états-généraux de 1614.

Je mets dans les causes éloignées la double découverte de l'imprimerie et du Nouveau Monde arrivée à peu près dans le même temps sur la fin du quinzième siècle. L'une a répandu les lumières et l'autre les richesses; ce qui a produit peu à peu un grand changement dans nos mœurs. Par suite de ce changement, les lois, les distinctions, les priviléges exclusifs, et tous ces abus que nos pères ont supportés, dans leur ignorance et leur misère, n'ont paru à leurs descendans, dans un siècle plus éclairé et moins pauvre, que de grandes injustices.

Enfin la dernière révolution, amenée par la précédente, n'a été, par l'orgueil des privilégiés, que la guerre honteuse de l'intérêt particulier contre l'intérêt général, qui a prévalu. Les droits naturels, imprescriptibles et comme sacrés d'une nation nombreuse et civilisée, l'ont emporté sur des avantages personnels acquis, par la force, d'une classe d'hommes que rien de juste n'avait mis au-dessus des autres. Si nous sommes redevables de ces grandes et belles victoires à la philosophie, comme il faut l'avouer, nous aurons su prendre d'elle ce qu'elle avait de bon à cet égard, sans cesser de la condamner dans tout ce qu'elle a osé de plus que la constitution de 1791, contre les trônes et les autels.

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