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moi, et en frais et réparations et ports de lettres; et gardez-moi encore une autre somme dans quelque temps; car je vous jure, Monsieur d'Herigoyen, que si je ne recevois ce soulagement par vos soins, je serois cette année dans le dernier embarras.

n'aurez

Voilà toutes mes volontés, et je pense que vous n' plus qu'à les exécuter. Il vous viendra peut-être des ventes cette année, qui vous consoleront de tout, et vous feront riche. N'allez point à Vannes que je ne sache, afin d'écrire à mon ami M. de la Lonnelaye, qui vous rendra des services considérables. Vous ne m'avez point dit si M. de Mauron2 avoit reçu ma lettre honnêtement. Mandez-moi si vous établissez votre ménage au Buron, et à qui j'écrirai en votre absence.

continuez

Adieu, mon cher Monsieur d'Herigoyen vos soins et votre vigilance, dont M. Revol et M. de Trévaly m'ont tant dit de bien, et dont j'espère sentir les bons effets. Je n'ai point votre bail. Songez à ma lettre de change de deux mille six cents francs' le plus tôt que vous pourrez, et faites toutes les poursuites et réparations que vous jugerez à propos : vous serez avoué de tout.

M. DE RABUTIN CHANTAL.

Suscription: Pour Monsieur d'Herigoyen.

2. Sans doute le beau-père de Charles de Sévigné : voyez tome VII, p. 246, note 1.

ft

3. Dans cette lettre, Mme de Sévigné, selon son habitude, a écrit les sommes, tantôt en chiffres, avec le signe ; tantôt en toutes lettres, les unes avec le mot francs, les autres avec le mot livres.

1012.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE

DE BUSSY RABUTIN.

Un mois après que j'eus écrit cette lettre à Mme de Sévigné (no 1009, p. 9), j'en reçus cette réponse.

A Paris, ce 14 février 1687.

Jouissons donc du plaisir de n'être plus embarrassés dans les enchantements. Il ne me faut pas louer d'être entrée d'abord dans cette pensée; car il est certain que de mon côté j'en sentois les effets. Mais, mon cher cousin, que prétendez-vous de moi aujourd'hui? Vous n'aurez que des morts. J'en ai l'imagination si remplie, que je ne saurois parler d'autre chose.

Je vous dirai donc la mort du maréchal de Créquy1 en quatre jours, combien il a trouvé sa destinée courte, et combien il étoit en colère contre cette mort barbare, qui, sans considérer ses projets et ses affaires, venoit ainsi déranger ses escabelles2 : on ne l'a jamais reçue avec tant

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LETTRE 1012. 1. Dont il a été souvent question dans la Correspondance, le gendre de Mme du Plessis Bellière (voyez tome III, p. 44, note 7), lieutenant général en 1655, général des galères en 1661, maréchal en 1668. « Le maréchal de Créquy, tout brillant de ses qualités militaires, donnoit et recevoit un grand lustre de son frère (son frère ainé, le duc : voyez tome VII, p. 268, note 9). Son attachement à Foucquet, dont il avoit tiré parti, le pensa perdre, l'éloigna un temps, et lui coûta la charge de général des galères que Foucquet lui avoit payée. Sa probité fut plus suspecte que sa valeur et ses talents. » (Saint-Simon, au Journal de Dangeau, tome II, p. 24, et à la fin d'une longue ncte sur les Créquy.) — Le maréchal mourut le 4 février 1687, et le duc le 13 du même mois. Le duc, dangereusement malade depuis un an, et apprenant, le 31 janvier, que le maréchal s'était trouvé très-mal, lui écrivit : « Qu'ils avoient grand tort tous deux de brûler la chandelle par les deux bouts. » Voyez le Journal de Dangeau, au 31 janvier 1687.

2. « On dit figurément et familièrement : Déranger les escabelles à quelqu'un, pour dire : Rompre toutes ses mesures, mettre du désordre

MME DE SÉVIGNÉ. VIII

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de chagrin que lui; cependant il a fallu se soumettre à ses lois. Il a reçu ses sacrements, mais avec moins d'édification que ce grand prince, qui avoit rempli avec une tranquillité admirable tous les devoirs de chrétien, de bon sujet, de bon maître et de bon père de famille. Le maréchal de Créquy n'a pas été de même, pas en toutes manières :

Différents en leurs fins comme en leur procédé3.

Neuf jours après, son frère aîné, le duc de Créquy, l'a suivi. Ce fut hier matin, après une longue maladie; et trois heures après, le duc de Gêvres a eu son gouvernement de Paris. Il est en année, il a dit le premier cette nouvelle au Roi, et il a obtenu le premier ce beau présent*. Je viens de lire de mes yeux dans l'Almanach de Milan': Le même jour, 13o de ce mois, dans un tel signe,

dans ses affaires. On dit proverbialement : Remuer les escabelles, pour dire : Déménager; et figurément : Changer d'état, de fortune, de situation.» (Dictionnaire de Trévoux.)

3. Ce vers se trouve dans les premières éditions de Cinna (16431656), acte II, scène 1:

Sylla s'en est démis, mon père l'a gardé,

Différents en leur fin (au singulier) comme en leur procédé :
L'un, cruel et barbare, est mort, etc.

Voyez les variantes du Corneille de M. Marty-Laveaux, tome III,
p. 402 et 403.

4. Sur le duc de Gêvres, voyez tome II, p. 107, note 17. « Cette nuit, à trois heures, le duc de Créquy est mort à Paris ; le duc de Gèvres, gentilhomme de la chambre en année, en ouvrant le rideau du Roi, lui en apprit la nouvelle, et lui a demandé le gouvernement de Paris, que Sa Majesté lui a donné en se levant. » (Journal de Dangeau, 13 février 1687.)

5. La Bibliothèque impériale possède deux volumes de cet almanach; voici le titre de l'un d'eux : Almanach de Milan ou le pécheur fidèle. Observations sur l'année de la création du monde, 5627; de l'incarnation, 1678; de la correction grégorienne, 96; du règne de Louis le Grand, 36. Traduit de l'italien en françois. Présenté à la Reine. Paris, J. Ribou, 1678, in-12.

un grand gouvernement sera rempli, un frère ne pleurera pas la mort de l'autre. Vous m'avouerez que cette justesse est plaisante. Voilà cette maison de Créquy bien abattue, et de grandes dignités sorties en peu de jours de cette famille.

6

Le duc d'Estrées est mort à Rome; et le jour qu'on en reçut la nouvelle à Paris, la duchesse d'Estrées, sa belle-mère, votre cousine, mourut aussi du reste de son apoplexie. Le chanoine' est inconsolable; et je crois que M. de Montataire lui doit donner, par générosité, quelque légère pension, et la laisser pleurer et mourir en paix.

Vous voyez bien, mes pauvres enfants, que rien n'est si triste que cette lettre : si j'en écrivois souvent de pareilles, il vaudroit mieux être encore enchantés. Votre belle et bonne humeur, et cette gaieté si nécessaire et si salutaire n'y pourroient pas résister. Parlons d'un autre temps. J'ai trouvé sous ma main par hasard Moréri : j'ai

6. François-Annibal, duc d'Estrées, ambassadeur extraordinaire de France à Rome depuis quinze ans, mourut d'apoplexie, dans cette ville, le 30 janvier 1687; et Gabrielle de Longueval Manicamp, maréchale d'Estrées, sa belle-mère, mourut à Paris, de la même maladie, le 11 février suivant.

7. On a vu souvent (voyez tome III, p. 32, note 6) qu'on appelait ainsi Françoise de Longueval, chanoinesse de Remiremont, sœur de la maréchale d'Estrées. La comtesse de Bussy, aidée de sa fille Mme de Montataire, soutenait un procès considérable contre la famille de Longueval Manicamp (voyez la lettre du 8 juillet 1680, tome VI, p. 517, et note 7). Cette dernière maison était tellement ruinée, ainsi que Bussy le dit dans la lettre précitée, que le Roi donnait de temps en temps des secours à la duchesse d'Estrées, pour l'aider à subsister. Voyez le Journal de Dangeau, au 11 février 1687.

8. Louis-Moréri, aumônier de l'évêque d'Apt, né à Bargemont en Provence, mort à Paris, en 1680, à l'âge de trente-sept ans, avait publié en 1674 la première édition de son Grand Dictionnaire historique, à Lyon, en un volume in-folio. La seconde, préparée par lui, parut en 1681, en deux volumes; elle a en tête une dédicace à

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cherché nos Rabutins; je les ai trouvés fort bons et fort
anciens. Ce Mayeul vivoit en mil cent quarante-sept', il
y a plus de cinq cents ans : cette source est belle. Mais
j'ai trouvé que ce seigneur de Montagu, que j'ai tou-
jours cru prince du sang de nos ducs de Bourgogne, n'a
pour titre
que chevalier de la Toison d'or et chambellan
du duc; expliquez-moi cela, mon cousin 1o

Je consens avec le Roi qu'Alonne soit devenu la comté de Toulongeon. Je voudrois ajouter au bonheur de ce ménage des enfants de toutes les façons. Je l'ai dit à mon grand cousin ; il falloit pour cela amener sa femme à Paris. Mais après tout, si la Providence le veut ainsi, ma nièce de Coligny leur tiendra lieu de tout, et soutiendra dignement la grandeur de cette succession avec ce petit d'Andelot 11. Ne devient-il pas grand, et n'est-il pas toujours bien joli?

La belle Madelonne reçoit toutes vos amitiés avec une joie et avec une reconnoissance plus qu'à demi rabutine. On donnoit hier au maréchal de Lorges le gouverne

Louis XIV, signée de Parère (Parayre), premier commis de Pompone, dont il est souvent parlé dans la Correspondance. C'était lui qui avait surveillé, après la mort de l'auteur, l'impression du second volume. Depuis, son ouvrage, successivement accru, fut porté à cinq, puis six, puis dix volumes (1759). La première édition (1674) ne parle pas des Rabutin; dans la seconde (1681) on lit ce qui suit : « La maison de Rabutin tiroit son nom d'un château de ce nom du Charolois. Elle est des plus nobles et des plus anciennes du duché de Bourgogne. Maïeul de Rabutin vivoit en 1147, et il fut garant d'un traité que fit Guillaume, comte de Mâcon, avec Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, et il assista à un traité fait en 1149 entre Ponce, évêque de Mâcon, et Renaud II, seigneur de Baugé et de Bresse. »

9. Dans l'édition de 1697: « Ce Mayeul vivoit grand seigneur, en 1147. »

10. Voyez la réponse de Bussy, p. 24 et 25, et la Notice, p. 4. 11. Le fils de Mme de Coligny. Les mots : « ce petit d'An

delot, » ont été remplacés en interligne par : « son fils, » d'une autre main que celle de Bussy.

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