Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

Je vous souhaite une bonne et heureuse année et que vous ne vous repentiez point d'avoir pris la ferme du Buron.

Pour vous répondre en peu de mots, je vous dirai que j'ai reçu votre lettre et que j'y vois la continuation de la mauvaise foi de la Jarie; cela me fait repentir de mes bontés; je fais chercher le procès-verbal que vous demandez.

Vous devez au moins avoir retenu au Buron le contenu du mémoire des meubles qu'ils vous ont donné, puisque c'est eux qui en demeurent d'accord; cela servira au moins à vous coucher quand vous irez.

Mon fils me conseille toujours de faire arrêter la Jarie pour ces treize cents francs1, que je veux avoir absolument

[ocr errors]

LETTRE 1006. Il y a ici 1300* dans l'autographe; toutes les
MME DE SÉVIGNÉ. VIII

I

1687

pour M. d'Harouys, et de faire un peu de peur à Pasgerant; car comme il est caution de ce dernier bail, cela le feroit agir plus vivement.

Pour ce qui est du procompte fait à Nantes en 16802, où il me doit de reste de ce bail-là près de dix mille francs, c'est à vous, Monsieur d'Herigoyen, à qui je donne le soin de faire saisir les héritages de la Jarie, et ceux de feu la Bigotaye, qui étoit fermier avec lui de ce bail fini en 80; et vous en payerez, s'il vous plaît, tous les frais qu'il faudra que je paye, et que je vous rendrai; et pour les quatre mille cent livres de cette année 86, qui est la dernière du bail de la Jarie, je prétends vous donner, pour la peine que vous aurez à recevoir cette dernière année, et tout le reste du compte de 1680, qui va à près de dix mille francs, vingt-cinq francs par mille francs, pour vous consoler un peu de tant de tracas; pour les treize cents francs de l'année 85, qui devoient être payés à M. d'Harouys, il y a plus d'un an, vous n'en aurez rien, et ce ne sera pas sur notre compte.

Voilà mes intentions: mandez-moi si vous en êtes content. Je parlerai aux banquiers quand vous aurez ramassé quelque somme assez considérable pour me la faire tenir par M. Paulus et M. Charpantier; ainsi travaillez, mon ami : plus je recevrai et plus vous recevrez aussi. Je suis affligée de votre voyage de Vannes : toutes mes affaires seront languissantes pendant ce temps-là. Mandez-moi de vos nouvelles.

M. DE RABUTIN CHANTAL.

autres sommes, dans ce paragraphe et dans le suivant, sont écrites en toutes lettres.

2. Voyez tome VII, p. 519, et la note 4.,

1007.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DE CORBINELLI

AU PRÉSIDENT DE MOULceau.

A Paris, le jour des Rois 1687.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

Je laisse à part tout ce que je pourrois répondre à vos réflexions morales et chrétiennes, et je crois même que ce ne seroit pas une réponse que j'y ferois, ce ne seroit qu'une répétition. Je vous rendrois vos paroles, et ma lettre ne seroit que l'écho de la vôtre, parce que je suis assez heureuse pour penser comme vous dans cette occasion. J'aime donc bien mieux vous gronder, et vous dire que vous êtes vraiment bien délicat et bien précieux, de vous trouver atteint d'une petite attaque de décrépitude, parce que vous êtes grand-père, et que Madame votre fille a pris la liberté de vous en faire une autre : voilà un grand malheur! Et à qui vous en plaignez-vous, Monsieur ? à qui pensez-vous parler? et que feriez-vous donc, si vous en aviez une1 qui eût pris l'habit à la Visitation d'Aix à seize ans? Vraiment vous feriez une belle vie : et moi, je soutiens cet affront comme si ce n'étoit rien; je regarde ce mal, qui n'est point encore tombé sur moi, avec un courage héroïque; je me prépare à toutes les conséquences avec paix et tranquillité; et voyant qu'il faut se résoudre et que je ne suis pas la plus forte, je m'occupe de l'obligation que j'ai à Dieu de me conduire si doucement à la mort. Je le remercie de l'envie qu'il me donne de m'y préparer tous les jours, et même de ne pas souhaiter de tirer jusqu'à la lie. L'excès de la vieillesse est affreux et humiliant; nous en voyons tous les jours un exemple qui nous afflige, le bon Corbinelli et

[merged small][ocr errors][merged small]

1687

1687

moi le pauvre abbé de Coulanges, dont la pesanteur et les incommodités nous font souhaiter de n'aller pas jusque-là. Voilà comme nous philosophons chrétiennement, et voilà comme nous vous prions de faire quand votre petite-fille aura seize ans. Mais il y a bien du temps encore, et vous en savez plus que nous : c'est ce qui m'a fait presser de vous dire tout ceci, afin de profiter de cette même vieillesse pour vous faire un sermon, jugeant bien que si je perdois cette occasion, je ne la retrouverois jamais.

Votre prince de Conti profite fort sagement de tout ce que Monsieur le Prince lui attire de bonté et d'agrément de Sa Majesté. Je suis quelquefois affligée que vous ne régniez point dans la maison de ce soleil levant. M. de la Trousse est heureux d'être aimé de tutti quanti, comme vous me le représentez; mais surtout d'être aimé d'un scélérat comme vous; faites-lui mes amitiés, et à M. de Vardes, que j'aime et honore toujours parfaitement. Je fais mes compliments à Madame votre femme. Je suis ravie de lui plaire, et que l'admiration que j'eus toute naturelle pour la pureté de sa langue, qu'elle avoit conservée en ce pays, ne m'ait point brouillée avec elle. Je remercie aussi Madame votre fille, et me réjouis avec elle de vous avoir donné la qualité que je possède depuis si longtemps; et pour vous, Monsieur, croyez que si je n'avois pas un jaloux qui me contraint, je vous en dirois assez pour le faire enrager. M. de Grignan vient d'arriver : toute cette case vous est acquise, et notre pauvre bon abbé.

DE CORBINELLI.

Il me semble, Monsieur, que la qualité de grand-père

2. Voyez tome VII, p. 529.

est belle, à la considérer d'un certain côté : il naît une troupe d'enfants qui nous honorent, et qui souvent nous aiment mieux que nos propres enfants; de l'autre côté, ces grands-pères sont en peine d'un plus grand nombre d'inconvénients et de contre-temps, qui arrivent ou dans leur conduite ou dans leur fortune. Mais le plus sûr est d'aimer les ordres du ciel, et de s'y soumettre: c'est le seul moyen de les trouver plus doux. Je suis bien fâché de n'être pas à ces conversations des Récollets, et à ces conférences de M. de Greffeille, avec vous et les bons esprits. Vous m'auriez perfectionné sur les matières de droit. J'aurois encore pris un grand plaisir d'apprendre à vos missionnaires l'art de ramener ces réformés, et de réparer les torts que la nation monacale nous a faits. Mais quoi? Dieu ne l'a pas voulu. La mort de Monsieur le Prince a édifié tout le monde, et vous autres comme nous; j'aurois voulu qu'il eût donné quelque signe de vie au public pour Madame sa femme'.

Adieu, mon ami : je vous embrasse de tout mon cœur, vous et votre chère famille, femme, fille et petits-enfants, particulièrement vous, comme mon rival, sans rancune.

1687

1008.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE

DE BUSSY RABUTIN.

Un mois après que j'eus écrit cette lettre (no 1005, tome VII, p. 532), je reçus celle-ci de Mme de Sévigné.

A Paris, ce 15e janvier 1687.

BON jour et bon an, mon cher cousin, et bon jour et ma chère nièce. Que cette année vous soit plus

bon an,

3. Voyez tome II, p. 39, et la note 2.

« PrécédentContinuer »