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tière d'enseignement public, et elle lui promettait, à cet effet, son concours. Passant ensuite à la question qui, naguère encore, avait passionné tout le monde, catholiques et libéraux, et qui avait amené la chute du ministère, l'Adresse constatait la nécessité d'une enquête approfondie sur la situation de la classe indigente et sur l'efficacité des moyens mis en usage pour la soulager, « afin de résoudre l'ensemble des questions qui se rattachaient à l'organisation de la bienfaisance publique. » Il y avait toutefois une de ces questions qui avait trop vivement ému la Belgique pour en laisser plus longtemps la solution indécise. Et l'Adresse concluait qu'une interprétation donnée à l'article 84 de la loi communale obligeait à fermer immédiatement cette voie à des abus dont l'administration du bien des pauvres devait ètre la garantie. En un mot, les auteurs de la réponse au roi voulaient déterminer les cas où le bénéfice de la personnification civile pourrait ou ne pourrait pas être invoqué par les fondateurs d'établissements de bienfaisance.

Après avoir promis l'examen attentif des projets qui seraient soumis à ses délibérations, la Chambre, dans la réponse que proposait sa Commission, annonçait que dans les nombreux travaux auxquels elle allait se livrer, elle s'efforcerait d'accomplir ses devoirs constitutionnels. « Les intérêts de la Belgique et le vœu du corps électoral, dont la Chambre est à la fois la libre émanation et l'expression sincère, continuait l'Adresse, lui imposent, dans le cercle de ses attributions, l'obligation de défendre la société belge contre le retour des abus d'un autre âge, de veiller à l'indépendance de l'autorité laïque, à laquelle seule la puissance publique a été confiée par la Constitution. » Cette mission, la Chambre saurait la remplir avec fermeté, mais sans esprit de violence ou d'exagération, sans blesser le droit des consciences, en respectant scrupuleusement toutes les libertés constitutionnelles, en maintenant les ministres de la religion dans toutes les franchises que les lois leur accordaient, en satisfaisant par les allocations du budget à tous les besoins du culte, en s'efforçant de conserver aux rapports du clergé et des pouvoirs de l'État, cette bienfaisance et ces égards que les convenances commandent aussi bien que l'intérêt public. » Si ce langage annon

çait que l'arène allait se rouvrir, il était cependant empreint d'une certaine courtoisie qui ne fermait pas la porte à la conciliation. Malheureusement le côté éliminé du pouvoir par les dernières élections, la droite, persista plus que jamais dans l'attitude inactive qu'elle avait déjà prise dans la précédente session. Cette fois elle fit plus : elle refusa d'assister à la discussion de l'Adresse, dont elle trouvait le projet blessant pour elle; elle ne se rendit pas non plus à la séance qui constatait son abstention, et dans laquelle on fit connaître la réponse du roi à l'Adresse de la majorité. Cette réponse n'avait cependant rien de bien caractéristique. S. M. remerciait la Chambre du concours qu'elle promettait au Gouvernement; les travaux de la session devant être nombreux, leur accomplissement serait facilité par ce bon accord.

Puis, la Chambre reprit le cours de ses délibérations législatives. Toutefois, l'agitation qui avait signalé la discussion de l'Adresse, et dont l'impression avait été pénible dans le pays, ne manqua pas de se renouveler à l'occasion de la révision du Code pénal, soumise dès l'ouverture de la session à la Chambre des Représentants. Que le Code projeté se montrât plus rigoureux que jamais contre les faux monnayeurs, on le comprenait parfailement; mais on ne se rendait pas compte de l'analogie qui portait ses auteurs à appliquer aux écrivains qui auraient attaqué les lois ou la Constitution, une pénalité qui les mettait sur la même ligne que ceux qui feraient de la fausse monnaie. Entendait-on dire par là que corrompre l'intelligence était un crime égal à celui qui tendrait à altérer les monnaies ? C'est ce que l'on se demandait. Quoi qu'il en pût être, on ne s'attendait pas à voir un ministère libéral entreprendre cette assimilation. Cette recrudescence de sévérité contre la presse excita un étonnement assez naturel. On rechercha les motifs qui pouvaient amener le Gouvernement, dans les circonstances actuelles, à prononcer la surveillance de la police pendant cinq ans au moins, et dix ans au plus, contre l'écrivain reconnu coupable des attaques dont il vient d'être parlé. Le ministère voulait-il faire entendre par là que libéral, comme il l'était, il ferait aussi bien la guerre à la presse qu'un Cabinet qui n'aurait pas ce caractère? Ce qu'il y avait de plus extraordinaire, c'est que la Commission abondait

cette fois dans le sens du projet, et pour élever, par exemple, de trois à cinq ans la peine de l'emprisonnement édictée par la législation à réviser, elle puisait un argument dans l'article 1 de la loi française, du 29 novembre 1840.

On répondait avec raison que les circonstances étaient bien différentes; que le Gouvernement français d'alors avait à se défendre contre des ennemis que le roi Léopold n'avait pas à combattre. Autre singularité, c'est que la presse libérale parut prendre son parti de ce projet, quelque peu draconien. Ce silence devait-il être attribué à cette cause que les rigueurs proposées étaient l'œuvre d'un ministère également libéral, ou fal– lait-il y voir que l'excès même de la pénalité la rendrait rarement applicable? Dans la séance des Représentants, du 21 décembre, le ministre de la justice, M. Tesch, réfuta les critiques dont le projet de loi était l'objet. Il insista sur ce point, que l'autorité du souverain devait être efficacement protégée. A quoi l'on opposait que la législation existante était suffisante à cet effet. Le ministre argumenta aussi de la pénalité dont la presse avait été l'objet dans d'autres pays, en France en particulier. Et l'on répondait encore que les temps n'étaient plus les mêmes, et que si telle ou telle disposition se justifiait ailleurs, on ne voyait pas que ce fût une raison de l'appliquer en Belgique. A son tour, la Commission qui avait approuvé en principe la loi proposée, sentit qu'elle avait un devoir à remplir. « Que les membres qui ont attaqué le travail de la Commission se rassurent, dit son président, M. Dolez. Elle se regarde, comme toujours, saisie de l'ensemble du projet si elle reconnaissait que des dispositions nouvelles dussent être adoptées, elle viendrait les soumettre à la Chambre; nous n'avons pas à craindre de porter atteinte à notre dignité ou de blesser notre amour-propre. Et M. Dolez ajoutait que ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de continuer la discussion du titre soumis à la Chambre, et de s'en rapporter à la sagesse de la Commission pour les propositions qu'elle pourrait avoir à mettre sous les yeux des Représentants. » La Commission tint parole; et si le projet ne fut pas immédiatement retiré, il fut soumis à une étude nouvelle et plus approfondie, d'où devait sortir une proposition acceptable.

Telle était la situation parlementaire; nous terminerons ce chapitre par un aperçu sur la situation économique du pays.

Faits commerciaux et industriels. Des rapports des chambres de commerce, il résultait à cet égard les renseignements suivants :

Charbonnage. En 1857, la production des charbonnages du couchant de Mons s'était élevé à 2,602,864 tonneaux. Augmentation sur l'exercice précédent : 107,650. Extraction dans le bassin occidental: 532,169 tonneaux.

La France avait reçu durant la même période 2,486,950 ton

neaux.

Industrie manufacturière de Gand. Activité dans les fabriques de coton. De même quant à l'industrie linière de cette ville.

Les toiles à la mécanique de certaines places, telles que Courtrai et Roubaix, étaient recherchées, tandis que le tissage des toiles fabriquées avec des fils à la main était en décadence. La dentellerie avait été rudement atteinte par les désastres commerciaux de la fin de l'année 1857. C'est ainsi que les marchés d'Amérique, qui enlevaient une grande partie des dentelles d'Ypres, n'envoyèrent absolument plus de demandes dès le quatrième trimestre.

Les filatures de laine de Bruxelles, prospères pendant les dix premiers mois de 1857, reçurent également le contre-coup de la crise financière d'alors.

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Plus heureuses étaient les filatures de coton de Bruges. Tournai fabriquait avec succès les tissus de laine. On y fondait chaque année de nouvelles manufactures. Les filatures de coton de Nivelles réussissaient également, malgré une baisse de 30 % survenue à la fin de l'année, toujours par la même cause, la crise qui sévissait dans les deux mondes. Toutefois le commerce et l'industrie de Liége, la métallurgie en particulier, souffrirent moins. L'exploitation des mines de fer, de plomb, de zinc et de pyrite continuait sa progression ascendante. Quant à la valeur créée, de 4,537,000 fr. en 1854, elle était de 6,442,000 fr. en 1857. Prospéraient aussi les usines sidérurgiques dont la valeur créée s'élevait à 35,779,772 fr. en 1857. La construction des

machines avait moins réussi. Il en était de même de la clouterie. La stagnation de cette industrie se prolongea jusqu'en juin 1857.

Verreries et Cristalleries. En pleine activité au moment de la crise commerciale et financière, elles se trouvèrent paralysées partout. En juin de cette année, la cristallerie se trouvait réduite par l'insuffisance de la consommation à l'intérieur, à attendre une reprise d'affaires venant du dehors.

Budget de l'Etat. Les recettes pour 1858 présentaient un total de 141,910,790 fr. Elles s'élevaient à 139,604,990 fr. pour 1857.

Dépenses. Elles présentaient une légère différence en moins avec les recettes: 135,028,047 fr.

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