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Amélioration en Pologne: les généraux ne sont plus placés à la tête des circonscriptions de l'instruction publique. Les classes oùvrieres: sollicitude du Gouvernement en ce qui les concerne. On médite de construire pour eux des logements à bon marché. Les écoles: étude de la médecine; envoi de jeunes gens à l'étranger pour y étudier les institutions judiciaires; pour se former à l'art de l'ingénieur. - Voies de communication: les chemins de fer. La navigation fluviale et maritime. Le commerce; sociétés industrielles. — L'armée : réduction du contingent. La population de l'Empire d'après les derniers recensements. La dette et les finances.

§ 2. Politique extérieure. La guerre du Caucase: succès des troupes russes. Lutte et défaite de Chamyl. La Mingrélie. Elle est ajoutée aux possessions russes; à quelle occasion. Relations avec la Chine. Hábile politique du gouvernement russe; elle aboutit à un traité avantageux avec le Céleste Empire. Teneur de ce traité. Missions envoyées en Chine. Arrangement du général Mouravief au sujet des possessions moscovites sur le fleuve Amour. Importance de ce succès diplomatique au point de vue de l'avenir.

Politique du Gouvernement en Europe: la navigation du Danube. La Russie d'accord avec la France et opposée à l'Autriche. Les ports de la mer Noire : le cabinet de Saint-Pétersbourg annonce qu'il fera tous ses efforts pour se conformer aux dispositions du traité de Paris. - Les chrétiens de la Turquie : réclamations du gouvernement russe en leur faveur. Agitations que cette question occasionne : brochure de l'ancien ministre de l'instruction publique. Les Principautés danubiennes : la Russie d'accord, sur ce point, avec la France. Elle se rallie à l'Union. Pourquoi elle demande la suppression de la juridiction consulaire. Attitude du gouvernement de Saint-Pétersbourg dans la question des Duchés allemands.

Au moment où nous reprenons l'histoire de ce vaste empire, le Tzar poursuivait avec une persévérante ardeur son dessein de créer une sorte de Russie nouvelle par l'affranchissement des serfs, et de sérieuses améliorations administratives. Comme il devait s'y attendre, la noblesse n'était pas unanime à le suivre dans la réalisation de ces grands projets dont l'initiative, en ce qui concernait le servage, remontait au tzar Nicolas. Mais si l'aristocratie, au moins en partie, ne voyait pas d'un bon œil, des changements qui étaient une révolution économique et territoriale, les paysans que l'Empire voulait émanciper, ne pouvaient pas manquer de s'attacher plus fermement, de témoigner plus d'affection à celui qui songeait à élever leur position sociale. Dans quelques gouvernements néanmoins, en particulier ceux de Wilna-Kowno, Grodno et ailleurs, en Podolie, Volhynie et dans l'Ukraine,les nobles abondaient dans le sens de l'Empereur,

et demandaient l'abolition du servage. Quant à ceux que mécontentait l'émancipation, leur opposition se manifestait parfois d'une manière presque dédaigneuse. C'est ainsi que dans la Grande Russie, certaines corporations de la noblesse osèrent renvoyer au ministre, sans les ouvrir, les lettres de convocation relatives à l'émancipation des paysans. Des propriétaires ne se contentèrent pas de cette résistance muette : ils présentèrent aux gouverneurs généraux de nombreuses protestations contre les mesures projetées. Dans le champ clos de l'opposition à l'émancipation, la noblesse de Moscou en particulier témoignait une énergie à laquelle on ne se serait pas attendu dans les mœurs autocratiques de la Russie.

Toutefois le gouvernement du Tzar se montrait bien décidé à passer outre. En conséquence il continua de prendre toutes les mesures qui devaient assurer l'exécution de l'acte mémorable du 20 novembre (V. Ann. 1857). Des comités furent institués au sein même de la noblesse, pour délibérer sur le sort futur des paysans serfs, et présenter des délibérations à ce sujet. Un Rescrit en date du 17 décembre avait précisément pour objet la formation d'un comité de ce genre dans le gouvernement de SaintPétersbourg, et une ordonnance du ministre de l'intérieur rendue en conformité du Rescrit impérial en régla l'application. Comme l'opposition de la noblesse s'en prenait surtout aux mesures d'exécution, pour ne pas attaquer trop ouvertement le principe même de l'émancipation, le ministère s'attachait, dans les instructions qu'il adressait aux gouverneurs des provinces, à établir que l'Empereur tenait avant tout au maintien des bases fondamentales de la grande mesure qu'il voulait réaliser, sauf à abandonner aux assemblées des nobles, le règlement des détails d'exécution. On trouvait en outre dans les instructions ministérielles, certaines indications adressées aux comités en fonction sur la solution des questions qui lui étaient soumises. Par exemple, en ce qui concernait l'indemnité à payer par le paysan pour le rachat de sa ferme et de son jardin, qu'en aucun cas la durée de la période de transition ne devrait dépasser douze ans. Après l'acquisition de leurs droits personnels, les paysans pourraient rester grevés d'obligations pécuniaires comme des débi

teurs ordinaires ; mais ils ne pourraient devenir complétement propriétaires de leur ferme, qu'après payement de toute la somme du rachat. Ce serait au surplus à la noblesse de chercher, d'après les principes posés par le Tzar, les moyens les plus équitables et les plus praticables, pour passer de l'état actuel des choses à l'organisation dans l'espace de temps fixé.

On se fera une idée de l'importance de cette grande question, en puisant dans un rapport adressé à Alexandre II, par le chef du département de l'intérieur, les chiffres suivants, sur l'assiette même de la propriété et du servage dans l'Empire. A la date de ce document (mars), qui portait sur la situation intérieure en général, le nombre des propriétaires était de 109,000; celui des familles propriétaires de 70,000. De ces familles, 1,400 possédaient de 1000 à 10,000 paysans; 2000 en possédaient de 500 à 1,000; 18,000 de 100 à 500; 30,000, de 21 à 100, et 75,000 en avaient moins de 21. Le nombre des paysans appartenant à la noblesse était de 11 millions 750,000; enfin, celui des paysans de la Couronne était de 9 millions. En tout 20 millions 750,000 âmes dont les résolutions impériales devaient améliorer le sort. Aussi bien le Gouvernement déployait-il, pour atteindre son but, une rare énergie. Au moment où paraissait cet important document de statistique, on publiait une ordonnance impériale en date du 15 janvier, institutive d'un comité central que devait présider l'Empereur lui-même, et chargé d'examiner les propositions et résolutions relatives à l'émancipation des paysans. Ce comité au sein duquel figuraient d'éminents personnages, le frère même de l'Empereur (Grand-Duc Constantin), le comte Orloff, vice-président, le prince Gagarine, etc., devait s'appeler le Comité principal pour la question des paysans. En attendant les opérations de ce comité, les mesures prises suivaient leur cours. Un ukase, en date également du mois de mars, régla la manière dont on procéderait à la confection des listes pour le recensement de la population des domaines particuliers. On y distinguerait entre les domestiques attachés à la personne et les serfs agriculteurs. Pour diminuer peu à peu le nombre des serfs attachés à la personne ou domestiques, défense d'enlever des paysans à l'agriculture une fois le recensement opéré, et d'en

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faire des domestiques. Mais ces derniers pourraient toujours être rendus à la culture des champs, de manière à les faire participer à l'émancipation, Vers la même époque, et pour faciliter un si grand acte, ordonnance en vertu de laquelle les officiers propriétaires de paysans devaient recevoir des congés pour assister aux délibérations de la noblesse sur l'émancipation, ou pour faire partie des comités élus à cet effet. 14-26 mars, rescrits impériaux adressés aux gouvernements de Kief, de Podolie, et de la Volhynie, à ceux d'Orenbourg et de Samara, de Symbirsk et de Saratoff. Il y était dit que la noblesse des gouvernements sus-mentionnés, ayant exprimé le désir de s'occuper de l'amélioration du sort de ses paysans, Sa Majesté l'autorisait à former des comités élaborateurs des projets de statuts; ces projets seraient renvoyés au ministre de l'intérieur. Des offices de ce haut fonetionnaire accompagnaient les rescrits. Ils contenaient les mesures de détail concernant l'organisation des comités. Des instructions et rescrits analogues furent adressés à d'autres gouvernements (avril).

On attendait, au comité central, que tous les gouvernements adhérents à la mesure de l'émancipation se fussent prononcés, pour examiner leurs propositions et formules, sur les principes applicables à l'abolition du servage en général, et déterminer les règles particulières à appliquer à certaines contrées.

21 avril (3 mai) publication du programme des travaux des comités institués sur la demande de la noblesse, et élaboré par le comité central. Afin d'éviter les répétitions et imprimer aux travaux des comités particuliers un ordre régulier, le programme répartissait en trois périodes le fonctionnement des comités de gouvernements. La première, qui ne durerait pas plus de six mois, serait consacrée à la rédaction d'un projet d'ordonnance qui serait renvoyé au ministre de l'intérieur. A ce moment, suspension des travaux des comités jusqu'à obtention de la sanction du Gouvernement. Alors (2o période), convocation nouvelle des comités provinciaux pour veiller à la mise à exécution des ordonnances de l'administration centrale. On atteindrait ainsi à la troisième période, introductive dans chaque domaine seigneurial, d'un règlement particulier qui aurait la forme d'un acte

consenti par le seigneur sous la surveillance et avec la ratification du comité spécial, et qui servirait désormais de règle invariable en ce qui concernait les rapports des paysans avec leurs seigneurs. On voit que, dans le système du comité central, les travaux des comités particuliers aboutissaient à une sorte de contrat synallagmatique entre le propriétaire et les paysans, n'agissant point par eux-mêmes, mais représentés comme des mineurs par la réunion de la noblesse provinciale.

Dans ces circonstances, il était assez difficile que les nobles se fissent une position absolument désintéressée. Ce règlement du comité central ne portait pas, il est vrai, la signature du Tzar, ce qui en eût fait une loi, mais il était signé par le prince Orloff, et après ce personnage (vice-président), par le Grand-Duc Constantin.

Un fait significatif portant sur la classe même qu'il s'agissait d'émanciper d'un long assujettissement, fit ressortir à cette époque la pensée de l'Empereur. En effet une médaille dite de mérite fut instituée spécialement en faveur des paysans. Elle serait accordée aux individus qui se distingueraient par leur travail et leur bonne conduite. Ce qui fut plus caractéristique encore, et devait produire une impression plus profonde, ce fut l'apparition d'un ukase impérial qui émancipait les paysans appartenant aux apanages impériaux. On avait pu supposer jusque-là que la Couronne ne prêcherait pas d'exemple. L'ukase donnait un démenti à ces suppositions. Aux termes de ce document, les émancipés étaient capables d'acquérir et aliéner la propriété foncière, sans autorisation de l'administration des apanages; ils pourraient aussi ester en justice par eux-mêmes ou leurs fondés de pouvoirs. Mais ce qu'il y avait surtout de particulier à cette classe de serfs, c'est que l'Empereur leur reconnaissait le droit de propriété sans indemnité à leur charge. On ne pouvait contester l'opportunité du rescrit impérial; car, en avril, le comité de Moscou se montrait singulièrement partagé sur la grande question en cours de solution. D'autres comités ne témoignaient pas non plus beaucoup d'enthousiasme. Réuni à ce moment, celui de Saint-Pétersbourg était témoin de débats qui n'annonçaient pas une décision immédiatement

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