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CHAPITRE X V.

Divifion de la Grammaire Univerfelle.

PUISQUE la Grammaire Universelle est l'affemblage des Régles fondamenta les qu'on obferve dans la peinture des idées, elle embraflera les objets

fuivans.

10. Les ÉLÉMENS qui entrent dans cette peinture, ou les diverses efpéces de mots qui conftituent le difcours, parlé ou écrit, l'un n'étant qu'une copie de l'autre.

2o. Les diverfes FORMES que ces mots devront revêtir, afin de pouvoir s'unir les uns aux autres.

3°. L'ARRANGEMENT qu'on devra donner à ces mots, ou aux divers traits qui entrent dans un tableau, afin qu'on en voye à l'inftant le but, l'objet principal, les acceffoires, l'ordonnance entiere.

4. La MANIERE dont elle s'UNIT, ou dont elle s'identifie au génie parti culier de chaque Langue, pour en faire naître les régles particulieres. Ce qui formera autant de portions ou de LIVRES, qui offriront: 1°. Les PARTIES du difcours.

2. La DÉCLIN AISON & la CONJUGAISON, ou les diverfes formes dont fe revêtent quelques-unes de fes parties.

1o. La SYNTAXE, ou les régles relatives à leur arrangement, à leur af femblage.

4. La GRAMMAIRE COMPARATIVÉ,

LIVRE II.

DES PARTIES DU DISCOURS.

PARTIE PREMIERE

DES PARTIES DU DISCOURS EN GÉNÉRAL.

CHAPITRE PREMIER.

Que les Tableaux des idées par la parole font compofés de diverfes

Parties,

L'Idée eft une, de l'unité d'un tableau composé d'une multitude de traits qui

ne préfentent qu'un Tout.

C'eft que ces traits liés entr'eux par les raports les plus étroits, font tous néceffaires les uns aux autres; enforte que le tableau n'eft complet & fon but rempli, que lorsque tous les objets en raport font réunis, qu'on ne voit point de vuide, que l'ensemble ne laiffe rien à défirer.

Il en eft de même de nos idées ; elles roulent fur des raports: raports d'objets entr'eux, raports des objets avec les qualités qu'ils réuniffent, raports

avec nous, &c.

On peut même dire que toutes nos connoiffances ne font compofées que de raports: nous ne faifons en toutes chofes que comparer les objets entr'eux: nous apprenons par-là à les diftinguer les uns des autres, & nous élevant fans ceffe de comparaifons en comparaisons, de raports en raports, rien ne fe dérobe à nos recherches.

On ne connoît même le bonheur, on n'en fent toute la valeur que par comparaison il n'eft jamais aussi vif, auffi intéressant, jamais il n'eft auffi fenfible qu'à la fuite de quelque événement funefte, de quelque orage qui l'avoit altéré, méme légerement : à peine fe diffipe-t-il, que l'ame fuffoquée par l'angoiffe, revient à elle, elle refpire délicieusement, elle fent tout le plaifir de

Fexistence, mais d'une existence que rien ne trouble & ne gêne. Il faut avoir éprouvé un état pour s'en former de juftes idées : auffi l'expérience des Peres eft-elle prefque toujours perdue pour les enfans.

De-là, cet esprit de curiofité, fans lequel nous ne faurions rien, & qui n'eft qu'un défir de comparaifons; mais funefte ou avantageux, fuivant les objets auxquels nous l'appliquons.

Heureux celui que cet efprit de curiofité n'a jamais porté qu'à des connoif fances utiles & à des effais falutaires : il n'aura jamais d'écarts à pleurer.

Tout raport fuppofe divers objets qui concourent à le former: enforte que le raport n'eft complet que lorfque tous les traits qui le conftituent font énoncés: nos idées qui n'expriment que des raports, feront donc compofées de diverfes parties fucceffives, aménées les unes par les autres, qui fe fuivront & s'uniront jufqu'à ce que le raport foit complet, & que le tableau foit achevé que l'idée foit peinte en fon entier.

Il exiftera ainfi dans la parole deux fortes de mots très-diftincts; les uns qui défigneront les objets dont on fait la comparaifon; les autres qui feront voir qu'on les compare entr'eux. ceux-là qui forment les maffes du tableau ceux-ci qui fervent à les lier.

Tel un Architecte raffemble fes matériaux, les arrange & les unit, par um ciment qui n'en fait qu'un feul Tour.

L'on fent parfaitement que ces tableaux de la parole feront compofès de plus ou de moins de parties, fuivant le plus ou moins de complication des raports qui entrent dans l'idée qu'ils font deftinés à repréfenter.

Ces diverses parties feront cependant en petit nombre, puifque les idées fe réduisent à des raports qui font à peu-près toujours de la même nature; ce qui ne peut donner lieu à un nombre tant foit peu confidérable de parties différentes.

Mais cherchons à fixer ce nombre, & voyons à quels caractères nous pour rons les diftinguer les unes des autres.

CHAPITRE I I.

Variations & opofitions des Grammairiens fur les Parties du Difcours. EN quelque petit nombre que foient les diverfes efpéces de traits qui entrent

dans les tableaux des idées & qu'on appelle PARTIES du Discours, les Grammairiens n'ont pas encore pu s'accorder dans leur nombre; les uns en comptent plus, les autres moins, & chacun fe fonde fur des motifs qui paroiffent i frappans, qu'on ne fait pour quels fe décider,

S'ils s'accordent fur quelques unes, ils différent fur toutes les autres. Une partie des anciens Grammairiens, Grecs & Latins, PLATON lui-mêdeux me (1), trompés par la nature de leurs Langues, ne comptoient que Parties du Difcours, le Noм & le VERBE: toutes les autres n'étoient qu'en fous-ordre (2). Auffi APO: LONIUS appelloit très-ingénieufement le Nom & le Verbe, Ame du Difcours (3).

Les Arabes & les Hébreux n'en comptent que trois, ajoutant aux deux pré: cédentes les Particules, ou la CONJONCTION (4).

ARISTOTE ajoutoit à ces trois, l'ARTICLE (5).

C'eft la divifion qu'a fuivie un Auteur Anglois (6); il diftribue les Parties du Difcours en quatre claffes; les Subftantives où entre le Nom, les Attributives où entre le Verbe, les Définitives où entre l'Article, & les Connectives où entre la Conjonction.

La plupart des autres Grammmariens Anglois, comme WALLIS (7), le Dr,

(1) Dans fon Sophifte.

(2) » Partes igitur orationis, dit PRISCIEN, Liv. 2. funt fecundum Dialecticos duæ ̧ NOMEN & VERBUM: quia hæ folæ etiam per fe conjunétæ plenam faciunt Orationem; ws alias autem partes συγκατηγορήματά , hoc eft confignificantia appellabant.

( 3 ) Τὰ ἐμψυχοτατα μέρη τῷ λόγῳ. Syntax. L. I. c. 3.

(4) C'eft cette divifion que fuivent les Auteurs de nos Grammaires Orientales, comma ERPENIUS & SCHULTENS.

(5) Dans fa Poëtique, ch. xx.

(6) HARRIS, Ecuyer. Sa Grammaire eft intitulée : HERMÉS, or a Philofophical Inquiry concerning Language and Univerfal Grammar, Lond, in-8. 1751. (7) WALLIS Grammaire Angloife en Latin, in-8. fixiéme Edit. 1765.

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LOWTH, Evêque d'Oxfort (8), le Doct. BAYLY (9); & entre les François > l'Abbé GIRARD (10), & M. BEAUZÉE (II), diftinguent l'ADJECTIF du Nom, que tous les autres réuniffent dans une même claffe.

MM. de Port-Royal (12) & nombre d'autres, font de l'ARTICLE une claffe à part, tandis que Wallis, SANCTIUS (13), & M. Beauzée le retranchent du nombre des Parties du difcours pour le réunir à l'Adjectif.

Sanctius & le P. BUFFIER (14), confondent de leur côté le PRONOM avec le nom.

HARRIS diftingue le Participe de toutes les autres, & il eft presque le feul qui le faffe.

Pendant qu'avec Sanctius, il fupprime abfolument l'INTERJECTION, que les autres reclament, & nommément M. Beauzée.

Comment donc fe décider au milieu de tant d'opinions contradictoires défendues ou attaquées par des perfonnages auffi diftingués? Les diverses Parties du difcours feroient-elles donc fi indifferentes, qu'on pût en négliger impunément quelques-unes? Ou leurs caractères feroient-ils fi vagues, fi indéterminés, qu'on pûr les prendre les unes pour les autres, & même les méconnoître ?

L'on fent cependant que le fuccès de tout ce que nous aurons à propofer fur les Parties du Discours, dépendra néceffairement des idées nettes & diftinctes que nous en aurons; qu'on ne dira rien d'exact ou de convainquant à cet égard, qu'autant qu'on faura pofitivement à quoi s'en tenir fur leur nombre; qu'on fera en état de les diftinguer d'un coup-d'œil, & de

(8) Dans la Grammaire Angloise intitulée: A Short Introduction to English Grammar with critical Notes, feconde Edit. in-12. 1763.

(9) Le Doct. Anfelm BA YLY, Grammaire Angloife, in-8. 1772.

(10) Les vrais Principes de la Langue Françoise, 2 vol. in-12. 1747.

(11) Grammaire générale, ou Expofition raifonnée des Elémens du Langage, en 2 vol. in-8. 1767.

(12) Grammaire générale & raisonnée.

(13) Dans fa Minerve, Liv. I, ch. 2. SANCTIUS ou François Sanchez de Brocès, étoit Profeffeur en Rhétorique & en Lángue Grecque à Salamanque. Son Ouvrage parut pour la premiere fois à Madrid en 1585. Il l'intitula Minerve, par oppofition à celu¡ d'Auguftin SATURNINUS, que celui-ci avoit appellé Mercure: c'étoit Minerve qui redres foit Mercure.

(14) Grammaire Françoife, no. 80-84

Gram, Univ.

E

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