Images de page
PDF
ePub

font offenfées du choc de la fyllabe fourde & nazale long avec la brève le, ce qui nous obligea fans doute à les féparer par de, ne les excluons pas de la claffe des mots qui expriment les raports: mais difons que dans nos Langues modernes, plus timides que les anciennes, nous exprimons divers raports, non à l'antique par de fimples fignes apellés Prépofitions; mais par un fubftantif acompagné de fon article & lié au nom du dernier objet par une prépofition, par une phrafe prépofitive en un mot.

Alors viennent ici toutes ces formules que tant de Grammairiens confon dent avec les Prépofitions: telles que,

Le long de la prairie.
Autour de la Table.

Aux environs de la Ville.

Au-deffus de nous.
Auprès de lui.

Formules qui expriment des raports, & qui correspondent à des Prépoff tions en ufage dans d'autres Langues; dont par conféquent, on ne rendroit pas raison en difant fimplement que ce font des noms: parce qu'on demanderoit toujours, que font ces noms entre deux autres Noms? quel raport ontils avec eux ?

ARTICLE V.

PREPOSITIONS INITIALES OU INSEPARABLES?

D'E cer ufage d'employer un mot dans un fens elliptique pour défigner

les raports, naquit un autre emploi des Prépofitions dont nous ne faurions nous difpenfer de parler & qui devint en toute Langue la fource d'une prodigieufe quantité de mots.

Cet emploi confifta à mettre les Prépositions à la tête des Verbes, afin d'en' diverfifier le fens & d'en indiquer tous les raports: ce qui donna lieu à ce qu'on apelle Prépofitions inféparables; quelques-unes de ces Prépofitions n'étant en ufage que dans ces circonstances. On les appelle auffi initiales, parce qu'elles font toujours à la tête des mots.

Cet ufage eft devenu une fource inépuisable de richeffes pour les Langues

par l'abondance des mots qui en naiffent, & par la fineffe & l'exactitude qu'ils répandent dans l'expreffion des idées. C'eft ainfi qu'un Peintre, avec quelques couleurs, fe procure par leurs mélanges & par leurs combinaisons, toutes les nuances poffibles & un coloris beaucoup plus parfait.

De cette maniere, un même mot après avoir été fucceffivement Nom Adjectif, Participe, Verbe, Prépofition, devient portion de nouveaux mots en s'affociant comme Prépofition à des mots de toutes ces espéces.

Il n'eft aucun Peuple qui n'ait eu recours à cet expédient ingénieux & fi propre à multiplier les mots fans multiplier les racines primitives: mais chaque Peuple s'en est fervi avec plus ou moins de fuccès, fuivant qu'il avoit plus ou moins d'intelligence.

On admire à cet égardla Langue Grecque: ceux qui la parloient, ont tiré le plus grand parti des Prépofitions pour en compofer de nouveaux mots; & il eft impoffible de fe former une jufte idée de leur Langue, fi l'on n'en ramene les mots aux Prépofitions auxquelles ils s'uniffent.

Le Latin en a fait auffi un très grand ufage, de même que toutes les Langues Celtiques de la branche Theutone, telles que le Saxón, l'Anglois, le Flamand, & fur-tout le Theuton moderne, qu'on apelle Germanique, ou Allemand.

Les Peuples Celtes de la branche Gauloife ou Occidentale, s'en fervirent auffi: mais ils en eurent bien moins.

Les Hébreux & les Orientaux primitifs, en eurent auffi: mais ces Prépofitions initiales font fi peu fenfibles chez eux qu'on n'a pas foupçonné qu'ils en euffent ; ils en connurent cependant l'ufage, comme nous aurons occafion de nous en convaincre dans la fuire.

Nos Langues modernes, telles que le François & l'Italien, en ont auffi un grand nombre; mais on ne fauroit leur en faire honneur: trop trop timides pour y avoir recours d'elles-mêmes, elles empruntent de toutes Langues leurs prépofitions initiales & jufques aux mots qui en font compofés: ce qui anéantit aux yeux des Modernes, l'énergie de ces mots,parce qu'on ne voit plus le fens que préfente chacune de leurs parties, d'où réfulte cependant la beauté de leur enfemble, & la connoiffance de l'origine des mots compofés.

C'eft ainfi que du Verbe METTRE, en Italien METTERE, nous formons les Verbes fuivans, que nous avons prefque tous tirés des Latins, chez qui ce mot fe prononçoit MITT-ere, ou MEITT-ere.

AD-mettre, en Ital. Aм-mettere, recevoir auprès de foi,

Coм-mettre, en Ital. Coм-mettere, mettre avec, confier.
DE-mettre, mettre hors, ôter d'une place.

L'Ital. Di-mettere, remettre une dette, l'ôter, pardonner. S'ENTRE-mettre, le mettre entre deux pour faire réuffir une entreprife.

L'Ital. INTER-mettere, mettre un inter-valle, fufpendre; d'où INTER

mede.

L'Ital. INTRO-mettere, introduire, mettre dedans..

O-mettre, en Ital. O-mettere, omettre laiffer hors, oublier.

PER-mettre ; en Ital. PER-mettere, mettre en avant, donner le pouvoir de faire.

PRO-mettre, en Ital. PRO-mettere, mettre fa parole en avant, donner parole.

L'Ital. PRE-mettere, mettre avant; d'où PRE-miffe.

RE-mettre, en Ital. Ri mettere, mettre de nouveau.

L'Ital. SOPRA-mettere, mettre deffus, fur-charger.

Soumettre, en Ital. SOTTO - mettere, mettre fous la puiffance, fou

mettre.

TRANS-mettre, en Ital. TRA-mettere, envoyer au-delà ; & en Ital. 2o.

entremettre.

Ce qui, au lieu d'un Verbe, nous en donne dix de plus, & un plus grand nombre aux Italiens.

Si l'on ajoutoit à cette Lifte les Noms qui fe font formés de la réunion du même radical avec les prépofitions, tels que Com-mis, Com-miffaire, COM-miffionnaire, Dé-missoire, &c. elle deviendroit infiniment plus nom-, breufe.

Ajoutons ici un exemple tiré de la Langue Allemande propre à faire voir à quel point on y multiplie les mots en fuivant la même voie. Il fera tiré du Verbe LEGEN, qui fignifie également METTRE, dont la racine LAG fignifie en Allemand pofition, fituation, & qui tient à l'Hébreu LAC, mettre, mittere ;, mais dans le lens d'envoyer, de mettre en avant par les ordres qu'on donne ; Verbe commun à la plupart des Langues; aux Latins chez qui LEG-are figni-envoyer, léguer; aux Flamands, LEG-gen, pofer; aux Anglois de Lincoln qui prononcent LIG, tandis qu'à Londres on prononce lay, & chez qui ce mot fignifie également mettre, pofer, placer, pofter, imposer, &c.

fie

AB-legen, mettre hors, ôter, 2o. s'affoiblir..

AN-legen, mettre à la fuite,

AUF-legen, mettre deffus, charger, imposer.
Aus-legen, mettre devant, exposer, étaler.

BE-legen, mettre autour, environner, garnir.

DURCH-legen, mettre d'un bout à l'autre, examiner, vérifier,
EIN-legen, mettre dedans, ajouter, inférer.

ENT-legen, mettre à une grande diftance, éloigner,

ER-legen, mettre fur le carreau, tuer.

GE-legen, fitué, placé convenablement,

HIN-legen, mettre en un licu.

HINTER-legen, mettre en dépôt.

UEBER-legen, mettre deffus, apliquer.

VER-legen, mettre ailleurs, transféret, traduire.

Uм-legen, mettre autour.

WIEDER-legen, mettre contre, réfuter.

Zu-legen, mettre auprès.

UN-GE-legen, mal placé, mal fitué.

Telles font les Prépofitions inféparables ou initiales dans la Langue Francoife & qu'elle tient des Langues Celtiques, & de la Latine.

Ad, & a, qui signifie auprès, par-dessus; AD-mettre, ajouter,
Coм, qui fignifie avec, coм-paroître.

CONTRE, qui défigne l'opofition, coNTRE-dire,

De, qui défigne l'action d'ôter, Dé-faire.

Dis, qui défigne l'opofition, Dis-femblable.

E, Ex, qui défigne l'action de tirer hors, Ex-traire, E-teindre.
EN, qui défigne l'action de tirer dans, EN-trainer,

IN, qui défigne la privation, Im-patienter.

INTER, qui défigne l'action de mettre entre deux, INTER-pofer.

MIS, MÉ, qui défigne le peu de cas qu'on fait d'une chose, mé-prifer.
OB, OF, qui défigne l'action de mettre devant, or-frir.

PER, qui défigne la caufe, le moyen, PER-mettre.
PRO, qui défigne une chose faite en faveur, PRO-mettre.
PRE, qui défigne ce qui fe fait d'avance, PRE-dire.
RE, qui défigne la réitération, RE-faire, RE-prendre.
Sou, au lieu de Sous, qui défigne le deffous, sou-tenir,
SUR, qui défigne le deffus, SUR-monter.

TRANS, qui défigne le tranfport, TRANS-ferer.

On ne fe contente pas de ces fimples Prépofitions initiales; on en réunit fouvent plufieurs ensemble; ce qui forme de nouveaux mots. C'est ainfi que nous ditons en François RE-DE faire, RE-DE-venir RE-COM-pofer IN-EXtinguible. Les Grecs firent un ufage fréquent de ce moyen ufage fréquent de ce moyen fi utile pour multiplier les mots & pour défigner les moindres circonftances d'une même idée.

[ocr errors]
[ocr errors]

Quelques-unes de nos Prépofitions initiales prennent des formes diverses & reçoivent des fens différens de ceux qu'elles offrent ici : mais le détail en feroit trop long ceci fuffit pour donner une idée des Prépofitions initiales & pour faire voir les avantages qui en résultent par la briéveté, la précifion & l'énergie qu'elles mettent dans le discours.

CHAPITRE IX.

DES AD VERBES.

HUITIEME PARTIE DU DISCOURS.

§. I.

Examen de ce qu'en ont dit les Grammairiens.

DE toutes les Parties du Difcours, celle dont il s'agit dans ce Chapitre, a été une des plus mal traitées : on diroit que la plupart des Grammairiens ont dédaigné de s'en former des idées exactes & précifes: comme s'il pouvoit y avoir quelque détail indigne de leurs foins: on en peut juger par la légereté & l'inexactitude avec lesquelles on en parle dans la Grammaire Générale & Raisonnée, & dont nous transcrivons ici le Chapitre en entier ( 1 ).

1o. MM. DE PORT-ROYAL.

» Le défir que les hommes ont d'abréger le Discours, eft ce qui a donné » lieu aux Adverbes : car la plupart de ces particules ne font que pour figni

(1 Gramm. Raif, Part, II. Chap. XII

Gramm. Univ.

Rr

« PrécédentContinuer »