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MAINTENANT, eft une ellipfe de cette phrase, pendant que la main est tenant ce fujet, cet objet.

ASSEZ, vient de a, il a, & de SAT qui fignifie fuffifance, abondance, & qui forma fatiété & raffafier.

EN,Y, LA,tous Adverbes de lieu,viennent de mots latins altérés qui étoient cux-mêmes des Adverbes effets d'autant d'ellipfes.

En s'eft formé du Latin indè,compofé des deux Prépofitions IN, en, dans ; & DE, de ; & qui tiennent lieu de cette phrafe, IN loco DE quo profectum eft,DANS le lieu D'où l'on eft parti, EN partant de là.

Y eft le Latin hic, là, en ce lieu, phrafe elliptique, au lieu de heic loco, ou huic loco, à ce lieu. Ainfi cette phrase, il y eft, n'est que l'altération de celle-ci,

ILLE HIC EST.

Là, eft l'ellipfe de cette phrafe, in parte ILLA, en cette partie LA.

JADIS, eft compofé de deux mots latins, ja ou jam, déjà; & diu, depuis plufieurs jours, y a long-tems; mot formé du primitif di, jour.

Trop, vient du mot troppo ou troupe, défignant multitude.

SOUVENT, le fovente des Italiens, eft une altération du fæpè des Latins, qui fignifie la même chofe, & qui ne fe lie à aucun mot latin; enforte qu'on ne fauroit douter qu'il n'ait une origine Ofque ou Orientale;il vient de , fhepo, abondance,affluence; 2°. multitude,troupe : d'où fe forma également le Verbe Chaldéen, Sh-po, refluer, avoir en très-grande abondance.

Mais puifque les Adverbes qui confiftent en un feul mot, furent toujours un nom détourné de fon fens propre pour n'être employé que dans un sens abstrait, & pour tenir lieu d'une phrafe entiere, dont on a fait l'elliple, il en résulte néceffairement, comme nous l'avons dit, que tout nom pris adverbialement, a changé de nature,& qu'après avoir paru dans la claffe des Noms comme Nom, il doit être répété comme Adverbe dans celle des Adverbes.

C'eft par la même raison que nous regarderons comme Adverbes,& non comme Adjectifs ou comme Noms, les mots jufie, fort, vîte, bien, mal, &c.. dès qu'ils fervent à modifier un Verbe. En effet, chanter jufte, c'est chanter AVEC jufteffe:& marcher vite, marcher AVEC vitee.

§. 6.

Origine de notre terminaifon adverbiale, ment.

Nous regarderons également comme des FORMULES ADVERBIALES,celles qui font compofées d'une Prépofition & d'un Nom, comme en arriere, en avant; ou d'une Prépofition & d'un adjectif, comme en vain, enfin, en gros; toutes les fois que ces formules ferviront à modifier un Verbe, & non à défigner le raport d'un objet avec un autre objet comme dans ces phrafes,parler en vain, faire un pas en avant, &c. Formules parfaitement femblables à celles-ci des Latins,qu'on a conftamment reconnues pour Adverbes,illicò, fur l'heure, étant toujours dans ce lieu ; in-caffum, en vain; immerito, fans avoir mérité.

Quant aux Adverbes qui indiquent les qualités d'une action, ils fe reconnoissent en françois à la terminaison MENT, le mente des Italiens;& en Latin, à la terminaifon ter. Il fe conduit prudemment, la Fortune lui eft conftamment contraire..

On a cru que cette terminaifon venoit du Latin mente, qui fignifie avet cfprit; & que prudemment fignifioit avec un efprit prudent; fortement, avec un efprit fort.

Mais les Latins terminoient ces Adverbes en ter,& par quelle raifon euffionsnous abandonné cette terminaison pour en donner une autre à ces mots; emi pruntée également du Latin, fi ces mots nous étoient venus des Latins? C'eût été une bifarrerie qui n'auroit reffemblé à rien. Difons, fans crainte de nous tromper, que cette terminaifon ment, qu'on a du écrire mant en fe conformant à la prononciation, vient d'un mot qui défigna l'étendue, la qualité, l'idée fuperlative, en cela parfaitement femblable au ter des Latins: & que ces expreffions agir prudemment, fortement, doivent fe rendre par celles-ci, agir d'une maniere remplie de prudence, remplie de force, tout comme le prudenter & le fortiter des Latins.

Ce mot n'eft pas même difficile à trouver, quoiqu'aucun Etymologiste ne s'en foit douté : c'est le vieux mot MANT, beaucoup, qui fit l'Italien & le Provençal manto, beaucoup`; 'd'où l'Italien, ta-manto, fi grand, & notre mot MAINT, par lequel nous défignions un grand nombre.

Ce mot maint ne fe raporta jamais, comme on l'a cra mal à propos,à la famille multus, moult, abondant ; il fe forma du mot MAN, qui fignifie main : maint & mainte fignifioient à pleines mains, en abondance: on ne pouvoit donc choifir

un mot plus propre à remplacer le ter des Latins. De-là vinrent encore ces mots des Langues du Nord, qui confirmeront ce que nous venons de dire.

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Pour terminer ce qui a raport aux Adverbes, nous n'avons plus qu'à rapor ter la divifion qu'on fait ordinairement de cette espèce de mots en différentes claffes, relatives au tems, au lieu, à la quantité, à la qualité, à la maniere à l'affirmation, & à l'interrogation.

Quand, maintenant, alors, tard, déja, jamais, font des Adverbes de

tems.

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Où, là, ici, ailleurs, dehors, dedans, par-tout, font des Adverbes de lieu. Combien, beaucoup, peu, guères, davantage, médiocrement, font des Adverbes de quantité.

Savamment, prudemment, gaiement, promptement, lentement, confufément, &c. défignent la qualité ou la maniere.

Ainfi, certainement, nullement, point, peut-être, ont raport à l'affirmation. Pourquoi, comment, font interrogatifs.

Plus, très, fort, moins, autant, font des Adverbes qui fervent à comparer les qualités qu'on aperçoit dans les objets ; ils précédent ainfi & les Adjectifs & les Adverbes qui défignent les qualités : on dit plus favamment, très-favain ment, comme on dit plus favans, très-favant.

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CHAPITRE X.

DES CONJONCTION S.

NEUVIEME PARTIE DU DISCOURS.

I les Tableaux de la Parole n'étoient compofés que de deux objets en raport, ou s'il n'étoit jamais néceflaire de déterminer par d'autres mots le fens de ceux qui peignent l'un ou l'autre de ces objets, les Parties du Difcours dont nous venons de parler feroient fuffifantes pour lier toutes les portions qui entrent dans les Tableaux des idées : mais l'expofition de nos idées eft rarement bornée à cette fimplicité, elle s'étend avec nos idées : elle se prête à tout ce qui eft néceffaire pour les déveloper & pour les préfenter de la maniere la plus exacte, la plus précise.

Cependant lorsqu'il fera queftion d'ajouter Phrafe à Phrafe, Tableau à Tableau, & de les lier entr'eux, afin qu'ils ne forment qu'un feul Tout, faudra-t-il en avertir par de longues phrafes ? faudra-t-il répéter fans ceffe que ce que l'on va ajouter n'eft qu'une portion du même Tableau? que l'idée qu'on va déveloper n'est qu'une addition à celle qu'on a déjà présentée? que cette addition tend à la déterminer, à la caractériser de la maniere la plus propre à en faire reconnoître l'objet ? « Dira-t-on, une perfonne eft venue, & je » vais vous dépeindre cette perfonne ? c'eft celle venue de votre part fi fou > vent, & cette perfonne m'a fait grand plaifir en venant?

Rien de plus ridicule, fans doute, qu'un pareil langage; tel eft cependant celui auquel nous ferions réduits, s'il n'exiftoit d'autres Parties du Difcours que celles dont nous avons traité jufqu'à préfent.

Il dut donc exister dès le moment où les Langues fe formerent, des mots de la plus grande fimplicité, des mots auffi rapides que le gefte, qui fervoient à lier avec un objet toutes les idees qu'on y attachoit, & qui le caractérifoient fans qu'on. fût obligé de répéter fans ceffe cet objet : le langage dut devenir par-là infiniment concis, plus rapide, plus énergique, & l'Auditeur ne dut jamais être impatienté par une idée qu'il attendoit, & qui n'arrivoit point.

Ils exiftent, en effet, ces mots, & ils exiftent dans toutes les Langues, parce qu'aucune ne put jamais s'en paffer: ils forment une nouvelle Partie du Difcours, & on les apelle CONJONCTIONS; nom qui les peint parfaitement dès que l'on fait que ce mot eft compofé de deux mots Latins, cum & junctus, dont la réunion fignifie, mots avec lesquels on joint, on unit.

Une conjonction eft donc un mot qui, de plufieurs Tableaux de la Parole, en fait un feul Tout, foit pour abréger le difcours par cette réunion, & le rendre plus coulant, foit pour empêcher que fon unité foit altérće par les mots qui modifient quelques-uns des objets dont il eft compofé.

L'on aperçoit dès lors fans peine ce qui diftingue cette espéce de liaison, d'avec celles dont nous avons déjà parlé; que la Conjonction lie les phrafes entr'elles, & qu'elle unit à un mot les caractères par lefquels on en détermine l'idée, tandis que le Verbe lie les mots qui peignent les qualités avec les noms des objets ; & que la prépofition lie les noms des objets en

raport.

D'après ces principes, puifés dans la Nature même, il fera aifé de s'aflurer fi les Auteurs qui ont traité des Conjonctions, l'ont fait avec l'exactitude néceffaire; il ne fera pas moins aifé de reconnoître quels font les mots qui apartiennent à cette claffe du Difcours : car jufques à préfent l'on ne s'eft accordé ni fur l'idée précife qu'on doit attacher aux Conjonctions, ni fur le nombre de ces Conjonctions.

SANCTIUS & LANCELOT ne les définiffent pas d'une maniere fatisfaifante : le premier fe contente de dire ( 1 ), « que la Conjonction n'unit pas les cas » semblables, comme on l'avoit avancé fort mal à propos ; & qu'elle unit feulement les phrases ».

LANCELOT, quoique plus étendu, n'en eft pas plus inftructif: » La fes »conde forte de mots, dit-il ( 2 ), qui fignifient la forme de nos penfees, font les Conjonctions,comme, &, non, vel, fi, ergo, &, non, ou, fi, » donc. Car fi on y fait réflexion, on verra que ces Particules ne figni»fient que l'opération même de notre efprit, qui joint ou disjoint les choles, qui les nie, qui les confidere abfolument ou avec condition. Par exemple il n'y a point d'objet dans le monde hors de notre esprit, qui réponde à

رو

(1) Minerva, Lib, I. Cap. XVIII.

(2) Gramm. Géner. Part. II, Ch, XXIII.

la

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