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nure des Verbes actifs & des Verbes réfléchis: c'est ainfi que ftudeo, qu'on nous rend toujours par étudier, comme fi c'étoit fon fens propre, & qui à cet égard eft un Verbe neutre, devient actif quand il fignifie defirer, & réfléchi quand il fignifie s'attacher, s'étudier.

Il eft affez furprenant même que perfonne n'ait pensé jusqu'à présent à com→ parer à cet égard la Langue Françoise avec la Langue Grecque & avec la Latine, auxquelles on la croit inférieure en tout: il eft certain qu'elle laiffe la Latine fort loin derriere elle, relativement à l'objet dont nous parlons ici. On auroit d'excellentes chofes à dire à ce sujet, & fur-tout fur les moyens par lesquels une Langue peut fe perfectionner, non dans fes mots, mais dans fa Syntaxe, dans fes tems, dans fes terminaifons, &c. objets à l'égard defquels une Langue ne change jamais, mais s'anéantit plutôt; ce qui eft très-fâcheux,chaque Langue restant jusqu'à sa fin avec tous les défauts.

On peut donc dire que le Philofophe & l'Orareur ne contribuent en rien à perfectionner une Langue relativement à fa forme grammaticale; ils font forcés de fuivre à cet égard les usages établis. quoiqu'on ne fache quand ils furent adoptés, ni pourquoi ni comment ils le furent; & quoiqu'ils fuffent fufceptibles d'un haut degré de perfection à l'égard de la compofition des mots, de la profodie, de la ftructure de la phrafe, des diverses Parties du Difcours, &c. & relativement auxquelles on pourroit tirer grand parti des autres Langues. Toutes les Langues modernes d'Europe fe raprochent de la Françoise; elle feule ne pourra-t-elle profiter d'aucune e

LES

CHAPITRE V.

Des Formes en ufage dans quelques autres Langues.

Es Verbes actifs, passifs, énonciatifs & réfléchis étant pris dans la Nature, existeront donc chez tous les Peuples & en toutes Langues ; mais ils y existe ront avec des modifications plus ou moins nombreuses, fuivant le génie de chaque Peuple; cependant le plus léger examen fuffira pour apercevoir le raport qu'ont tant de formes diverses, avec celles auxquelles se font fagement bornées les Langues que nous venons d'analyser.

L'on ne fera donc point furpris de trouver des Langues qui ont un beaucoup plus grand nombre de formes que nous : on ne fera pas étonné que les TURCS en ayent au moins cinq, les CHALDÉENS fix, les HÉBREUX huit, les ARABES treize, les BASQUES vingt-trois formes actives, fept formes neutres,&c. Ce ne font que des nuances des formes que donne la Nature elle-même : elles se réduisent toutes à nos Verbes actifs, paffifs, énonciatifs & réfléchis. Ainfi les TURCs ont une forme active, aimer.

Une forme paffive, être aimé.

Une forme active relativement à un autre, faire aimer quelqu'un.
Une réciproque, s'entr'aimer, s'aimer mutuellement.

Une réfléchie, s'aimer foi-même.

Elles fe doublent en devenant négatives par le moyen de la fyllabe me; qu'on infere dans le corps du Verbe.

Elles fe triplent en fe changeant en paffifs, comme fi nous difions étre fait aimé, étre entr'aimé, être aimé de foi-même.

Les HÉBREUX ont huit formes qu'on peut réduire à cinq:

La premiere apellée Kal, renferme les Verbes actifs & les Verbes énonciatifs ou neutres; tels que, je vifite, je fors.

La feconde appellée Niphal, eft la forme paffive, je fuis vifité.

La troifième & la quatrième font active & paffive; elles répondent aux Verbes fréquentatifs des Latins, & défignent la réitération fréquente & maltipliée d'une même action : nous dirions je vifite fréquemment, je suis vifité fréquemment.

La cinquième revient à peu près à la même chofe; auffi est-elle fuprimés par plufieurs Grammairiens.

La fixième & la feptième font auffi active & paffive, & défignent une action qu'on fait faire ; c'eft comme la troifième des Turcs: nous dirions je vais vifiter, & on m'a fait visiter.

La huitième répond au moyen des Grecs & à nos Verbes réfléchis; elle est paffive, réfléchie, neutre, fuivant la maniere dont on l'envisage : nous dirions je fuis paffe en revue, dans un fens paffif, en indiquant que d'autres nous pa fent en revue; & dans un fens réfléchi, en difant que c'eft par nous mêmes que nous fommes paffés en revue.

Cette huitième forme eft la vraie forme paffive chez les CHALDÉENS; aussi eft-elle formée du Verbe EST,, comme en Hébreu.

Leurs autres formes font les mêmes que celles de l'Hébreu.

Les ARABES ont porté ce nombre jufqu'à treize ; & comme ces formes correfpondent à un nombre prefque égal de paffives, ils leur donnent le nom de Conjugaifons; dénomination impropre, que nous n'appliquons dans nos Langues Occidentales qu'aux différentes manieres de conjuguer des Verbes differens, comme fortir, voir, aimer,& non aux diverses manieres de conjuguer le même Verbe.

La premiere forme offre les Verbes actifs, comme, il écrit ; & les Verbes neutres ou énonciatifs, comme, il eft trifle, & qu'on apelle intranfitifs dans toutes ces Langues Orientales, c'eft-à-dire, dont l'alion NE PASSE PAS HORS de celui qui l'opere.

La feconde & la troisième font tranfitives; l'une par foi-même, il a attristè', l'autre par autrui, il a fait attrifter.

La quatrième & la fixième font réciproques; mais l'une marqué une réciprocation fucceffive, rendre la pareille, avoir fon tour; & l'autre une réci procarion actuelle, comme fi nous disions ils fe font battus l'un après l'autre, & ils ont lutté ensemble.

Les cinquième, feptième & huitième font paffives; celle ci eit le paffif de la premiere forme, il a été écrit ; celles-là font le paffif de la feconde; je l'ai enfeigné & il a été enfeigné, c'est-à-dire il a apris; j'ai brifé ce vafe & il a été brifé, ou il fut brifé par moi.

La neuvième & la onzième font relatives aux couleurs & à la difformité; mais l'une renchérit de beaucoup fur l'autre ; il étoit fort jaune; il étoit jaune au delà de toute expreffion.

La dixième est défidérative ; comme nous difons il follicita fa grace, il demanda à manger, il mourut de faim.

Les deux dernieres, & qui font très-rares, fervent à marquer le fuperlatif,à

renforcer

renforcer le fens du Verbe, il fut très-fevere, il s'attacha fortement. Il n'eft pas plus difficile de raporter les Conjugaifons ou les Formes des Bif cayens & des Bafques, aux formes communes à tous les Peuples.

Leurs vingt-trois Formes actives & relatives fe réduifent d'abord à la moitié, parce qu'il y en a toujours une pour le fingulier & une pour le pluriel; fingulier & plurier relatifs uniquement au nombre de l'objet fur lequel on agit; ainsi je le mange eft une forme, & je les mange en eft une autre. Les deux premieres font actives, & les vingt une autres relatives.

Ces formes relatives font encore aifées à faifir: on y peint l'action, fuivant qu'elle fe porte de la premiere Perfonne à la feconde Perfonne & à la troifieme, & fuivant que chacune de ces trois Perfonnes eft au fingulier ou au pluriel; ce qui donne autant de Formes que l'on fait par-là de combinaifons différentes.

Viennent enfuite les Formes qui peignent les actions de la feconde Perfonne à l'égard de la premiere & de la troisieme fous toutes ces faces, & enfin celles qui peignent les actions de la troifieme perfonne à l'égard des deux autres, fous les mêmes points de vue.

Les fept Formes des Verbes Neutres font dans le même goût, toujours relatives aux perfonnes que ces Verbes ont pour objet : ainfi, je viens vers toi, je vais vers lui, tu viens vers moi, tu vas vers lui, &c. produisent autant de formes différentes.

Il n'eft perfonne qui ne voye que toutes ces Formes ne font que des apli cations différentes de celles qu'offre la Nature, qui exiftent dans notre Langue, & qu'on pourroit multiplier à l'infini par des combinaifons de la même espéce fi elles n'éroient pas plus embarraflantes que la méthode fimple & belle que nous fuivons, & que nous devons à des Peuples éclairés, qui avoient étudié avec foin la Nature, & qui avoient fu diftinguer une noble fimplicité, d'une férile abondance.

Gramm. Univ.

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LIVRE I V.

DE LA SYNTAX E.

DIVISION S.

NOUS
ous n'avons parlé jufqu'ici que des objets qui entrent dans le Discours,
des Parties dont il eft compofé, des Formes que revêtent chacune de ces Par-
ties, afin de pouvoir fe lier avec l'ensemble du Difcours; mais ce détail ne
fuffit pas; il faut connoître encore dans quelles occafions tous ces objets fe lient
les uns aux autres de telle ou de telle maniere, & la place qu'ils doivent oc-
cuper refpectivement, afin qu'on aperçoive leurs raports, qu'on démêle celles
qui font principales d'avec celles qui font fubordonnées, & que le tableau pro-
duife le plus grand effet par la belle diftribution de toutes les parties.

Ainfi un Peintre habile donne à chaque figure la forme la plus propre à pro duire l'effet qu'elle doit opérer, & il les place de maniere que loin de fe nuire mutuellement, elles s'apuient & fe font valoir entr'elles, de façon qu'on aperçoit fans peine le fujet du tableau & tous fes acceffoires.

Ce que le Peintre produit par des figures, celui qui parle l'exécute par les mots qu'il emploie; ainfi il faut mettre entre ces mots la même harmonie, le même arrangement qu'on mettroit entre des figures qui peindroient la même chose.

On a done deux objets à confidérer, lorsqu'on veut peindre fes idées: 1. La forme qu'exige chaque mot pour fe hier avec les voisins, suivant le rôle qu'il remplit dans ce tableau, fuivant qu'il eft fujet, objet, terminatif, &c. 2o. La place qu'il doit occuper d'après le rôle dont il eft chargé; & ces objets doivent être distincts & frapans, afin qu'on aperçoive à l'instant & fans étude la valeur de chaque mot, & fes raports avec l'ensemble.

De ces deux objets, relatifs, l'un à la forme, & l'autre à la place, le premier s'apelle proprement SYNTAXE, c'eft-à-dire, arrangement réciproque : car ce mot eft compofé de deux mots Grecs, fun, avec; & taxis, arrangement. Le fecond s'apelle CONSTRUCTION, parce que c'est par elle fe s'éleve, que conftruit, que fe forme l'édifice.

que

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