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mais dans ce Complément, il faut diftinguer le premier mot, un Ennemi mot qui offre l'objet du Verbe attaque : dans la dépendance abfolue du Verbe il doit fuivre toutes les régles qu'exige cette dépendance; c'eft le Complément

Grammatical,

Les autres font un Complément de ce premier, qu'ils fervent à déterminer ; quel ennemi? un qui te foit plus rebelle. Ils s'accordent avec lui, & ne dépendent point du mot dont il dépend lui-même : c'est le Complément Logique, ce Complément qui forme un tableau dans un autre tableau.

§. 4.

Ce qu'on entendoit par Régime.

Au lieu de ces expreffions, mots en concordance & mots en dépendance, ou Accords & Complémens, les Anciens fe fervoient des mots, régiffant & régis, ou régime.

Ainfi le fujet d'un tableau régiffoit le Verbe, celui-ci régiffoit à fon tour Pobjet & le terme du tableau. De ces trois mots, le premier étoit en régime libre, le troifiéme en régime affujetti, & le fecond en régime affujetti & affu jettiffant

On a cru qu'il y avoit oppofition entre les deux mots de cette dénomina→ tion, régime libre; mais cette oppofition n'eft qu'aparente. Le fujet d'une phrase est en régime; car il faut qu'il fubiffe les régles du sujet : il est libre; can il n'est régi par aucun mot particulier, il ne fe raporte à aucun, & tous se raportent à lui.

Mais cette dénomination de régime, très-bonne pour le Complément Grammatical, ne peut s'apliquer que difficilement aux Complémens Logiques, on a donc été obligé de recourir à une autre, plus générale & plus

commode.

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CHAPITRE X I.

De l'arrangement dont peuvent être fufceptibles les Complémens d'un même Tableau,

LES ES Complémens d'un tableau étant en fi grand nombre, formam une partie fi confidérable des tableaux de la parole, il eft tres-important, fans doute, de les placer de maniere qu'ils n'alterent point l'harmonie qui doit y regner, & que leur belle diftribution répande autant de grace que de clarté : fans cela on ne produiroit que des tableaux informes; mais ceci n'eft pas auffi ailé à pratiquer qu'à fentir.

«L'arrangement des mots, dit Vaugelas (1), eft un des plus grands fe»crets du ftyle: qui n'a point cela, ne peut pas dire qu'il fache écrire; il a » beau employer de belles phrafes & de beaux mots; étant mal placés, ils ne fauroient avoir ni beauté, ni grace, outre qu'ils embarraffent l'expreffion & lui ôtent la clarté, qui eft le principal »

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C'est ce qui a fait dire à un autre Ecrivain (2): Lorfqu'une phrafe » manque d'harmonie, n'en cherchez la raifon que dans le mauvais arran»gement des parties qui la compofent: mettez entre toutes ces parties l'ordre le plus convenable, à coup fûr vous la rendrez harmonieufe ».

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Nous verrons ailleurs les régles qu'on peut fuivre pour l'arrangement de chaque Partie du Difcours; mais nous indiquerons ici avec M. Beauzée qui a aprofondi cet objet, & auquel par conféquent, nous renverrons pour les détails (3), les précautions à prendre pour distribuer dans l'ordre le plus convenable les divers Complémens qui entrent dans un tableau.

1. De plufieurs Complémens qui tombent fur le même mot, il faut mettre le plus court le premier après le mot completté; puis, le plus court de ceux qui reftent, & ainfi de fuite jufqu'au plus long de tous, qui doit être le dernier, Ainfi l'on diroit, parer LE VICE des dehors de la vertu, & parer DES DEHORS DE LA VERTU les vices les plus honteux & les plus décriés.

(1) Remarq. 414.

(2) Difcours fur les Agrémens du Langage, Part, I

(3) Gramm, Gén, T. II. p. 65. & fuiv.

2 Si.

2. Si par ce moyen quelqu'un de ces Complémens fe trouvoit trop éloigné du mot completté, & qu'on ne pût apercevoir bien clairement fon raport avec ce mot, on n'a qu'à le placer avant. On peut même le faire pour mettre plus d'élégance dans le tableau. C'eft ainfi que l'Auteur de Télémaque a dit:» C'est un des trois qui ont, APRÈS UN SIÉGE DE DIX ANS, renversé la » fameuse Troye.

3. Ces régles ceffent dès qu'il en résulteroit un fens obfcur & équivoque. Ainfi au lieu de dire, d'après la feconde régle, il fe perfuada qu'IL RÉPAREROIT LA PERTE QU'IL VENOIT DE FAIRE, en attaquant la Ville par divers endroits; il faut dire, il fe perfuada qu'EN ATTAQUANT LA VILLE PAR DIVERS ENDROITS, il répareroit la perte qu'il venoit de faire, puifque c'eft l'attaque de la Ville qui doit réparer la perte, loin d'en avoir été la cause.

4. Si les divers Complémens d'un même mot ont fenfiblement la même étendue, c'est au goût, c'est-à-dire, au jugement éclairé par une Logique fine, & furement fondée fur des principes certains, à en fixer la place. Il en eft de même pour les différentes parties d'un même complément. Il eft mieux de dire, je leur montrerai que fa façon d'écrire eft excellente, & QU'IL MÉRITE LE NOM DE POETE, que de dire, je leur montrerai qu'il MÉRITE LE NOM DE POETE, & que fa façon d'écrire eft excellente.

trop

5. Si le fujet de la phrase étoit précédé d'un Complément qu'il écartât de fon Verbe, ce sujet doit être placé après le Verbe. Ainfi on ne dira pas avec l'Auteur de Télémaque: Ceft ce que Minos, le plus fage & le meilleur de tous les Rois, avoit compris; mais, c'est ce qu'avoit compris Minos, le plus fage & le meilleur de tous les Rois.

6. Il ne faut jamais féparer les portions du Complément par un autre complément : ainfi on ne dira pas, il y a un air de vanité & d'affectation dans Pline le jeune qui gâte fes Lettres ; mais, il y a dans Pline le jeune, un air de vanité & d'affectation qui gáte fes Lettres. On ne dira pas non plus avec l'Auteur de Zaide, je goûtois des délices dans ces commencemens, que je n'avois pas imaginés; mais, je goûtois dans ces commencemens, &c.

Gramm. Univ.

PPP

CHAPITRE XI I.

Des Parties conflitutives d'une phrafe, & des Tableaux des idées.

JUSQU

USQUÉS-ICI nous avons vu que les tableaux de la parole étoient compofés de diverfes parties, les unes en concordance, les autres en dépendance: que les premieres étoient fi effentielles à ces tableaux, qu'elles fe rencontroient néceffairement dans tous, & qu'il n'y en avoit aucun qui ne les fuposât; tandis que la préfence des autres dans ces tableaux, dépendoit de la nature des objets qu'on avoit à préfenter; mais nous n'en avons encore ni déterminé le nombre, ni indiqué les noms qu'on leur donne : nous allons donc nous en occuper ici.

Les Parties conftitutives d'un tableau, quelqu'étendu qu'il foit, fe réduifent à fept.

1°. Le SUJET; ce fujet dont nous avons déja tant parlé, & auquelle raporte le tableau entier.

2o. L'ATTRIBUT, toujours compofé d'un Verbe, & d'un Adjectif exprimé à. part, ou fondu dans le Verbe.

3°. L'OBJET, qui exprime les êtres qui reçoivent les impreffions de nos

actions.

4°. Le TERME, qui repréfente le but auquel aboutiffent nos actions ou: vers lequel fe porte l'attribut.

5. La CIRCONSTANCE, qui fert à déterminer l'attribut, à énoncer les qualités particulieres qu'il renferme, relativement à tel ou tel objet.

60. La CONJONCTION, qui fert à unir deux objets qui ont raport l'un à

l'autre.

7°. L'ADJONCTION, qui n'entre dans le difcours que par forme d'accompa gnement, & qui ne fe lie à aucune de les portions. On les voit tous fept dans ces vers: (1)

Non, je vous priverai de ce plaifir funefte;
Madame, il ne mourra que de la main d'Orefle.
Vos ennemis, par moi vont vous être immolez,
Et vous reconoîtrez mes foins fi vous voulez.

(1) Andromaq. A. IV. Sc. III,

Je, eft le fujet qui prive ; vous, l'objet qu'on prive ; & priverai, l'attribut. De ce plaifir funefte, le terme de la privation, le but où elle aboutit. Madame, une Adjonction à la phrafe.

De la main d'Orefte, par moi,&c. font des circonftances.

Et, la Conjonction qui unit deux tableaux. Chacune de ces portions s'aproprie differentes parties du Difcours, & elles fe les partagent toutes.

Le fujet eft défigné par les Noms & par les Pronoms, de même que l'objet & le terme. L'attribut, par le Verbe & par l'Adjectif.

L'objet & le terme, par les Noms & les Pronoms.

L'adjonction, par les Interjections.

La circonftance, par les Prépofitions, & par les Adverbes.

La Conjonction, par la partie du Discours qui porte fon nom.

De-là réfultent fept places differentes dans les tableaux de la parole les plus complets; & qui prenant leur nom de leur nature, s'apellent:

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Noms très-relatifs à leurs fonctions, mais inconnus jusqu'à l'Abbé Girard, auquel on doit ces dénominations; l'obligation que nous lui avons à cet égard, eft d'autant plus grande, que ces Noms font d'une néceffité indifpenfable pour exprimer les idées relatives à l'analyse du Difcours.

On étoit privé avant lui de cet avantage, & l'on étoit réduit à employer les noms des Cas Latins qui répondent à ces dénominations.

Tandis

jonctif.

Le Nominatif fervoit pour exprimer le sujet.

L'Accufatif, pour l'objet.

Le Datif, pour le Terme.
L'Ablatif, pour la Circonftance.

Le Vocatif, pour l'Adjonctif.

sque le Verbe répondoit à l'Attributif; & la Conjonction, au Con

Mais écoutons cet Abbé lui-même; il mérite d'être entendu dans fa propre cause (1).

(1) Les vrais Principes de la Langue Franç. T. I. p. 96, & suiv.

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