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quon avoit oublié qu'il venoit du nom apellatif THEUT, Thet, qui lignifia une Contrée, Terre, Pays, & qui les défigna comme Meres Nourricicres des Homines.

TEUTONS fignifioit donc mot-à-mot les Enfans du Pays. Expreffion commune aux anciens Peuples, & qui perfuada dans la fuite qu'ils fe regardoient comme une production de la Terre, & comme n'étant jamais venus d'ailleurs.

Ce même mot TERRE, peut occafionner des fens très-divers dans les Livres anciens, fuivant qu'on le regardera comme un Nom propre ou comme un Nom apellatif.

Ajoutons pour terminer cet article, que l'on ne donne des Noms propres aux objets, qu'on défigne par des Noms apellatifs, qu'autant qu'on y eft obligé par l'emploi individuel de ces objets : ainfi l'Aftronome défigne chaque Étoile par un Nom propre, le Chaffeur en donne à fes Chiens; le Pâtre, aux Animaux qu'il éléve, l'Agriculteur, aux morceaux de Terre qu'il cultive, &c. cha cun felon fon befoin.

De-là ces Langues particulieres d'Arts, de Sciences, de Métiers, &c. dont le Dictionnaire eft fi vafte, & dont les mots ne font connus que de ceux qui fe confacrent à ces Arts, à ces Métiers, &c. & forment dans toutes les Langues, une Langue à part, inconnue à tous ceux qui n'en ont pas fait une étude particuliere.

Rien d'ailleurs qui foit plus conforme à la raison, que de donner & d'a prendre les noms de chaque objet, feulement à mesure que cette connoiffance nous devient néceffaire.

C'eft ainfi que les Noms forment la portion la plus confidérable des mots dont les Langues font compofees: & nous verrons bientôt qu'il n'eft aucun mot,, de quelque espèce que ce foit, qui ne tienne effentiellement à un nom, & qui ne lui doive toute fon énergie.

§. 8.

Des Genres.

Tout fe tient dans la Nature: c'eft une vérité dont nous avons déja fair ufage & que nous ferons fouvent dans le cas de répéter: mais elle le manifeste d'une maniere éclatante dans les Êtres animés,& fur-tout relativement aux Hommes: Dieu qui voulut qu'ils vécuffent en fociété, les forma de façon que

pour compofer une Famille, ils font obligés de s'unir de deux en deux, chacun femblable à l'autre quant à l'eípéce, chacun diffèrent quant au fexe.

Il fallut donc que les Noms donnés aux divers Êtres, portaffent encore cette empreinte de la Nature; & fiffent connoître non-feulement chaque ef péce d'Étres, mais le fexe même des Êtres de chaque espéce.

AinG tandis que fous le nom d'HOMMES pris dans le fens le plus étendu, on defigne toute l'efpéce humaine, on n'en défigne plus qu'une partie fous ce même nom d'Hommes pris dans un fens plus étroit, tandis que l'autre partie du genre humain eft défignée par le nom de Femmes.

De-là fe forme une claffe de mots finguliere qui tient comme le milieu entre les Noms propres & les Noms apellatifs : car celle-ci n'apartient pas à un feul individu comme le nom propre, ni à l'espéce entiere comme le Nom apellatif; mais elle défigne les Êtres de deux en deux, fuivant qu'ils font affo ciés dans la Nature par fexes; & en les variant fimplement, fuivant l'aplication qu'on en fait à l'un ou à l'autre fexe.

C'est ainsi qu'en Hébreu ISH fignifie Homme; & ISHA, Femme : que l'on dit Fils & Fille, Maitre & Maîtreffe, Roi & Reine, Prince & Princeffe, &c. & pour les Animaux, Lion & Lionne, Chien & Chienne, Loup & Louve,

Canard & Canne.

Enforte que le même nom devient masculin quand il s'aplique à l'un des fexes, & féminin quand il s'aplique à l'autre.

De-là vint le nom même de SEXE, formé du mot Latin SEC-are qui fignifie féparer, partager, couper en deux, parce que par le fexe, l'espéce eft coupée en deux portions, & comme en deux moitiés d'un Tout.

Chacune de ces portions ou chacun de ces Sexes fut apellé GENRE, du mor primitif GEN qui defigna toute idée de production, deftination des fexes.

La diftinction des Noms en deux genres, l'un mafculin & l'autre féminin, conformément aux deux fexes, fut donc prife dans la Nature; on auroit donc tort de croire qu'elle foit arbitraire & de pure fantaisie. Il eût été absurde de défigner tous les Êtres animés, quoique de fexe différent, par le même nom fans diftinction de fexe, parce que le langage n'auroit jamais été d'accord avec le fait, & parce qu'on auroit toujours été embarrassé de savoir de quel des deux Êtres on parloit, tandis qu'on n'eût mis aucune différence entre

leur nom commun.

Mais comme les Hommes n'ont jamais affigné de noms qu'autant qu'ils ont été néceffaires, de même ils n'ont pas diftingué par le genre toutes les

espèces d'Êtres animés : il en est un grand nombre dont les deux fexes font renfermés dans le même nom, comme Mouche, Oifeau, Infecte & autres animaux de ce genre dont une plus grande diftinction feroit abfolument inu tile.

Tandis que par raport aux Animaux domestiques, qui font non-feulement de la plus grande utilité aux hommes, mais d'une utilité très-différente fuivant qu'ils font mâles ou femelles, & outre cela d'une qualité très-differente fuivant cette divifion, on a porté l'exactitude jusques à leur donner des Noms fi différens, qu'on ne foupçonneroit pas, en ne confidérant que leurs noms, qu'ils font de la même espèce.

Les noms de TAUREAU & de VACHE, de BELIER & de BREBIS, de BOUC & de CHEVRE, de Coq & de POULE, &c. défignent le même animał fuivant qu'il eft mâle ou femelle.

N'en foyons pas furpris: l'utilité qu'on retire de ces animaux fuivant qu'ils font inâles ou femelles, eft fi différente, qu'elle en fait en quelque façon comme deux Êtres différens: le Taureau eft compagnon de l'homme dans le labourage; la Vache devient par fon lait la nourriciere ou le foutien de la Famille; nonfeulement dans les Familles Pâtres ou errantes, mais même pour les Familles Agricoles. La Brebis, la Chévre, & la Poule font fi utiles à ces mêmes Familles, qu'elles ne pouvoient trop en marquer en quelque forte leur reconnoiffance en les diftinguant par un nom honorable.

Les mâles & les femelles de ces animaux fe diftinguent encore par des caractères fi différens, l'un eft fi fier, fi turbulent, fi courageux, l'autre eft fi craintif, si pacifique, fi modeste, qu'on n'auroit pu les confondre feul nom.

par un D'ailleurs, ces noms furent toujours des épithètes; c'est-à-dire des mots relatifs à l'idée qu'on fe formoit de ces Etres. TAUREAU fignifioit Fort, Puissant; BELIER, le bélant; fon nom Latin, ARIES, le martial, parce qu'il est toujours prêt à fe battre. Baur, qui vient de Bous, mot Grec qui défigne également le mâle & la femelle de cette efpéce, fignifie le gros, l'énorme (†). Hen feroit de même de tous ces autres noms.

(†) Bov est un mot primitif qui défigne toute idée relative à grandeur & à fon opor fé. To & eft un autre mot primitif qui défigne toute idée relative à force & à puiffance Beft une onomatopée, imitation du bruit: BEL défignant le bétail à laine, eft de la plus haute antiquité; en Hébreu, JO-BEL fignifie un Bélier; 2°. fa-Corne; 30 ; le Con

2°. Genres par Analogie.

Mais l'homme n'eft pas le fimple imitateur de la Nature: fouvent il fuplée à ce qu'elle lui fait connoître : & là où finit fon imitation, commence sa marche d'analogie & de comparaifon; tranfportant ainfi une invention, un établiffement, d'un objet à un autre. C'eft ce qu'il exécute fur-tour à l'égard des Noms par lefquels il défigne une multitude d'Etres inanimés dans lequels il n'y a point de fexe, & qu'il revêt néanmoins d'une terminaifon mafculine ou féminine, fuivant qu'il y aperçoit quelque chofe de relatif aux idées qu'il fe forme d'un Être confidéré comme mâle ou comme femelle.

Un Nom fera, par exemple, du genre mafculin, lorsque l'objet qu'il défigne offrira quelqu'une des propriétés du fexe mafculin; qu'il fera doué de force, de vivacité, d'efficace, d'élévation, ou qu'il contribuera à communiquer quelque vertu, quelque propriété, qu'il fera propre à féconder les Êtres productifs, & plus actif que paffif

Un Nom fera au contraire du genre féminin, lorsque fon objet offrira quelqu'une des propriétés, du fexe féminin; qu'il aura plus de graces que de force, plus de douceur que de vivacité, plus de délicateffe que de vigueur; ou qu'il fera un Être portant quelque production & fécondé par la Nature; & plus paffif qu'actif,

D'après ces vues, le SOLEIL fera du genre mafculin, parce qu'il a une lumiere forte & vigoureufe, qu'il ne la doit à aucun autre corps célefte, qu'il la répand par-tout; & que par fa chaleur, il féconde tous les Êtres.

La LUNE, au contraire, fera du genre féminin, parce que la lumiere eft infiniment plus foible & plus douce que celle du Soleil, & qu'elle n'est que d'emprunt.

Auffi les confidéroit-on poétiquement comme Frere & Sœur ; d'où vint la Fable d'Apollon & de Diane, Enfans de Latone, & par conféquent frere & fœur. On les confidéra également comme Mari & Femme, d'où vint l'Histoire de Pafiphać, Femme de Minos & Mere d'un Minotaure.

qu'on faifoit avec fa Corne; 4°. la Fête qu'on annonçoit au fon du Cor, d'où Jubilé. BALO, en Latin, fignifie BELER: c'eft le cri de cet animal. BALENS, dans nos vieux monumens, fignifie un Bélier; BELIN, Beline, le bétail à laine; BELIE, le lieu où on le renferme. Voy. CARPENTIER, Suplém, au Gloffaire de du Cange, T. I. Art. BALENS.

L'AIR

L'AIR & le CIEL font du genre mafculin, parce qu'ils font regardés comme les principes de la fécondation de la Terre, qu'ils y font defcendre par la chaleur & par les pluies fans lesquelles il n'y auroit point de productions ici

bas.

Tandis que la TERRE, au contraire, eft du genre féminin par la même raison, parce qu'elle eft regardée comme un Être fécondé par le Ciel, comme fon Époufe & la Mere nourriciere des Humains. C'eft ce qui fit apeller Uranus ou le Ciel, le Mari de Ghé ou de la Terre; & qui donna lieu à ces vers de VIRGILE (I):

Tùm PATER OMNIPOTENS fæcundis imbribus ÆTHER
CONJUGIS in gremium LATE defcendit; & omnes

Magnus alit magno commixtus co pore fætus.

» Alors le CIEL, le PERE Tout- Puiffant, defcend en pluies fécondes dans »le fein de fon EPOUSE qu'il ranime; & par le mélange de ces deux grandes portions de l'Univers, naiffent & croiffent toutes les productions.

.

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La TERRE n'eft plus une MERE, elle ne nourrit plus & ne donne plus de nouvelles forces.

Salve MAGNA PARENS FRUGUM Saturnia Tellus.

MAGNA VIRU M. (3)

» Je te falue, Terre que cultiva Saturne, MERE féconde des Fruits & des Nations.

C'est par la même raison que les Villes, les Contrées, la Patrie ou la Terre de nos Peres, font du genre féminin. Elles reçoivent dans leur fein les femences de tout: elles font les Meres & les Nourricieres de leurs Habitans: auffi les anciennes Villes de l'Orient regardoient le titre de MERE, comme le plus glorieux pour elles : c'est de-là qu'eft venu notre mot MÉTROPOLE, qui fignifie mot à mot VILLE-MERE ; mais qui étant formé de mots barbares pour nous,

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