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ques tems que M. Beauzée raporte au préfent; M. l'Abbé C.... est allé fort au-delà de ce que nous disons. Nous ne faurionstrop inviter les Savans à comparer ces diverfes vues avec loin, & à fixer enfin cette portion de la Grammaire. Il feroit digne des Académies du Royaume, & de celles de l'Europe, d'exciter à cet égard le concours, & d'y travailler elles-mêmes qui pourroit mieux feconder leurs vûes que les Savans qu'elles réuniffent: dans leur fein ?

Nous avons dit que le Paffé donnoit lieu à plus de Tems que le Futur; & M. l'Abbé C... s'accorde encore avec nous en cela, quoique la lifte qu'il nous donne des Futurs excède celle qu'il nous. donne des Paffés: car la plupart de ces Futurs étant dés Tems antérieurs, ils appartiennent en effet à une époque paffée.

Et quoique nos preuves, de cet Abbé & de moi, fur l'Inverfion, foient d'un genre différent, nous nous fommes cependant rencontrés dans les résultats.

Nous fommes fâchés que cet Ouvrage n'ait pas paru plutôt, & que nous ayons été privés de l'avantage d'en parler plus aur long & plus à propos. Cet Ouvrage eft d'autant plus intéreffant, qu'il peut donner lieu à des difcuffions importantes & utiles par lès questions qu'il élève, dignes d'être aprofondies par ceux mêmes dont il combat:les idées..

EXPLICATION

DU FRONTISPICE.

CEtte Eftampe représente les heureux effets de la PAROLE, pour l'instruction

du genre humain, & pour la gloire & la profpérité des Empires. Ils font peints fous l'emblême d'ORPHÉE, Fils de la Lumiere & de l'Ordre. La Lumiére & l'Ordre peuvent feuls en effet inftruire & diriger les Hommes. Auffi, à la voix d'Orphée, la Nature change de face, les Hommes fortent de leurs fombres cavernes ; & du fond des forêts, ils admirent la doctrine falutaire qu'il a portée au monde, ils béniffent l'inftruction qui va faire leur félicité, affurer leur fubsistance, agrandir leurs familles, dévenir leur confolation, établir entr'eux la correspondance la plus douce & la plus fatisfaifante. Les Animaux, frapés euxmêmes de cette Lumiére, la recherchent; ils fe raffemblent autour de l'Homme, devenu l'inftrument de la Nature; & par leurs cris & par leurs chants ils tég moignent quels avantages ils en retirent eux-mêmes.

C'est ce Spectacle raviffant qu'Horace célèbre dans ces vers:

Sylveftres homines, facer interprefque Deorum
Cædibus & vi&tu fædo deterruit Orpheus,
Dictus ob hoc lenire tigres rabidosque leonès. -
Di&tus & Amphion Thebane conditor urbis
Saxa movere fono teftudinis, & prece blanda
Ducere quo vellet. Fuit hæc fapientia quondam
Publica privatis fecernere,facra profanis,
Concubitu prohibere vago, dare jura marisisy
Oppida moliri, leges incidere ligno. (1).

Et que notre Poëte fatyrique a tâché de rendre par ces vers (2):

Mais du DISCOURS enfin l'harmonieufe adreffe

De ces (auvages mœurs adoucit la rudeffe;
Raffembla les Humains dans les forêts épars,>
Enferma les cités de murs & de remparts,

(1) Hor. Art Poétique.

(2) Art Poet, Chant IV,

De l'afpe&t du fupplice effraya l'insolence,

Et fous l'appui des loix mit la foible innocence.

Cet o RDRE fut, dit-on, le fruit des premiers vers.

De-là font nés ces bruits reçus dans l'Univers,

Qu'aux accens dont ORPHÉE emplit les monts de Thrace;
Les tigres amollis dépouilloient leur audace;
Qu'aux accords d'Amphion les pierres se mouvoient,
Et fur les murs Thébains en ordre s'élevoient,

L'HARMONIE EN NAISSANT PRODUISIT CES MIRACLES.

Obfervons que les diverfes Etymologies qu'on a données du nom d'Orphée, & fuivant lesquelles il eût fignifié, felon les unes, un Savant ; felon d'autres un Médecin; felon des troifiémes, un Enchanteur, ou le fils du Jour, du Soleil, & qui sembloient augmenter l'incertitude de la Science Étymologique, font toutes fondées. On ne peut être Fils de la Lumiere fans être favant, ou éclairé ; on ne peut être éclairé fans être Médecin, c'eft-à-dire fans être en état de guérir les maux phyliques & moraux auxquels l'humanité est en proie; on ne peut opérer ces merveilles fans être un Enchanteur, un Génie extraordinaire, un Homme descendu du Ciel pour le bonheur de l'humanité. Auffi Esculape étoit comme Orphée, Fils d'Apollon & grand Philofophe: auffi les Légiflateurs du Pérou furent regardés comme les enfans du Soleil & de la Lune.

EXPLICATION DE LA VIGNETTE.

CEtte Vignette offre les noms des Savans de la Grèce les plus illuftres, par l'art avec lequel ils manierent la Parole, par leurs vues fur fon Origine, par leurs travaux fur la Grammaire.

gage,

Le fujet principal est PLATON. Ce Philofophe médite fur l'Origine du Lan→ & il trace ces mots tirés de fon Cratyle: LES CHOSES SE PEIGNENT PAR LES LETTRES ET PAR LES SYLLABES: vérité fondamentale & qu'on n'auroit jamais dû perdre de vûe. Devant lui est le buste de son illuftre Maître, de SOCRATE, le premier qui ramena parmi les Grecs le bon ufage de la Parole, & qui fit la guerre à l'art des Sophiftes pour lui fubftituer l'étude de la Logique. Sur le piédestal de fon bufte font les Graces, les Graces auxquelles SoCrate vouloient que les Auteurs facrifiaffent, & qui donnoient tant de mérite

à fes Difcours. Au-deffous de Platon, on voit divers Ouvrages Grammaticaux, ceux d'ARISTOTE, ceux d'APOLLONIUS, le Cratyle de notre Philofophe.

Le Tapis fur lequel il écrit, repréfente la célébre difpute qui s'éleva entre NEPTUNE & MINERVE, pour donner un nom à la Capitale de l'Attique, & que devoit décider l'utilité du Chef-d'œuvre qu'ils produiroient. On voit ces deux Divinités, ayant à leur côté, l'un le cheval qu'il fit-fortir de terre, l'autre Polivier qu'elle fit naître Minerve l'emporta fur le terrible Dieu des Mers, & la Ville en fut apellée ATHENES, du nom Grec de Minerve: qu'eft en effet la puiffance, fans la bonté & l'utilité? Par cette Fable, les Athéniens juftifioient très-ingénieusement le nom qu'ils avoient pris, & le choix qu'ils avoient fait de Minerve pour leur Déeffe Tutélaire, & pour le fymbole de leur Ville. C'eft ainfi que tout a fa raifon, & qu'aucun Nom ne fut jamais impofé au hazard.

C'est ce combat que peint OVIDE dans fes Métamorphofes (1), d'une maniere fi agréable, & fi concile contre fon ordinaire.

Cecropia Pallas fcopulum Mavortis in arce
Pingit, & antiquam de terrænomine litem,
Bis fex cœleftes, medio Jove, fedibus altis
Augufta gravitate fedent, fua quemque Deorum
Infcribit facies. Jovis eft regalis imago.
Stare Deum pelagi, longoque ferire tridente
Afpera faxa facit, medioque è vulnere faxi
Exiluiffe ferum, quo pignore vendicet urbem,
At fi dat clypeum, dat acuta cufpidis haftam
Dat galeam capiti, defenditur ægide pectus ;
Percuffamque fua fimulat de cufpide terram
Edere cum baccis fœtum canentis olivæ :
Mirarique Deos; operis victoria finis.

Description que l'ingénieux la Fontaine a imitée dans ces vers ( 2):

Climéne, en un tiffu riche, pénible & grand,

Avoit prefque achevé le fameux différend
D'entre le Dieu des eaux & Pallas la favante,

On voyoit au lointain une Ville naiffante:

(1) Liv. VI. Fab. III.

{2) Fables, Tom, HI, les Filles de Minde, p. 357. Edit. de 1759 20

L'honneur de la nommer, entr'eux deux contesté,

Dépendoit du présent de chaque Déité.
Neptune fit le fien d'un symbole de guerre ;
Un coup de fon Trident fit fortir de la terre
Un animal fougueux, un Courfier plein d'ardeur,
Chacun, de ce préfent admiroit la grandeur.
Minerve l'effaça, dorinant à la Contrée
L'Olivier, qui de Paix eft la marque affurée.
Elle emporta le prix, & nomma la Cité.
Athène offrit fes vœux à cette Déité.

TABLE

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