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lait que l'empereur en fit autant à maman Quiou. C'est ainsi qu'il appelait madame de Montesquiou.

Le choix que l'empereur avait fait d'elle pour gouvernante de son fils prouvait bien comme il savait juger les hommes. C'était le choix le plus excellent, le plus parfait que l'on pût faire. Encore assez jeune pour que son âge ne pût effaroucher l'enfant, elle avait pourtant la maturité nécessaire à la haute fonction que la confiance de l'empereur l'appelait à remplir. Noble de nom, noble de cœur, elle possédait réellement ce que le monde n'accorde souvent qu'à la fortune et à la faveur l'estime de tous... On la respectait et on l'aimait...

Madame de Montesquiou avait été élevée d'une manière différente que les jeunes filles de son époque. Son éducation avait été fort soignée... elle était pieuse et point dévote : elle n'aurait jamais manqué d'aller à la messe un dimanche, mais elle y allait sans fracas, et il en était de même de tous ses devoirs de religion, parce que sa piété était aussi éclairée qu'elle était vraie. Sa réputation était pure même de la plus légère attaque. Elle était peut-être un peu froide avec quelques personnes qu'elle connaissait peu; mais avant d'appeler cela de la froideur ou de la hau

teur, il faut savoir ce que c'est que de la dignité. Quant à moi, j'ai toujours trouvé madame de Mon. tesquiou, soit comme femme du grand-chambellan, soit comme gouvernante du roi de Rome, toujours parfaitement polie, et même prévenante, Elle inspirait le sentiment que j'ai exprimé plus haut... on la respectait, et l'on voulait en être aimé.

La conduite admirable qu'elle a tenue envers le roi de Rome à l'époque des malheurs de son père serait digne à elle seule d'inspirer amour et respect... Non seulement elle lui avait prodigué les soins d'une mère, et d'une mère tendre, depuis le jour de sa naissance, mais celui qui sépara le malheureux enfant de toute sa famille... qui lui ôtait et son père et sa mère!... ce jour-là vit madame de Montesquiou se dévouer à lui, puisque seule elle lui restait !... Elle quitta pour le suivre, patrie, amis, famillé... et pour quoi?... parce que, jeune, faible, marchant à peine, le pauvre enfant avait encore long-temps besoin d'une main amie qui le soutînt et le guidât!... et cependant alors le front du noble enfant était découronné!.. et ses espérances, on pouvait le voir, détruites sans retour.

Mae de Montesquiou n'était pas aimée de l'impératrice... la raison n'en a jamais été bien con

nue. On a dit que la duchesse de Montebello, favorite de Marie-Louise, était jalouse de madame de Montesquiou; je ne crois pas, à la vérité, à cefte version: madame la duchesse de Montebello est fort bonne personne ; elle était aimée de l'impératrice à un degré qui lui défendait toute ja lousie envers une autre, et puis, ce n'est pas le caractère de madame de Montebello... elle est bonne, je le répète, et je suis moi-même caution qu'elle n'aura fait aucune intrigue pour éloigner Marie-Louise de la gouvernante de son fils.

Le fait dans toute sa vérité, simple et nue, c'est que Marie-Louise n'aimait pas madame de Montesquiou, qu'elle aurait dû aimer comme une sœur, comme une mère, pour les soins qu'elle prodiguait à son fils; mais Marie-Louise, dont on fait l'éloge, en disant qu'elle ne faisait pas de mal, portait en tout une apathie de cœur et d'affection, dont la gouvernante de son enfant n'a pas été exempte plus qu'une autre... Cet enfant lui-même, comment en était-il traité? Je l'ai vue auprès de son fis; j'ai vu Marie-Louise arriver auprès de cet enfant quand elle descendait de cheval, ou qu'elle allait y monter, lui faire quelques signes de tête; ce qui, presque toujours, faisait crier l'enfant, parce qu'elle portait un grand panache de plumes dont l'ondula

tion effrayait le pauvre petit et le faisait pleurer; d'autres fois, lorsqu'elle ne sortait pas, elle passait à quatre heures dans les appartemens de son fils... Elle avait avec elle un ouvrage de tapisserie auquel elle travaillait par manière de contenance, en regardant le petit roi par intervalle et lui disant en remuant la tête:

Bonjour... bonjour!...

Et un quart d'heure était à peine écoulé, qu'on venait avertir l'auguste mère' que M. Isabey ou M. Paër l'attendaient dans ses appartemens... l'un pour sa leçon de dessin... l'autre pour sa leçon de musique... Elle aurait bien dû rester plus long-temps chaque jour pour prendre des leçons de maternité de celle qui la remplaçait si bien... Mais au fait, elle avait raison de partir... cela ne s'apprend pas.

Puis tous les matins, à neuf heures, on portait le jeune roi chez l'impératrice; elle le prenait quelquefois... le caressait, ensuite elle le remettait à la nourrice... Et que croyez-vous qu'elle faisait après ?... elle lisait les journaux... les feuilles, comme on dit en Allemagne... Et comme l'enfant prenait de l'humeur de ne pas être

1 O les augustes mères !... les augustes mères!... elles me font peur aujourd'hui... En vérité, les deux cousins germains ne sont pas heureux...

amusé comme par son père, et qu'il se voyait entouré de figures sérieuses, il pleurait, devenait méchant, et on l'emmenait.

Lorsque j'arrivai à Paris, à mon retour d'Espagne, l'empereur et l'impératrice venaient de faire un voyage dans le nord de la France, dans les départemens du Calvados et de la Manche. Dans cette course toute lumineuse d'enthousiasme, de bonheur et de joie, au feu de cette allégresse publique, comment Marie-Louise n'a-t-elle pas senti son âme tout entière s'échapper vers ce peuple qui savait aimer ainsi?... Elle put voir dans ce voyage que la joie de la naissance du roi de Rome était vraiment toute française... et pourtant!..

Le baptême se fit au retour de ce voyage. Les descriptions en sont si nombreuses qu'il est inutile de les rappeler ici par une nouvelle narration. Je dirai seulement que le jeune prince y reçut des noms qui prouvent que les alliances de souverains, le serment des fonts baptismaux, l'adoption religieuse, les liens du sang... tout cela n'est qu'erreur... Le jeune prince reçut au baptême les noms de NAPOLÉON - FRANÇOISCharles-Joseph !.. Ces noms sont ceux de ses parrains... ils se trouvent dans son extrait de bap

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