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ministre espagnol dans cette même note, ne peut être que le roi passe aux yeux de sa nation pour consentir volontairement au démembrement de la monarchie espagnole, parce que cette coopération est incompatible, non seulement avec l'honneur du roi, mais avec ses engagemens contractés avec sa nation... car il n'avait accepté la couronne que sous la garantie de l'intégrité totale de l'Espagne... Ainsi donc, ajoute le duc de Santa-Fé dans cette note, que je garantis officiellement authentique, Sa Majesté le roi ne peut donner son consentement ni expliciteni implicite à aucun démembrement de la monarchie, et en conséquence elle proteste.

Le 10 mai suivant, en apprenant que le comte Dorsenne, général en chef de l'armée du Nord, avait de sa seule volonté dissous le conseil et le tribunal de Corte de Pampelune, et donné une nouvelle forme à la junte criminelle CRÉÉE par le roi, Azanza réclama de nouveau et d'un style qui montrait l'ulcération profonde de son maître:

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« C'est avec surprise et mécontentement, dit-il, que Sa Majesté a vu cette mesure lorsque, depuis son retour de France, elle était dans la ferme croyance que les Français ne devaient plus

s'immiscer dans les affaires civiles et ecclésiastiques d'Espagne... Qu'ainsi donc il est fâché d'a

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voir à annoncer que le roi a non seulement désapprouvé le comte Dorsenne, mais lui a ordonné de rétablir dans son premier état le tribunal de Corte, le conseil et la junte criminelle de Navarre, etc., etc., etc."

Toutes ces notes, qui certes à cette époque ne paraissaient dans aucun journal français, demeurèrent sans effet; mais elles ne prouvent pas moins le zèle avec lequel le roi Joseph et son ministère s'opposaient au démembrement de la monarchie espagnole et à tout ce qui pouvait blesser son indépendance. Azanza, envoyé à Paris à la suite de cette correspondance infructueuse, écrivait au roi des lettres qui montraient la loyale bonne foi de tous ceux qui voulaient en effet et ne voulaient que le bien de l'Espagne. On publia alors un paquet de dépêches que des guerillas interceptèrent à l'entrée de Madrid, et qui étaient adressées au roi par le duc de SantaFé, qui alors était à Paris. On publia des lettres des 19, 20 et 21 juin; cette dépêche fit voir aux Espagnols que leur roi ne songeait qu'à eux.

Cette pièce et beaucoup d'autres, furent produites dans le Mémoire justificatif d'Azanza et d'O' Farrill, lorsqu'ils quittèrent les affaires. C'est le chef-d'oeuvre de la loyauté et de la probité politique... car on peut en avoir dans cette carrière toujours occulte et toujours mystérieuse.

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Mais voici une autre pièce plus curieuse sans doute encore, et que l'histoire doit conserver comme un monument touchant d'honneur et de bons sentimens.

N° I.

Le roi d'Espagne à son frère l'empereur Napoléon.

Madrid, le 23 mai 1812.

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• SIRE,

Lorsqu'il y a bientôt un an ', je demandai à Votre Majesté son avis sur mon retour en Espagne, elle m'engagea à y retourner, et j'y suis... Elle eut la bonté de me dire qu'au pis-aller, j'aurais le temps de la quitter, si les espérances qu'on avait conçues ne se réalisaient pas; que, dans ce cas, Sa Majesté m'assurerait un asile dans le midi › de la France, où je pourrais partager ma vie ayec » Morfontaine..

.Sire, les évènemens ont trompé mes espéran›ces: je n'ai fait aucun bien et je n'ai pas l'espoir d'en faire. Je prie donc Votre Majesté de me per

D

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mettre de déposer entre ses mains les droits qu'elle voulut bien me transmettre sur la cou⚫ronne d'Espagne, il y a quatre ans. Je n'ai ja

Lorsque je le rencontrai à Poitiers après le baptême.
oqsions'

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» mais eu d'autre but en l'acceptant que celui de > faire le bonheur de cette monarchie, mais cela ⚫ n'est pas en mon pouvoir.

>> Je prie Votre Majesté de m'agréer au nombre » de ses sujets, et de croire qu'elle n'aura jamais › de serviteur plus fidèle que l'ami que la nature » lui a donné.

De Votre Majesté impériale et royale,

» Sire,

» L'affectionné frère,

» JOSEPH. »

Y a-t-il quelque chose à reprendre dans cette lettre remplie de dignité à la fois et des plus nobles sentimens, et ne craignant pas de les manifester sous la main d'acier qui alors comprimait tout élan, toute pensée !...

Il faut maintenant lire ce qui suit :

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» l'empereur, si le décret de réunion a lieu et s'il » est publié dans les gazettes... Dans tout autre » cas, tu attendras ma réponse... Si le cas de la >> remise de ma lettre arrive, tu m'enverrais par » un courrier la réponse de l'empereur et les pas» seports.

> Renvoie-moi Remi, dont je suis assez en » peine; si on m'envoie des fonds, pourquoi tant » tarder avec des convois, et ne pas se servir de » l'estafette pour me remettre des traites du trésor >public?

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>Je t'embrasse ainsi que mes enfans.

» Ton ami,

» JOSEPH.

P.S. Si tu sais que M. Mollien ne m'a pas envoyé d'argent depuis les 500,000 francs que j'ai déjà reçus pour janvier, lorsque tu recevras » cette lettre, remets à l'empereur ma renoncia» tion; à l'impossible nul n'est tenu. Voici l'état ⚫ de mon trésor. »

Ces deux lettres sont, selon moi, de curieuses pièces pour servir de matériaux historiques, d'abord parce qu'elles présentent les affaires d'Espagne sous un aspect un peu différent de celui

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